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Notre regard

Le Courrier | La promiscuité dans les foyers alarme

Le Courrier a publié le 30 mars 2020 un article qui donne la parole à différents acteurs concernés par la vie dans les foyers genevois pour requérants d’asile. Les perspectives diffèrent. Un représentant du Collectif des déboutés dénonce des conditions de vie en promiscuité qui vont à l’encontre des mesures exigées par l’OFSP pour se prémunir de la propagation du Coronavirus. Lucine Miserez, assistante sociale du secteur « réfugiés » au CSP Genève ajoute à cela qu’elle perçoit un sentiment d’abandon et d’angoisse chez les personnes exilées qui restent mal informées. L’Hospice général en charge de ces centres assure néanmoins avoir mis en place plusieurs aménagements pour permettre l’isolement en cas de nécessité et réduire la promiscuité.

Cet article a été publié dans le quotidien Le Courrier le 30 mars 2020. Il se trouve sur le site du Courrier.

La promiscuité des foyers alarme

Des associations s’inquiètent du risque de contagion dans les dortoirs et pièces communes des centres pour requérants d’asile. Quatre contaminations ont été signalées. L’Hospice explique ses mesures

Olalla Pineiro Trigo

[caption id="attachment_58171" align="alignright" width="212"]Le Courrier La pomiscuite des foyers alarme Cet article a été reproduit grâce à l’aimable autorisation du quotidien Le Courrier. L’accès à cet article ne doit pas faire oublier que l’information a un coût et ce sont les abonné-e-s au Courrier qui garantissent son indépendance[/caption]

«J’ai peur d’être contaminé parce qu’on utilise les mêmes douches, les mêmes toilettes. Nous sommes plusieurs à utiliser la même cuisine. Il y a du savon et du désinfectant, mais ça ne suffit pas.» Ce sont les mots d’un bénéficiaire d’un logement pour requérants d’asile, à Genève.

«C’est un scandale!», s’exclame Jacky Carel, du Collectif des déboutés. Remonté, il juge les conditions dans les foyers inadaptées aux prérogatives sanitaires. «Au centre de Gavard, les bénéficiaires sont entassés les uns sur les autres. Ils se réunissent dans le seul espace commun qui dispose de wifi.» Une situation loin d’être nouvelle mais amplifiée par la crise, selon la présidente de la Coordination Asile, Lucine Miserez. «Les conditions dans ces logements sont problématiques. Surpeuplé, le centre de Gavard rend l’isolement quasi impossible. Je pense que l’Hospice général a été pris de court et a évalué la situation tardivement.»

L’Hospice se défend

Celui-ci pourtant assure avoir pris des dispositions. Sensibilisation, augmentation des nettoyages, désinfectants, savons, recommandations sanitaires placardées aux murs. «Pour le foyer de Gavard, nous avions déjà réduit sa capacité de moitié. Nous accueillons 35 bénéficiaires pour 69 places. Oui, il y a toujours des chambres de cinq ou six, mais nous n’avons pas d’autre alternative pour ne pas surcharger les autres centres», explique Ariane Daniel Merkelbach, la directrice.

Une situation contestée par Jacky Carel. «Rien n’a changé. Un bénéficiaire m’a confié jeudi qu’à Gavard, ils étaient huit dans le même dortoir.»

Pas de confinement total

Il dénonce aussi les attitudes imprudentes de certains bénéficiaires, qui continuent à se déplacer au quotidien et à utiliser les transports publics. «Ils sont une petite minorité, mais il suffit d’un ou deux cas pour contaminer les autres, en raison de la promiscuité.»

Ariane Daniel Merkelbach se montre claire: «Je ne peux pas empêcher les bénéficiaires de sortir, nous ne sommes pas en confinement total. Cela émane de la responsabilité individuelle. Lors de mes visites sur le terrain, j’ai par ailleurs constaté qu’ils étaient très prudents, parfois plus que certains Genevois.»

A ce jour, quatre bénéficiaires ont été testés positifs au Covid-19: une femme, un homme, une mère et sa fille, qui disposaient d’une chambre individuelle. «Ils sont suivis par les infirmières du Programme santé migrant des HUG. Ils doivent rester en confinement, comme le reste de la population, et ont des toilettes attitrées. Nous avons aussi instauré un système de livraison de repas pour éviter leur présence dans les cuisines», explique Ariane Daniel Merkelbach. Et en cas de contamination à Gavard? «Nous ferons des réaménagements pour les isoler le plus possible des autres.»

Sentiment d’abandon

Lucine Miserez signale aussi le «sentiment d’abandon» de plusieurs migrants. En télétravail, les assistants sociaux sont chargés de les contacter par téléphone. Une disposition pas toujours respectée, selon elle. «Plusieurs bénéficiaires m’ont confié ne pas recevoir de nouvelles ou ne pas réussir à les joindre. Il y a un climat d’anxiété.»

Elle s’interroge aussi sur l’efficience du travail de sensibilisation auprès des bénéficiaires. L’un d’eux certifie ne «pas avoir reçu d’explications particulières», tant du côté des infirmières que des collaborateurs de l’Hospice. «Les infirmières font le tour des chambres pour vérifier l’état de santé des bénéficiaires et leur donner des instructions sanitaires», assure la directrice de l’Aide aux migrants de l’Hospice général. «Mais il faut prendre en compte le contexte de crise et le nombre important de centres.» Elle appelle à utiliser leur permanence pour toute question.

Relogement dans des hôtels?

Pour limiter la contagion, Jacky Carel exige le relogement dans des appartements ou des hôtels, vides en ce temps d’épidémie. «On ne peut pas rester dans une telle promiscuité, c’est irresponsable.» Une solution jugée «inadéquate» à ce stade par l’Hospice général. «Ce n’est pas idéal pour le suivi. La dispersion limiterait notre prise en charge. Avoir les personnes au même endroit nous permet une vue plus globale de la situation.