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Humeur | Ne pas croire les gens, une rengaine bien connue (de la Suisse)

Ne pas croire les gens, une rengaine bien connue (de la Suisse)

Fin d’année 2019 mouvementée pour une employée sri lankaise de l’ambassade de Suisse à Colombo. La malheureuse s’est plainte d’avoir été enlevée le 25 novembre par des individus dans une camionnette blanche, séquestrée durant environ deux heures, menacée et forcée de révéler des informations sur des Sri Lankais ayant demandé l’asile en Suisse. Attaque « très grave et inacceptable », a réagi le Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE), tandis que le Sri Lanka mettait en doute le récit de l’intéressée, y relevant des incohérences et l’accusant d’avoir fabriqué de fausses preuves.

Une critique pas tout à fait inconnue en Suisse et qu’on croirait sortie des meilleures décisions du Secrétariat d’État aux migrations (SEM) et des offices fédéraux qui l’ont précédé. Déclarations contradictoires et moyens de preuve non valables ont en effet toujours constitué des arguments de premier ordre pour rejeter les demandes d’asile des requérants tamouls. Nombre d’entre eux alléguaient, entre autres, avoir été enlevés dans des camionnettes blanches.

Pour eux comme pour notre infortunée employée, les ennuis ne faisaient alors que commencer.

Sans doute pour prouver l’innocence de leurs services dans cette affaire, les autorités sri lankaises l’ont officiellement arrêtée le 16 décembre 2019. Nouveau communiqué du DFAE, pour qui «la réputation du Sri Lanka en tant qu’État de droit est en jeu» désormais. Un mois plus tôt, l’élection du très controversé président Rajapaksa, accusé notamment de crimes de guerre, n’avait pas provoqué pareille inquiétude.

Quant au SEM, il garde la tête froide et se borne à déclarer que s’agissant des renvois des requérants d’asile sri lankais déboutés, il ne voit pas de raison de changer sa politique. On ne va pas remettre en question pour si peu l’accord migratoire conclu avec Colombo, qui fonctionne à merveille.

Le 30 décembre, l’employée de l’ambassade de Suisse a été libérée sous caution. La procédure judiciaire ouverte contre elle se poursuit. Vu les tendances répressives du nouveau gouvernement sri lankais, elle est en droit de se faire quelques soucis. On lui conseillerait bien de demander l’asile à la Suisse, mais il n’est pas sûr que le SEM juge ses motifs vraisemblables…

JÉRÔME FÉLIX