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Notre regard

Récit | Visite en Bosnie pour épauler les associations locales

« Terminus Bosnie », c’est sous ce terme intriguant que le Forum civique européen (FCE) a organisé une journée d’information à Berne, le 27 novembre 2019. De retour d’une visite en éclaireurs, le FCE avait fait venir des représentantes de la société civile de Bosnie- Herzégovine et de Croatie pour parler du drame qui s’y déroule.

Campement de migrants à la gare de Tuzla, Bosnie, 2020. © E.Narbaud

Par milliers, des femmes,des hommes,des mineurs isolés originaires d’Afghanistan, de Syrie, d’Iran, du Pakistan, du Maghreb parviennent en Bosnie avec l’espoir d’atteindre l’Europe, par la frontière de la Croatie[1]. Mais, celle-ci est hermétiquement fermée. Membre de l’UE depuis 2013, ce pays a reçu une mention de bon élève pour avoir si bien sécurisé sa frontière extérieure. À coup de millions (190 millions d’euros par an), l’Europe, dont la Suisse, a financé ces politiques de fermeture, militarisant et équipant les polices des frontières. Des milliers de personnes sont prises au piège, elles ne peuvent ni avancer ni reculer !

La Bosnie n’est pas loin…

Comment rester indifférents à ce drame? Et comment être solidaires de la population bosnienne sortie d’une guerre fratricide il n’y a que 25 ans ? Notre présence et notre aide ne seraient qu’une goutte d’eau, qu’importe: une petite équipe de cinq ou six personnes se prépare. Grâce à celles qui sont déjà allées sur place, des contacts sont pris avec quelques petites associations pour être au plus proche des populations touchées: une petite église à Tuzla, une responsable de Caritas-Bosnie. Celles-ci nous ouvriront d’autres portes. Elles nous expliquent que « ce ne sont pas des camions de couvertures ou de chaussures dont nous avons besoin: venez, vous ferez marcher le commerce local ! » En peu de temps, sans grand bruit, de généreux donateurs garnissent notre compte, avec l’idée d’acheter sur place les biens nécessaires.

À la gare routière de Tuzla…

Tout début février, il fait froid, il pleut- neige. À peine sortis du bus, nous nous trouvons face à des dizaines de tentes de plastique déchirées. Des jeunes hommes en sortent. Ils sont arrivés la veille de Serbie. Tuzla est la porte d’entrée de la Bosnie. Pleins d’espoir, ils disent vouloir repartir dans deux jours: destination l’Italie, l’Allemagne !

Dans les rues du vieux Sarajevo, quelques jours plus tard…

De nombreuses personnes migrantes sont là. Celles que nous avons rencontrées sont pour la plupart marocaines, des jeunes hommes. Ils vendent des paquets de mouchoirs, parlent volontiers: aucun ne veut rester en Bosnie. Il faut gagner quelques sous pour essayer encore de passer la frontière. Beaucoup l’ont déjà tenté une fois, trois fois ou plus. Des tentatives cyniquement appelées « le game ». Nombreux se sont faits
frapper par les garde-frontières, dépouiller du peu qu’ils avaient, souvent casser leur téléphone. Tous ont dû rebrousser chemin à vide, à travers les forêts.

La société civile

Ce sont des femmes et des hommes de la société civile qui donnent… de leur temps, de leur énergie, qui soignent, habillent, équipent: « Jr » et son groupe d’une trentaine de bénévoles, « Za » engagée par Caritas-Bosnie ou encore ce couple âgé qui met en route ses amis, une équipe de Tchéquie, etc. Le gouvernement, lui, est paralysé par nature, n’a pas de plan, ne fait rien. Tous le répètent. L’Organisation internationale des migrations et le Haut commissariat aux réfugiés sont néanmoins autorisés à ériger des camps, huit en tout, dont le plus célèbre dans le nord-ouest, à Bihac, principale sortie vers la Croatie (celui de la fameuse décharge de Vucjak, une horreur d’insalubrité, a été fermé en décembre dernier). Nous avons été autorisés à en visiter deux, bien semblables à ceux dont nous avons l’habitude, sauf que leur capacité d’accueil est dépassée. Le « surplus » de personnes migrantes est dans les rues: à la capitale, les tentes sont interdites, elles trouvent un toit dans des « squats-ruines » ou des « hostels » abandon- nés que notre photographe a pu visiter. Y règne la puanteur, la promiscuité. Plusieurs personnes sont malades, blessées, sans soins. Par les temps qui courent, cette situation pourrait s’avérer désastreuse.

DANILO GAY

Cet article a été envoyé à la rédaction alors que la Turquie venait d’ouvrir ses frontières pour laisser passer les personnes migrantes vers l’Europe : 35000 avaient déjà traversé en cinq jours. Nos amis de Tuzla s’inquiétaient du rythme des arrivées et se sentaient dépassés.
[1] D’après le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), cette route est essentiellement empruntée par des réfugiés provenant du Pakistan (30 %), de la Syrie (17 %), d’Afghanistan (12 %) et d’Iran (11 %).
Garage utilisé comme entrepôt de vêtements par le groupe de Jo, Sarajevo, Bosnie, 2020. © E.Narbaud

QUI SE LANCERA ?

La petite équipe lausannoise souhaite repartir en Bosnie, dès que la situation sanitaire internationale le permettra. L’idéal serait que plusieurs petits groupes de Romands se relaient au fil des mois : par une présence, épauler les associations locales et rassembler des fonds pour soutenir leurs activités. Nous sommes prêts à communiquer nos informa- tions. Qui se lèvera, qui entendra leur cri ?

DEUX ÉMISSIONS À PROPOS DE CE VOYAGE

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