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Les secours en Méditerranée à la dérive

La crise sanitaire mondiale affecte durement le sauvetage en mer Méditerranée. Alors que les passages des frontières européennes sont réduits au strict minimum, que le corps médical est réquisitionné pour dépister et soigner les personnes atteintes du virus et que le matériel médical et d’urgence vient à manquer, les ONG de sauvetage en mer se trouvent depuis le mois de mars majoritairement bloquées à quai faute de personnel et de matériel. Depuis début avril, une nouvelle donne vient entraver leur travail : l’Italie et Malte ont fermé leurs ports en les déclarant non sûrs. Pourtant les personnes continuent à fuir la Libye, pays où règne l’insécurité et où la disparition de plusieurs centaines de réfugiés inquiète. Pour beaucoup de personnes sur la planète, l’accès à la mobilité est une question de survie. Attendre la fin de la pandémie pourrait bien être trop tard pour elles.

Cet article a été diffusé sous forme de newsletter de l’association Vivre Ensemble le 23 avril 2020

Les secours en Méditerranée à la dérive

La crise sanitaire mondiale affecte durement le sauvetage en mer Méditerranée. Alors que les passages des frontières européennes sont réduits au strict minimum, que le corps médical est réquisitionné pour dépister et soigner les personnes atteintes du virus et que le matériel médical et d’urgence vient à manquer, les ONG de sauvetage en mer se trouvent depuis le mois de mars majoritairement bloquées à quai faute de personnel et de matériel. Depuis début avril, une nouvelle donne vient entraver leur travail : l’Italie et Malte ont fermé leurs ports en les déclarant non sûrs. Pourtant les personnes continuent à fuir la Libye, pays où règne l’insécurité et où la disparition de plusieurs centaines de réfugiés inquiète. Pour beaucoup de personnes sur la planète, l’accès à la mobilité est une question de survie. Attendre la fin de la pandémie pourrait bien être trop tard pour elles.

Difficultés pour les ONG de sauvetage en Méditerranée

Le 10 avril, le journal de bord de l’Aquarius de l’ONG SOS Méditerranée informait des difficultés du maintien des activités de sauvetage en Méditerranée centrale. « Absence de ports sûrs en raison de la fermeture des ports, mesures de quarantaine, relèves d’équipage impossibles suite à la fermeture des frontières et à l’absence de moyens de transport, difficultés logistiques majeures pour le réapprovisionnement et la maintenance des navires…». Instaurées progressivement par différents pays européens depuis début mars pour lutter contre la propagation du virus, les restrictions à la mobilité des biens et des personnes impactent de manière importante les activités de secours en mer.

Fermeture des ports européens et disparitions des rescapés en Libye
La situation s’est empirée depuis le 7 avril, jour où le gouvernement italien a également décidé de la fermeture de ses ports parce que considérés « non sûrs » en raison de la pandémie. Le 9 avril, les autorités maltaises ont fait de même. Invoquant la reprise des combats dans la ville, Tripoli avait également tenté de fermer ses ports, mais sans que cela semble prendre effet puisque des débarquements ont tout de même eu lieu depuis. Or, cela aussi inquiète. L’Organisation Mondiale des migrations (OIM) a publié le 17 avril un communiqué alarmant sur la continuité de nombreux départs par la mer depuis la Libye. L’organisation témoigne également du débarquements de centaines de personnes récupérées en mer et de la disparition consécutive de beaucoup d’entre elles. L’OIM rappelle alors que les conditions de vie en Libye sont insupportables pour les personnes migrantes qui subissent quotidiennement des violences physiques et psychiques dans des geôles où souvent aucun organisme international n’est autorisé à se rendre.

Le manque d’opérations de sauvetage tue en Méditerranée
Aujourd’hui donc, femmes, hommes et enfants se retrouvent à bord d’embarcations fragiles pour rejoindre les rives européennes. Mais personne ne semble plus habilité à les sauver du naufrage. L’ONG Alarm Phone en atteste en relatant avec détail comment les autorités compétentes de plusieurs pays européens et l’agence européenne Frontex ont tardé à sauver, mi-avril, des embarcations rassemblant 63 personnes. Alors que ces bateaux de fortune étaient identifiés et surveillés par des embarcations ainsi que des avions, il aura fallu que plusieurs jours s’écoulent et que des personnes décèdent d’épuisement, de soif ou de désespoir, pour qu’un secours soit mis en place, ramenant ensuite une majorité des personnes vers les côtes libyennes. Le premier ministre maltais est actuellement poursuivi en justice avec d’autres acteurs maritimes pour cet acte de non-assistance.Le réseau Migreurop a diffusé un communiqué le 22 avril pour dénoncer le fait que la situation n’a rien d’exceptionnel et que l’Union européenne met en place « des politiques du « laisser mourir » en Méditerranée depuis plusieurs années. ». La suppression de l’activité italienne de sauvetage en mer Mare Nostrum, en 2014, a exigé la mobilisation intensive de nombreuses ONG européennes pour venir pallier au manque de secours. Depuis, elles sauvent des milliers de vie en Méditerranée, tout en devant affronter les ires des différents gouvernements européens qui, eux, peinent ensuite à établir un plan de répartition pour l’accueil des rescapés. Le 17 avril, SOS Méditerranée et Médecin Sans Frontières mettaient fin à leur  partenariat suite à un désaccord: MSF aurait souhaité continuer les sauvetages, même sans garanties de possibilités de débarquement, au nom de l’impératif humanitaire.

Le monde entier semble s’être figé pour faire face à la crise sanitaire, mais cela ne peut pas s’appliquer à des personnes menacées, torturées, violées pour lesquelles la mobilité devient un enjeu vital. Les ONG de sauvetage en mer, elles aussi, s’affaiblissent parce qu’elles sont immobilisées à quai. Ces situations d’urgence requièrent une action. Les gouvernements européens devraient, en dépit de la situation actuelle, se mettre en mouvement pour permettre un accueil clair et rapide des personnes réfugiées.

L’équipe de Vivre Ensemble