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Notre regard

Coronavirus | État d’urgence: quid des réfugiés et du personnel dans les centres fédéraux? Quid des procédures?

Quid des demandeurs d’asile et du personnel dans les centres fédéraux? Qu’en est-il de l’accès aux soins, déjà problématique en dehors de cette crise? Quid des procédures urgentes imposées aux bureaux de consultation juridiques devant elles-mêmes se protéger contre l’épidémie? Des procédures Dublin? De la légitimité de la détention? Beaucoup de questions se posent aux autorités fédérales.

Aux journalistes et parlementaires de s’en saisir!

BAG Coronavirus

Délais de procédures

La Suisse se met au ralenti dès aujourd’hui pour protéger sa population. Mais qu’en est-il des procédures d’asile imposant aux demandeurs d’asile et aux juristes qui défendent leurs droits des délais souvent très courts pour rédiger des prises de position ou des recours (5-10 jours)? Au vu des risques de contamination, les bureaux de consultation juridiques des différents cantons -Genève et Vaud en tous cas- ont annoncé des mesures visant à réduire les risques d’exposition et de contagion. Beaucoup de juristes seront contraints de rester à la maison, soit parce que peut-être malades, soit pour s’occuper de leurs enfants. De plus, pour éviter des regroupements dans les permanences, les consultations se feront sur rendez-vous -pour certains- ou par téléphone pour les personnes présentant des symptômes de toux et/ou de fièvre. Cela pose des questions pratiques en terme de qualité de la défense juridique: difficultés de communication liées à la langue,  de traduction, de présentation/explication des documents pertinents, etc. Cela réduira incontestablement le nombre de consultation possibles, et donc d’accès à une défense juridique pour des personnes dont l’enjeu -risque de renvoi – est parfois vital. Dans ce contexte, les autorités fédérales en charge de l’asile devraient au moins « suspendre les procédures non urgentes le temps de la crise », nous explique un juriste. Et d’ajouter: « Le Secrétariat d’État aux migrations continue de bombarder de courriers nos mandants avec des délais de réponse très courts (mentionnant même que le délai n’est pas prolongeable au motifs de surcharge ou d’absence du mandataire). Hier, j’ai reçu deux personnes qui devaient se prononcer sur des projets de levée de leur admission provisoire avec un délai de réponse extrêmement court. L’un d’eux l’a reçu mardi 10 mars (lettre datée du 5 mars) et doit y avoir répondu d’ici le 16 mars ». Réponse qui ne peut être rédigée qu’avec l’aide d’un juriste. Qu’en est-il du principe de procédure équitable?

Accès aux soins

Par ailleurs, dans la mesure où les personnes en procédure dans les centres fédéraux ont des restrictions de mouvement, que les centres sont souvent isolés et que l’on sait d’expérience -notamment à Giffers- que l’accès aux soins y est limité (visites hebdomadaires du  personnel médical), l’Office fédéral de la santé publique et les médecins cantonaux doivent édicter des mesures de protection pour les résidents qui ne peuvent d’eux-mêmes consulter un médecin. Il en va de leur protection, mais aussi du personnel qui les côtoie et la population puisqu’on se trouve dans une lutte de santé publique.

Dans les centres, justement, trois personnes -un résident à Giffers et deux employés des centres de Bâle et de Berne- ont été testés positifs au coronavirus. Les résident-e-s vivent dans des dortoirs, partagent des sanitaires et cuisines. Comment vont-elles concrètement être isolées pour éviter de contaminer d’autres personnes? Une question qui se pose aussi dans les centres collectifs cantonaux.

Système Dublin et détention administrative en question

Enfin, les résident-e-s des centres doivent être tenu-e-s informé-e-s de la situation sanitaire, et de l’impact possible sur leur procédure. Notamment, le fait que les transferts Dublin vers l’Italie sont suspendus; on sait combien cette menace d’expulsion et l’incertitude est anxiogène. Qu’en est-il des renvois vers d’autres pays? Se pose aussi la question des conséquences de ces reports sur leurs procédure, au vu des délais de transferts, etc.

Last but not least, qu’en est-il de la légitimité de la détention administrative?  Pour rappel, cette mesure de contrainte vise à permettre l’exécution du renvoi. Ce  n’est pas un délit qui justifie une telle détention, qui peut aller jusqu’à 18 mois et touche également des enfants dès 15 ans. Dans la mesure où ces renvois ne sont pas possibles et qu’on ne sait pas jusqu’à quand, les personnes devraient être libérées.

La solidarité à laquelle font appel nos autorités, avec raison, doit être inconditionnelle.

Sophie Malka
Vivre Ensemble | asile.ch