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Le temps des réfugiés | Les raisons sordides de la forte baisse des demandes d’asile en Suisse en 2018

En 2018, le nombre de demandes d’asile déposées en Suisse n’a jamais été aussi bas depuis 2008 avec 15’255 demandes d’asile enregistrées contre 18’088 en 2017 (+16%), 27’207 en 2016 (+43%) et 39’523 en 2015 (+61%). Pourtant les conflits, les persécutions et les violations massives des droits de l’Homme continuent. Les principaux pays de provenance sont l’Érythrée, la Syrie, l’Afghanistan et la Turquie suivis de la Géorgie, du Sri Lanka, de l’Irak et de la Somalie. Ce sont donc les politiques d’obstruction mises en place par les gouvernements européens qui expliquent la diminution des demandes d’asile en Suisse. Cette explication est confirmée par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) dans son dernier commentaire statistique. L’installation de murs barbelés sur les frontières (Hongrie, Slovénie, Croatie, Roumanie, Bulgarie), l’empêchement des sauvetages en mer Méditerranée, la criminalisation de l’assistance aux réfugiés, la fermetures des ports, la mise à quai de navires humanitaires, l’utilisation abusive des accords de Dublin, les refoulements vers la Libye et le maintien forcé et prolongé de requérants vulnérables dans les centres “hotspots” surchargés des îles grecques, toutes ces raisons expliquent la baisse des demandes d’asile en Suisse en 2018 (1).

Billet de Jasmine Caye publié sur son blog, hébergé sur le site du Temps, le 1er février 2019. Cliquez ici pour lire l’article sur le blog Le Temps des réfugiés.

Historique de l’évolution des demandes d’asile 1986-2018. Vivre Ensemble

Pour une meilleure politique d’accueil en Suisse en 2019

Je rejoins les 16 étudiants en médecine qui s’expriment dans un  “Plaidoyer pour sauver des vies en Méditerranée” (Le Temps, 22.1.2019). Comme eux je pense que la Suisse a un rôle primordial à jouer dans la construction d’une vraie solution digne en Méditerranée. Une solution qui ne doit pas uniquement peser sur l’Italie, la Grèce ou Malte et qui doit bannir les refoulements illégaux vers la Libye. Comme eux je pense que notre gouvernement aurait du accorder le pavillon à l’Aquarius et en proposant cette aide concrète encourager une répartition proportionnelle des personnes sauvées en mer.

[caption id="attachment_51792" align="aligncenter" width="750"] Barbelés à la frontière d’Idomeni, en Grèce. Le temps des réfugiés. Blog de Jasmine Caye.[/caption]

Dans l’immédiat que peut faire la Suisse aujourd’hui pour améliorer sa politique d’accueil? Elle doit d’abord modifier sa pratique en matière de renvois Dublin, revoir sa politique envers les requérants érythréens qu’elle place désormais à l’aide d’urgence, faciliter le regroupement familial des réfugiés en Suisse et offrir plus de visas humanitaires (2).

Améliorations attendues grâce aux décisions du Comité de l’ONU contre la torture

Heureusement, quelques améliorations sont attendues suite à trois décisions récentes du Comité des Nations unies contre la torture (Comité contre la torture) concernant trois personnes représentées par le Centre suisse pour la défense des droits des migrants (CSDM) basé à Genève.

En août (A.N. c. Suisse) puis en décembre 2018 (A.H. c. Suisse), le Comité contre la torture prononçait deux décisions demandant à la Suisse de ne pas renvoyer vers l’Italie, un requérant d’asile érythréen et un requérant éthiopien tous les deux victimes de torture dans leur pays d’origine. Pour le Comité contre la torture, respecter la Convention contre la torture signifie aussi prendre les mesures nécessaires à la réadaptation des requérants (article 14). Désormais la Suisse devra évaluer la situation personnelle des requérants avant de prononcer un renvoi vers un Etat Dublin tout en vérifiant si des soins adaptés sont accessibles dans l’état concerné.

La Suisse devra aussi tenir compte d’une autre décision récente du Comité contre la torture contre le renvoi d’un réfugié vers l’Érythrée (M.G. c. Suisse, 7 décembre 2018). Ce cas a aussi été représenté par le CSDM. Dans cette décision le Comité contre la torture demande à la Suisse de procéder à une nouvelle instruction du dossier afin de tenir compte des risques encourus en cas de renvoi. Cette décision précise les failles dans le processus d’examen de la demande d’asile.

De Dublin à une répartition automatique des requérants d’asile en Europe

Pendant dix ans, la Suisse a beaucoup profité des Accords de Dublin mais le vent tourne. Depuis 2009 la Suisse a renvoyé 29’955 personnes vers d’autres “Etats Dublin” alors qu’elle en a accueilli 6’626. La conjugaison de deux tendances – l’Italie moins assidue dans la prise d’empreintes et l’augmentation des demandes de prise en charge en provenance  d’Allemagne et de France – a  rendu l’écart nettement moins favorable. Résultat, en 2018 la Suisse a transféré 1’760 requérants d’asile vers un autre Etat Dublin alors que 1’298 sont arrivés en Suisse. D’ailleurs ce phénomène s’observe dans toute l’Europe selon le récent rapport du Parlement européen qui souligne le gaspillage de ressources du système Dublin pour un résultat négligeable en termes de distribution effective (3).

Réformer le système d’asile européen avec l’installation d’un système automatique d’attribution des requérants d’asile selon une clé de répartition prédéfinie (à l’exemple de la Suisse) est une solution qui a déjà été proposée par Madame Simonetta Sommaruga, Conseillère fédérale en charge du Département de justice et police (jusqu’en décembre 2018). L’idée fait son chemin avec la nouvelle proposition du Parlement européen en faveur d’un mécanisme automatique qui respecterait les liens familiaux des requérants d’asile.

Cliquez sur l’image pour accéder au rapport

Chaque vie compte

Depuis le début de l’année des centaines de personnes ont été interceptées en Méditerranée puis refoulées vers la Libye car les navires humanitaires n’ont pas de lieux de débarquement sûrs. Il est pourtant impératif que les gouvernements européens se mettent d’accord sur un mécanisme de débarquement prévisible. En première ligne, le Maire de Palerme, Leoluca Orlando, s’insurge contre la politique de son gouvernement et constate que la Lybie est aujourd’hui un camp de concentration de migrants financé par l’Union européenne. Il n’a pas tort. Pour le constater je vous invite à lire le dernier rapport de Human Rights Watch “No Escape from Hell” mais aussi le Rapport sur la situation des droits de l’homme des migrants et réfugiés en Lybie.

Cliquez sur l’image pour accéder  à la déclaration du maire de Palerme  sur la situation en Lybie et sa décision de garder  son port ouvert.