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Notre regard

Témoignages [5/6] | « On est presque comme emprisonné »

Le 26 juin 2019, la coordin’action Poya Solidaire a organisé une journée d’information et de mobilisation pour exiger la fin du statut dégradant de l’aide d’urgence et la régularisation des requérant-e-s le subissant depuis une longue durée. A cette occasion, plusieurs personnes concernées ont pris la parole. Leurs mots étaient forts et importants. En juillet et août, chaque mercredi, Vivre Ensemble publie leurs témoignages, soit prononcés le jour même, soit recueillis en marge de la manifestation par des personnes solidaires.

M., deux ans à l’aide d’urgence

« Personne ne choisit de quitter son pays sans être menacé d’un danger. Personne n’aimerait être loin de sa famille et de son pays, de sa terre où il est né et vivre à l’étranger. Personne n’aimerait fuir sans savoir ce qu’il y a devant lui.

J’ai arrêté les cours quand j’avais 18 ans afin d’éviter l’armée. A l’armée, on n’a aucun choix. On peut y rester toute sa vie. Même si quelqu’un de sa famille décède, on n’a pas le droit de rejoindre sa famille. Pour n’importe quelle petite chose, on risque la prison.

Ils m’ont mis pendant 3 mois en prison. Après, je me suis enfui de prison et je me suis caché pendant 4 mois. Ils ont recommencé à me chercher. Alors, j’ai décidé de partir au Soudan.

Au Soudan, tout était dangereux. Chaque fois qu’on sortait de la maison, la police nous demandait notre carte d’identité et ils nous mettaient en prison parce qu’on ne l’avait pas. Ils nous demandaient de payer quelque chose pour sortir à chaque fois.

[caption id="attachment_54236" align="aligncenter" width="695"] Photographie: Eric Roset, 2019[/caption]

Maintenant, cela fait quatre ans que je suis en Suisse. En deux ans, j’ai eu seulement le cours de français de six mois. Après, j’ai reçu la décision négative. Je n’avais plus le droit de travailler ou de recevoir un cours de français par ORS. J’ai trouvé un stage, mais ils ont refusé. On est presque comme emprisonné. J’ai pris des cours gratuits à différents endroits, mais ce n’est pas régulier et pas suffisant. En plus, il n’y a pas de grande motivation pour apprendre quand on n’a pas d’espoir de pouvoir rester et pas assez d’argent. On ne peut pas payer le bus, on doit toujours marcher. Mentalement, on n’est pas tranquille pour apprendre. On ne se sent pas comme les autres personnes. On ne se fait pas confiance à soi-même.

La vie c’est vraiment difficile. Il y a beaucoup de gens qui ne comprennent pas comment on vit.

J’étais très content d’arriver en Suisse pour m’intégrer le plus vite possible, prendre mes responsabilités, apprendre la langue et travailler. Finalement, j’ai réussi à bien m’intégrer, mais je suis triste de recevoir chaque jour dix francs et de ne pas pouvoir travailler. Passer toute la journée à la maison sans rien faire.