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Documentation

CSDM | La Suisse a violé la Convention contre la torture dans une décision de renvoi vers l’Érythrée

Le Centre suisse pour la défense des migrants (CSDM) publie un communiqué annonçant la décision du Comité de l’ONU contre la torture de lui donner raison sur le cas d’un jeune Érythréen ayant déserté l’armée et quitté illégalement le pays. La Suisse voulait le renvoyer en Érythrée. Le Comité de l’ONU exige que la Suisse procède à une nouvelle instruction du dossier en tenant compte des risques dont il ferait face en cas de renvoi vers son pays d’origine. Une instruction que ni le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) ni le Tribunal administratif fédéral (TAF) n’avaient fait de façon correcte et équitable, estime le CAT. Leur décision viole la Convention contre la torture.

Une décision de renvoi vers l’Érythrée prise par les autorités suisses viole la Convention contre la torture

Le CSDM salue la décision du 7 décembre 2018 du Comité contre la torture des Nations unies selon laquelle le renvoi de notre mandant de la Suisse vers l’Erythrée viole la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants des Nations Unies (CAT). Le Comité de l’ONU exige que la Suisse procède à une nouvelle instruction du dossier de notre mandant en tenant compte des risques dont il ferait face en cas de renvoi dans son pays d’origine. Cette décision remet en question certaines pratiques des autorités compétentes en matière d’asile concernant l’accès à la justice. Le CAT se réfère aussi aux nombreuses violations des droits humains qui ont lieu en Erythrée, un rappel qui questionne la pratique actuelle des autorités suisses relative aux décisions de renvoi vers l’Erythrée. Le CSDM estime que cette nouvelle jurisprudence apporte d’importantes clarifications concernant le traitement des demandes d’asile des ressortissants érythréens en Suisse.

L’affaire concerne un réfractaire érythréen que le Bureau de consultation juridique de Caritas Suisse à Fribourg avait défendu en procédure nationale. Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) avait conclu à l’invraisemblance des allégations du requérant et le recours au Tribunal administratif fédéral (TAF) a été déclaré voué à l’échec par un juge unique. Ce dernier a imposé une avance de frais de CHF 600.- au requérant comme condition pour que le Tribunal entre en matière sur son recours, cela malgré l’indigence avérée de l’intéressé.

Le CSDM a contesté l’appréciation des instances suisses devant le Comité de l’ONU en déposant une plainte le 3 mars 2017 dans l’affaire M.G. c. Suisse, Communication n° 811/2017.

Contrairement aux conclusions du juge unique suisse, issues d’un examen «anticipé et sommaire», le Comité de l’ONU a estimé que les allégations du requérant étaient plausibles au vu de la situation désastreuse des droits humains en Érythrée. Il a donc retenu que les autorités suisses auraient dû prendre ses motifs d’asile au sérieux et lui octroyer une procédure équitable pour les faire valoir.

En effet, le Comité de l’ONU soulève plusieurs inquiétudes quant à la procédure d’asile et de recours dont notre mandant a bénéficié en Suisse. Il relève notamment que le requérant n’était pas au bénéfice d’un conseil juridique lors de la procédure devant l’autorité de première instance (le SEM); qu’il a été auditionné dans une langue autre que sa langue maternelle malgré sa demande expresse de pouvoir bénéficier d’un interprète dans sa propre langue ; que les autorités suisses ont appuyé leur raisonnement sur la contestation –mécanique et non-motivée – de l’authenticité des documents produits par le requérant sans pour autant prendre des mesures pour vérifier leur authenticité; et que le TAF avait procédé à une appréciation anticipée et sommaire du recours ce qui constitue un manquement à l’obligation de la Suisse d’assurer « un examen effectif, indépendant et impartial » de la décision de renvoi.

Le Comité de l’ONU cite en outre le Rapport du 25 juin 2018 de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Érythrée de l’ONU en relevant entre autres que la torture et autres actes inhumains continuent à être commis en Érythrée, notamment dans le cadre du service national. Dans ce contexte, le Comité de l’ONU a estime que « l’exigence des frais de procédure, alors que [l’intéressé] se trouvait dans une situation financière précaire, a privé le requérant de la possibilité de s’adresser à la justice afin de voir son recours examiné par les juges de Tribunal administratif fédéral » sur le fond. Le Comité de l’ONU conclut dès lors qu’un renvoi en Érythrée du requérant constituerait une violation de l’art. 3 de la Convention contre la torture, article qui consacre le principe de non-refoulement.

Dans sa décision, le Comité de l’ONU demande à la Suisse de maintenir les mesures provisionnelles (suspension du renvoi), de refaire la procédure d’asile et de l’informer dans un délai de 90 jours de la suite donnée à sa décision.