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Notre regard

Solidarité Tattes | Appel Dublin: état des lieux 2 ans après

En novembre 2017, de nombreuses associations de défense des droits des réfugiés, ont remis au Conseil Fédéral l’appel contre l’application aveugle du règlement Dublin. Cet Appel Dublin a rappelé à la Suisse ses obligations de protection envers les enfants réfugiés et leurs familles. Il a demandé aux autorités suisses d’appliquer l’article prévu au Règlement Dublin permettant aux autorités d’examiner la demande de protection des demandeurs d’asile (clause de souveraineté). Bientôt 2 ans que l’Appel Dublin recense et accompagne des personnes étiquetées NEM Dublin par nos autorités. Bientôt 2 ans que nous dénonçons l’application absurde et rigide du règlement Dublin par la Suisse.

Ce texte a été envoyé sous forme de newsletter pas l’association Solidarité Tattes le 4 septembre 2019

Appel Dublin : état des lieux 2 ans après

Bientôt 2 ans que l’Appel Dublin recense et accompagne des personnes étiquetées NEM Dublin par nos autorités. Bientôt 2 ans que nous dénonçons l’application absurde et rigide du règlement Dublin par la Suisse.

L’Appel Dublin a suivi à ce jour 97 familles ou personnes étiquetées NEM Dublin. Les recours et demandes de réexamens des juristes, ainsi que nos accompagnements, dénonciations et manifestations ont permis à 46 familles ou personnes de « sortir de Dublin » : pour celles-ci, les autorités ont laissé passer le délai durant lequel un renvoi vers un pays Dublin est possible et ces personnes voient maintenant leur demande d’asile examinée par la Suisse. Ouf.

MAIS nous restons plus que jamais inquiets et mobilisés pour plusieurs raisons:

Le SEM continue d’être aveugle et sourd

Nous ne percevons aucune avancée concrète sur la prise en compte des vulnérabilités des personnes. Les autorités laissent passer certains délais Dublin mais sans jamais en spécifier les motifs. Il n’est jamais dit noir sur blanc que la situation de santé ou la situation familiale rend IMPOSSIBLE ou DANGEREUX un tel renvoi. Les autorités laissent couler sans se mouiller. Cette situation est d’autant plus inquiétante qu’avec le nouveau système des Centres fédéraux, il n’y a plus de possibilité de suivi par la société civile ou de suivi juridique solide pour s’assurer de la prise en comtpe des vulnérabilités.

Les personnes étiquetées NEM Dublin « disparaissent » 

Disparaître, c’est tenter sa chance dans un autre pays européen qui risque bien de prononcer une nouvelle décision NEM Dublin, c’est passer dans la clandestinité et se débrouiller comme on peut. Avec tous les risques que cela implique.

Quelques exemples de personnes « disparues » :
Femme d’origine afghane avec ses deux enfants de 6 et 9 ans et sa belle-mère malade (problèmes de mobilité). Renvoyés en Italie, les enfants sont déscolarisés et la belle-mère n’a aucun accès aux soins. La famille « disparaît ».

Femme d’origine érythréenne avec son fils de 17 ans souffrant d’une maladie métabolique et immunitaire rare demandant un traitement dans un centre spécialisé. Le fils a dû être hospitalisé à plusieurs reprises en raison de poussées de fièvre et de graves infections. Suite au rejet des recours par le TAF, la famille fuit en Allemagne afin d’éviter le renvoi vers l’Italie. Elle « disparaît ».

Les renvois de personnes vulnérables continuent

Parce que l’Europe bloque les migrants dans l’enfer libyen, il y a une nette diminution des nouvelles demandes d’asile en Suisse. Mais malgré cela, la Suisse continue à faire tourner sa machine à renvoi de la même manière. Les renvois Dublin de personnes vulnérables continuent!

Couple iranien avec un enfant de 5 ans. La mère reçoit en Suisse le diagnostic de sclérose en plaques. La menace du renvoi vient s’ajouter à l’annonce du diagnostic : Mme décompense psychologiquement et est internée pendant plusieurs semaines. L’ensemble de la famille est bouleversé. La communauté iranienne soutient le père et sa fille quotidiennement. Les autorités maintiennent le renvoi.      

Les renvois qui séparent des familles continuent aussi

Il y a les renvois injustes, violents, dangereux pour la santé des personnes. Et il y a les renvois absurdes : M. et Mme arrivent en Suisse en 2015, en transitant par la Croatie. Ils ne mentionnent pas immédiatement leur vie commune, par crainte : Mme échappe à un mariage forcé et contracte un mariage Sigeh (mariage temporaire) en Iran avec M., en cachette de sa famille. Par la suite et malgré l’annonce de leur vie commune, leur lien familial est nié par la Suisse. Mme obtient un permis B réfugié et M. est renvoyé à deux reprises vers la Croatie. Un nouveau renvoi est en cours.

Les signes d’alarme qui filtrent des centres fédéraux font frémir

En enfermant les requérants d’asile dans les centres, les autorités fédérales se sont retiré une grosse épine du pied : finis les contacts entre société civile et requérants, fini le grabuge autour des renvois, enfin les mains libres. Les signes qui arrivent à filtrer à travers les barreaux de ces centres nous font craindre le pire.

Après une décision NEM Dublin, les juristes des centres fédéraux ont 5 jours pour faire recours. Durant ces 5 jours, les requérants sont régulièrement transférés et re-transférés d’un centre à l’autre. Comment établir clairement les vulnérabilités, notamment médicales, dans ces conditions ? Plus d’une vingtaine d’arrêts du Tribunal Administratif Fédéral fait état de lacunes au niveau de l’examen de l’état de santé des requérants dans le cadre de la prise de décision du SEM.

Pour toutes ces raisons, nous continuerons à suivre de près l’application du règlement Dublin par la Suisse et nous continuerons à faire connaître au public ce qui se trame dans les centres fermés.

Pour mieux comprendre l’application par la Confédération des lois sur l’asile et son rôle prépondérant dans l’élaboration du système Dublin et la mise en place des outils d’application de ce système au niveau européen : https://asile.ch/2019/08/19/plein-droit-le-couteau-suisse-des-politiques-migratoires/

« Les débouté-e-s de l’asile au long cours »

Un autre « dommage collatéral » de l’application aveugle des lois sur l’asile nous préoccupe:  « les débouté-e-s de l’asile au long cours ». C’est-à-dire toutes ces personnes à qui l’on ne reconnaît pas de motifs valables pour obtenir l’asile dans notre pays, mais que l’on ne peut pas renvoyer chez eux, faute d’un accord avec le pays de provenance, et qui ne tombent pas sous le diktat Dublin.
Ces personnes sont donc contraintes de vivre à Genève avec un « papier blanc » (simple attestation donnant droit à l’aide d’urgence), sans droit de travailler, sans droit de se former. Cette situation peut durer des années, puisqu’elle dépend de la situation dans leur pays d’origine. Il devient urgent de dénoncer cet état de fait et surtout de proposer des solutions qui permettent à ces gens de vivre dignement.