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Notre regard

CNPT | Les centres fédéraux sont « conformes », mais…

Dans son communiqué publié le 11 janvier 2019 sur ses visites effectuées en 2017 et 2018 dans les centres fédéraux pour requérants d’asile, la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) estime que si ceux-ci sont « en général » conformes aux droits humains, un certain nombre d’atteintes liées à la privation de liberté et à la sécurité des personnes contraintes d’y séjourner jusque parfois 140 jours doivent être corrigées par le Secrétariat d’État aux migrations, l’autorité en charge.

Fouilles corporelles systématiques, même sur des enfants à l’entrée au centre, mesures disciplinaires et sanctions qui posent des questions d’arbitraires dans leur application, absence d’un dispositif d’identification des victimes de la traite d’êtres humains et des personnes vulnérables, mixité entre mineurs et majeurs, protection des femmes face aux violences, accès à une prise en charge psychiatrique insuffisante, présence de sprays chimiques incapacitants, absence de scolarisation dans certains centres… Il s’agit donc d’aller au-delà du titre très « diplomatique » du communiqué de presse, malheureusement repris tel quel dans les médias, pour se rendre compte à quoi sont soumis les demandeurs d’asile à leur arrivée en Suisse. Les 10 pages de la synthèse du rapport en français sont à ce titre éloquentes.

Sophie Malka

Ci-dessous le communiqué de presse et les liens vers les différents rapports, à retrouver sur le site de la CNPT.

Centres fédéraux pour requérants d’asile : hébergement conforme aux droits humains, potentiel d’amélioration sur certains points

Communiqués, CNPT, 11.01.2019

En 2017 et 2018, la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) a effectué des visites de contrôle dans les centres fédéraux pour requérants d’asile. Elle publie aujourd’hui un rapport global présentant ses constatations et recommandations. Les requérants d’asile sont en général hébergés dans des conditions conformes aux droits humains et aux droits fondamentaux. La Commission juge particulièrement positive la facilitation des contacts avec l’extérieur qu’a permis la levée de l’interdiction générale des téléphones portables. La Commission estime cependant qu’un potentiel d’amélioration existe sur certains points, notamment concernant les règles relatives aux fouilles corporelle, les mesures disciplinaires, l’identification des victimes de la traite d’êtres humains et des personnes vulnérables, ou encore l’accès à une prise en charge psychiatrique.

Selon les constatations de la Commission, dans la plupart des centres, le personnel de sécurité soumet tous les adultes à une fouille à corps à chaque retour dans l’établissement. Dans un des centres, cette pratique concernait également les enfants, ce que la Commission a critiqué. La Commission recommande au SEM d’adapter la pratique actuelle et de ne procéder à des fouilles à corps qu’en cas de soupçons concrets, et d’y renoncer par principe s’agissant des enfants.

La Commission s’est également intéressée aux mesures disciplinaires. Elle se réjouit que ces mesures soient désormais inscrites dans un registre et qu’un formulaire de recours soit disponible. Elle considère cependant que pour des raisons de sécurité du droit, une notification orale est insuffisante et recommande au SEM de prononcer toutes les mesures disciplinaires sous forme écrite (dans les cas légers, un formulaire suffit). La personne concernée doit être entendue et informée, dans une forme et une langue appropriées, du motif et de la durée de la mesure prononcée à son encontre, ainsi que des voies de recours qui s’offrent à elle.

D’après les constatations de la Commission, le personnel d’encadrement et de sécurité des centres de la Confédération ne dispose pas d’instructions précises concernant l’identification, parmi les requérants, de personnes victimes de la traite d’êtres humains. Dans la plupart des centres, des services externes spécialisés ne sont pas systématiquement consultés. La Commission recommande au SEM de définir, pour tous ses centres, une procédure qui permette d’identifier les victimes de la traite d’êtres humains et les autres personnes vulnérables.

La Commission se félicite de l’examen médical systématique des requérants par du personnel qualifié lors de leur arrivée au centre. Lors de ses visites, elle a cependant constaté que l’accès à une prise en charge psychiatrique est souvent difficile et se limite en règle générale aux cas urgents. La Commission recommande au SEM d’examiner la santé mentale des requérants à leur arrivée au centre et si possible de diriger les personnes présentant des traumatismes ou d’autres troubles psychiques vers les services compétents déjà pendant leur séjour dans le centre.

Jusqu’à la levée de l’interdiction générale, l’utilisation d’un téléphone portable était interdite dans les centres de la Confédération en tout temps et en tout lieu. Depuis le printemps 2017, les requérants ont le droit d’utiliser un téléphone portable pendant la journée. La plupart des centres disposent désormais d’un accès sans fil à l’internet. De l’avis de tous les acteurs concernés, ces deux mesures permettent aux requérants d’entretenir plus facilement des contacts, notamment avec des membres de leur famille, et d’accéder à l’information par la consultation des médias. Selon les déclarations des responsables, l’accès réglementé au téléphone portable et à l’internet a dans l’ensemble un impact positif sur la sécurité et la vie dans les centres.

Entre juillet 2017 et juillet 2018, la Commission, se fondant sur son mandat légal, s’est rendue dans onze centres de la Confédération. Lors de ces visites inopinées, elle a contrôlé si l’hébergement respectait les normes applicables en matières de droits humains et de droits fondamentaux. La Commission publie un rapport dans lequel sont rassemblées les observations et constatations faites à l’occasion de ces visites, ainsi que les recommandations qu’elle a formulées sur cette base.

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