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Notre regard

Femmes dans la procédure d’asile suisse. « Livrées à leur sort plutôt qu’accueillies »

Avec sa campagne « Livrées à leur sort plutôt qu’accueillies ! » et ses revendications politiques, TERRE DES FEMMES Suisse demande justice et protection pour les réfugiées en Suisse. Dans son rapport de campagne, l’organisation répond à une publication de la Confédération et des cantons au sujet d’une analyse de la situation des femmes réfugiées dans le système d’asile, qui met l’accent sur les femmes réfugiées.  La Confédération et les cantons reconnaissent pour la première fois qu’une perspective de genre et des mesures appropriées sont nécessaires dans le système d’asile pour prévenir la violence contre les femmes et pour soutenir les personnes concernées. Toutefois, l’organisation regrette que les mesures prévues par la Confédération et les cantons soient toujours incomplètes et non systématiques, en dépit des obligations qui leur incombent en vertu de la Convention d’Istanbul. Une position également soutenue par d’autres organisations.

Le rapport Terre des femmes Suisse a été publié en octobre 2019. Il est disponible sur le site de l’organisation ou téléchargeable ici: « Livrées à leur sort plutôt qu’accueillies. Les femmes réfugiées ne sont pas en sécurité dans le système de l’asile », octobre 2019. Nous reproduisons ci-dessous leurs principales revendications.

L’association Terre des femmes suisse se bat depuis des années pour qu’une analyse de la situation des femmes réfugiées soit faite et que l’accent soit mis sur la situation de ces femmes dans le système de l’asile en Suisse. En 2016, la conseillère nationale socialiste Yvonne Feri a déposé une motion « Analyse de la situation des réfugiées » qui demandait à la Confédération deux choses. D’une part une analyse de l’encadrement, du traitement et du soutien qu’offre la Suisse aux femmes et aux filles qui relèvent du domaine de l’asile et qui ont été victimes de violence ou d’exploitation sexuelle. D’autre part, elle questionne la nécessité d’agir dans le domaine de l’hébergement et de l’encadrement généraux de requérantes d’asile majeures ou mineures. Depuis, en 2017, la Suisse a ratifié la Convention d’Istanbul visant à prévenir et à lutter contre la violence à l’égard de toutes les femmes et la violence domestique, quel que soit le statut ou le pays de provenance. Le 25 septembre 2019, le Conseil fédéral et le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) publient deux rapports sur la base de l’étude mandatée suite au dépôt de la motion Feri et publiée en mars 2019 par le Centre de compétence pour les Droits Humains (CSDH).

L’association Terre des femmes suisse salue la publication récente des rapports portant sur les structures d’asile existantes au niveau tant fédéral que cantonal. L’organisation regrette toutefois que les mesures prévues par la Confédération et les cantons soient toujours incomplètes et non systématiques, en dépit des obligations qui leur incombent en vertu de la Convention d’Istanbul. Parmi une liste de revendications politiques listées dans le rapport, Terre des femmes regrette que les mesures envisagées dans les rapports du SEM et du Conseil fédéral manquent de prendre en considération la diversité des femmes et des formes de violences qui s’exercent sur elles. Elle estime essentiel que le soutien et la protection de ces femmes se fasse sans considération du stade de la procédure d’asile ou de leur statut de séjour. Elle rappelle la nécessité de collaborer avec des services spécialisés et d’intégrer les dimensions du genre dans toute le système de l’asile. Elle souligne l’importance de former le personnel qui interagit au quotidien avec ces femmes. De même, elle demande, tel que l’avait fait la motion Feri, qu’une reconnaissance des violences puisse être effectuée même si ces actes ont été perpétré à l’étranger, avant leur arrivée en Suisse. Le rapport précité donne davantage d’explications sur ces points et en relève d’autres tout aussi relevant.

De son côté,  le Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR) salue également l’adoption de ces rapports. L’adoption de ces trois rapports successifs au Postulat Feri apporte, pour le HCR, une contribution importante à la reconnaissance et à la prise en compte des besoins spécifiques aux femmes réfugiées et aux victimes de violence sexuelle dans le système d’asile suisse. Il souligne toutefois le besoin de mettre en place des mesures additionnelles adaptées aux femmes ainsi que d’assurer une mise en œuvre des rapports impliquant tous les acteurs concernés et portant sur l’ensemble des domaines d’activités analysés.

L’Organisation Suisse d’Aide aux Réfugiés (OSAR) critique entre autres le fait que le SEM a évalué lui-même la situation des femmes dans les CFA, au lieu de confier cette analyse à un acteur externe.

Les différentes prises de position démontrent que les autorités gagneraient à se faire accompagner dans leur volonté d’amélioration par les différents acteurs mobilisés depuis de nombreuses années auprès des femmes exilées. De par le lien de confiance tissé, ces associations de terrain permettraient notamment de faire entendre la voix de celles concernées. Ensemble, alors peut-être, elles pourront prendre soin de cette question bien trop longtemps invisibilisée.

Giada de Coulon, pour Vivre Ensemble

Publications en lien:

Pour aller plus loin:

Extrait du rapport Terre des femmes Suisse: « Livrées à leur sort plutôt qu’accueillies! »

Introduction

Le système d’asile suisse n’est pas adapté aux femmes et aux filles réfugiées et ne les protège pas assez de la violence. Cela vaut pour toutes les femmes réfugiées, indépendamment de leur statut de séjour, de leur âge, de leur identité sexuelle ou d’autres critères. Dans des situations particulièrement précaires telles que l’aide d’urgence, les femmes réfugiées sont encore plus exposées à la violence ou à ses conséquences. La Suisse s’est toutefois engagée à protéger les femmes contre la violence en ratifiant la Convention d’Istanbul, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) et d’autres accords internationaux et lois nationales sur la protection des femmes contre la violence.

Pour les femmes réfugiées en particulier, cette protection s’impose de toute urgence, comme le montrent les témoignages et les expériences des femmes et des filles ainsi que les observations faites par les services spécialisés et les bénévoles. C’est également la conclusion à laquelle aboutissent d’une part la Confédération dans ses rapports, et d’autre part les cantons dans le cadre d’une étude réalisée par le Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH).

Pour que les femmes réfugiées soient enfin en sécurité en Suisse, TERRE DES FEMMES Suisse revendique les mesures suivantes :

De la part de la Confédération et des cantons :

–  Soutenir les femmes indépendamment de leur statut de séjour

–  Tenir compte de la diversité des femmes et de leurs situations

–  Couvrir la diversité des formes de violence faite aux femmes

–  Intégrer la perspective liée au genre dans tout le système de l’asile

–  Veiller à l’égalité en tant que prévention de la violence

–  Soutenir proactivement les femmes concernées par la violence

–  Imposer l’obligation de collaborer avec des services spécialisés

–  Garantir le soutien de l’aide aux victimes d’infraction aussi lorsque les méfaits ont été 
commis à l’étranger

–  Veiller à des infrastructures sûres dans les centres de requérant-e-s d’asile

–  Employer du personnel qualifié disposant de ressources suffisantes

–  Introduire une formation obligatoire sur la violence faite aux femmes pour l’ensemble 
des collaborateurs/trices

–  Veiller à ce que les référentes et les professionnelles prenant en charge les femmes ré- 
fugiées soient toujours des femmes

–  Introduire l’interprétariat professionnel obligatoire

–  Créer un service externe d’aide et de médiation

–  Ancrer légalement la santé et les droits reproductifs et sexuels

– Prendre des mesures spécifiques pour les mineures non accompagnées

–  Promouvoir la place des femmes dans l’intégration

–  Etablir des données et des activités de recherche et impliquer les personnes concernées

De la part de la Confédération
 :

– Accorder l’asile pour protéger les femmes et les filles

De la part des cantons :

–  S’attaquer aux situations encore plus graves de l’aide d’urgence

–  S’attaquer aux situations encore plus graves dans les mesures de contrainte