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Documentation

Migreurop | Protéger et contrôler : les deux visages du HCR

La note n° 11 du réseau Migreurop, du mois de mai 2020, se penche sur le travail du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Selon le réseau de militant·e·s et chercheur·euse·s, le HCR endosse un double rôle, ce qui rend sa mission ambigüe. L’agence onusienne doit en effet veiller à la protection des personnes réfugiées, suivant la convention de Genève, mais aussi répondre aux attentes de ses bailleurs, les États. Cette deuxième obligation l’a conduite à « aligner ses priorités sur celles de l’UE », et donc à contrôler les déplacements des personnes réfugiées. Contribuant à la « protection des frontières nationales plutôt qu’à celle des personnes exilées », le HCR prend le risque de mettre en danger la vie des personnes qu’elle est supposée protéger. Dans sa note, Migreurop analyse et dénonce les non-dits des communications du HCR.

Nous reproduisons ci-dessous l’extrait de la note de Migreurop n°11 telle que publié sur le site de Migreurop le 12 juin 2020. Vous trouverez la note complète ici.

Note Migreurop #11 – mai 2020
Protéger et contrôler : les deux visages du HCR

Pour qui s’intéresse aux questions migratoires au travers des reportages des médias non spécialisés, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) apparaît comme une ONG, alors qu’il s’agit d’une agence onusienne et que plus de 85% de son budget provient de contributions étatiques. Son point de vue est ainsi régulièrement convoqué pour contrebalancer les discours hostiles aux réfugié·e·s. Pour le HCR, qui fait appel à la générosité du public, la communication est d’ailleurs centrale.

Les déclarations du HCR, destinées à être reprises par la presse, sont conçues pour ne pas heurter ses principaux donateurs. Ce sont donc ses non-dits qui doivent être décryptés. Ainsi, en février 2020, en réaction à la situation dramatique des réfugié·e·s maintenu·e·s dans les hotspots grecs, le HCR demandait une « action décisive pour mettre fin aux conditions alarmantes dans les îles de la mer Égée ». Mais le terme de hotspot ne figure pas dans le communiqué, le HCR lui préférant l’euphémisme « centre de réception » ; et, s’il en appelle aux responsabilités du gouvernement grec, il passe sous silence celles de l’Union européenne (UE), qui a inventé la « solution hotspot » en 2015, dont le HCR est lui-même partie prenante depuis l’origine. De même, pour expliquer, au début de l’année 2020, que « la Libye n’est pas un pays sûr, ni une terre d’asile », la porte-parole du HCR évoque le contexte politique chaotique dans le pays.

Mais elle ne fait aucune allusion aux efforts menés depuis des années par les pays européens pour empêcher les exilé·e·s de prendre la mer, les condamnant à être les otages des milices.

Partagé entre sa mission et les injonctions de ses bailleurs, le HCR ne peut être considéré comme un lanceur d’alerte, ni même un acteur humanitaire : sa présence dans les îles grecques comme en Libye tient à ce qu’il a été acteur du processus de mise à distance et de tri des exilé·e·s prôné par l’UE. Dès lors, ses cris d’alarmes, aussi sporadiques qu’inconséquents, n’offrent pas de secours véritable aux femmes et aux hommes que la convention de Genève ne protège plus.

(extrait)

PHOTOGRAPHIE : CENTRE D’ACCUEIL ETM DU HCR (EN COURS DE MONTAGE,EN ATTENTE DE TRANSFERTS), HAMDALLAYE (NIGER), PRINTEMPS 2019.