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Notre regard

Carnet de bord croisé | La rencontre / novembre 2016 [3/9]

Chaque jour, du 10 décembre, Journée des droits humains, au 18 décembre, Journée internationale des migrants, Vivre Ensemble vous offre un extrait du livre Carnet de bord croisé de Marion Dinart. Une façon de vivre le calendrier de l’Avent à travers le récit inspiré de l’accueil d’un jeune migrant non accompagné au sein d’une famille urbaine occidentale. S’y entremêle le périple de celui-ci de l’Érythrée jusqu’en Suisse. L’auteure raconte les fossés, les écueils, les fous-rires et les dimensions transculturelles de la rencontre jusqu’à l’intime de sa vie familiale. Présenté sous forme d’un écrit à quatre mains, il retrace quatre ans d’une incroyable aventure.

L’auteure Marion Dinart est née en 1972 et vit actuellement en Suisse. Active professionnellement dans le domaine de la santé, elle a précédemment vécu plus de quatre ans en mission à l’étranger, en Afrique et en Amérique latine, dans des projets de développement et de coopération. Carnet de bord croisé est son premier récit. 

Marion Dinart, Carnet de bord croisé, L’Harmattan, 2019, 20 CHF. Actuellement disponible à la Librairie du Boulevard, ainsi qu’à La Librerit. Peut-être commandé dans toutes les librairies ou en version électronique sur ce lien (10 euros)

(…) La rencontre suivante, nous lui servions un plat de pâtes et lui faisions découvrir la joie du fromage qui fond sur la sauce brûlante alors que lui revenaient les premiers souvenirs, pourtant enfouis de nombreux mois : les pâtes, nous dit-il, il les mangeait durant sa traversée du désert. La puissance évocatrice de ce plat-là fit émerger en lui des bribes d’une ancienne vie qu’on appelle froidement « le parcours migratoire ». C’est pourtant sa vie et son histoire, cela fait partie de lui et il nous le partage : il se met donc à raconter cette traversée infinie et les conditions indicibles qui en ont émaillé le chemin, tout en mangeant tranquillement ses pâtes, qu’il semble grandement apprécier. Les enfants écoutent bouche bée, pas très sûrs de tout comprendre. Nous non plus. Mais son récit est là, mêlé à nos spaghettis, et nous faisons face en improvisant du mieux que nous pouvons, gérant à l’instinct nos émotions, leur contrôle, les questions rationnelles mais oh combien précises de Thibaud (neuf ans) et les regards en coin de Théo (quinze ans) surpris et probablement secoué.

Et c’est ainsi que, de temps en temps, les vannes de sa mémoire s’ouvrent sans que nous ne les voyions venir : c’est une vision fugace, un souvenir surgi, une odeur diffuse qui font couler les mots de Nataniel. Nous accueillons son récit comme nous l’accueillons lui, bras ouverts et parfois gifle en pleine figure.
Le reste du temps, il s’immerge, se plonge, se fond dans notre vie de famille. Cela se fait petit à petit. Nataniel découvre que nous partageons, hormis nos repas, nos journées, nos rencontres, nos émotions, bref c’est toute notre vie de famille qui s’ouvre à lui. Et Nataniel s’ouvre à nous. (…)

Vous trouverez dans le prochain Vivre Ensemble notre recension du livre, ainsi que divers ouvrages à offrir ou à s’offrir. Les extraits des chapitres à retrouver sur asile.ch:

Bon de commande: Carnet de bord croisé