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Notre regard

Carnet de bord croisé | Centre d’enregistrement [9/9]

Chaque jour, du 10 décembre, Journée des droits humains, au 18 décembre, Journée internationale des migrants, Vivre Ensemble vous offre un extrait du livre Carnet de bord croisé, de Marion Dinart. Une façon de vivre le calendrier de l’Avent à travers le récit inspiré de l’accueil d’un jeune migrant non accompagné au sein d’une famille urbaine occidentale. S’y entremêle le périple de celui-ci de l’Érythrée jusqu’en Suisse. L’auteure raconte les fossés, les écueils, les fous-rires et les dimensions transculturelles de la rencontre jusqu’à l’intime de sa vie familiale. Présenté sous forme d’un écrit à quatre mains, il retrace quatre ans d’une incroyable aventure.

L’auteure Marion Dinart est née en 1972 et vit actuellement en Suisse. Active professionnellement dans le domaine de la santé, elle a précédemment vécu plus de quatre ans en mission à l’étranger, en Afrique et en Amérique latine, dans des projets de développement et de coopération. Carnet de bord croisé est son premier récit. 

Marion Dinart, Carnet de bord croisé, L’Harmattan, 2019, 20 CHF. Actuellement disponible à la Librairie du Boulevard, ainsi qu’à La Librerit. Peut-être commandé dans toutes les librairies ou en version électronique sur ce lien (10 euros)

(…) Je travaille un peu au centre d’enregistrement : j’aide à la cuisine, à la vaisselle et au nettoyage. C’est obligé. Chaque jour, on a sa part.

Ce que je préfère, c’est faire la vaisselle, parce qu’on est tous ensemble ; on peut écouter de la musique et on chante. C’est un moment gai. On voit la forêt par la fenêtre, c’est sombre mais en même temps c’est calme. La forêt paraît gentille. Est-ce qu’il n’y a pas de hyènes en Suisse ? En tous cas, je ne les entends pas aboyer. Le seul qui aboie, c’est le chien de la sécurité. Il est bizarre, ce chien : il est là pour garder et pourtant il n’est pas méchant. Le plus bizarre, ce sont les hommes qui sont avec lui : ils l’autorisent à rester avec eux à l’intérieur, ils le caressent et ils lui donnent à manger dans une vraie assiette à lui.

Ici j’ai un lit avec un matelas pour moi. C’est un peu mou. Je dors seul pour la première fois. Quand c’est la nuit, je dors mal : je rêve de ma mère et je me réveille les joues mouillées ; je rêve de ma sœur et je fais des cauchemars. Le pire, c’est quand je rêve du désert : les autres me secouent et me réveillent, ils disent que je crie en dormant. C’est sûrement vrai. Je pourrais même crier réveillé quand je pense à la Lybie.

Pour se sentir moins seuls, on dort à plusieurs. On se met à deux par lit et on se serre. On est plus calmes comme ça. C’est interdit, ils nous ont dit : « chacun dans son lit », mais moi je ne peux pas, je n’ai jamais fait ça. Je me sens plus pauvre quand je dors seul. Déjà qu’il n’y a pas ma famille, j’ai besoin de sentir un autre là, à côté, sa chaleur, son poids, sa présence.

Seul dans mon lit, c’est trop d’isolement, ça fait dormir mal. On n’est pas des cailloux, on a besoin d’être les uns avec les autres. (…)

Vous trouverez dans le prochain Vivre Ensemble notre recension du livre, ainsi que divers ouvrages à offrir ou à s’offrir. Les extraits des chapitres à retrouver sur asile.ch:

Bon de commande: Carnet de bord croisé