Aller au contenu
Notre regard

Témoignages [6/6] | « En Suisse, j’ai découvert la liberté d’expression »

Le 26 juin 2019, la coordin’action Poya Solidaire a organisé une journée d’information et de mobilisation pour exiger la fin du statut dégradant de l’aide d’urgence et la régularisation des requérant-e-s le subissant depuis une longue durée. A cette occasion, plusieurs personnes concernées ont pris la parole. Leurs mots étaient forts et importants. En juillet et août, chaque mercredi, Vivre Ensemble publie leurs témoignages, soit prononcés le jour même, soit recueillis en marge de la manifestation par des personnes solidaires.

À l’aide d’urgence depuis 4 ans

« Quand je suis arrivé en Suisse, j’ai repris un peu espoir. J’ai d’abord appris le français et suivi une formation. Mais cet espoir s’est brisé après deux ans, lorsque j’ai reçu une réponse négative à ma demande d’asile.

Depuis, j’ai dû déménager dans un centre d’attente et de départ. Mes cours ont été brutalement interrompus. Je n’ai pas le droit de travailler, de faire des stages ou même du bénévolat.

Nous sommes pris en charge par ORS, qui doit subvenir à nos besoins matériels de base. Nous recevons 10 francs par jour à titre d’aide d’urgence. Une fois par semaine, nous devons nous présenter au Service de la population et de la migration, à Granges-Paccot. Pour y aller, nous devons avoir un billet de bus de 2,90 francs seulement. Il y a des jours où nous restons pendant des heures, donc notre billet expire après une heure et nous devons acheter un billet pour notre retour. Cela signifie que nous utilisons 5,90 francs, des 10 francs par jour que nous recevons, pour le bus.

[caption id="attachment_54241" align="aligncenter" width="657"] Photographie: Eric Roset, 2019[/caption]

Si nous ne pouvons pas nous présenter au Service de la population et des migrants ou si nous sommes nous présentons après 11 heures auprès des responsables d’ORS, on nous refuse ces CHF 10 quotidiens.

Nous n’avons pas le droit de quitter le canton.

Nous n’avons pas de papiers, seule une feuille blanche permet de nous identifier. Sur ce papier, il n’y a même pas de photo.

Nous n’avons pas le droit de travailler, ni de suivre un cours de formation professionnelle.

Chacun d’entre nous a fui son pays pour différentes raisons. Nous avons dû laisser nos pays respectifs afin de fuir des régimes dictatoriaux et totalitaires.

Quand nous avons quitté nos pays, nous avions de l’espoir et la perspective que d’améliorer et de changer notre vie. Mais la situation que nous avons affrontée ici est le contraire.

Cela fait plus de quatre ans que j’attends, que je subis une inactivité forcée. C’est très dur psychologiquement.

Malgré toutes ces difficultés rencontrées, j’ai appris le français et me suis intégré.

Après plus de 5 années passées en Suisse, je ne peux m’imaginer repartir.  En Suisse, j’ai découvert la liberté d’expression, le droit d’avoir une opinion. J’ai participé à des discussions et manifestations pour dénoncer les abus des pouvoirs en place en Ethiopie, comme en Erythrée. Dans mon pays je n’ai plus de famille, plus de soutien.

Nous ne sommes pas des criminels. Nous sommes jeunes, pleins de forces et d’espoir. Tout ce que nous demandons, c’est de pouvoir travailler et vivre dignement. »