Aller au contenu
Documentation

ODAE-Suisse | Victimes de la traite des êtres humains: protection insuffisante

Source: Flickr Raphael Labbe, CC

La traite des êtres humains correspond au cas où une personne est recrutée, entremise par le biais d’intermédiaires et exploitée par la violence, la tromperie, la menace ou la contrainte. Les victimes de la traite des êtres humains se retrouvent pour des raisons différentes dans des procédures d’asile, mais ne sont pas toujours reconnues comme une catégorie à part. Comme le cas de « Zola » et la description de son déroulement le démontrent, les victimes de la traite des êtres humains sont trop peu protégées dans le processus d’asile. L’ODAE-Suisse soutient ainsi les revendications de l’Appel qui a été lancé en octobre 2019 par le Centre d’assistance aux migrantes et aux victimes de la traite des femmes (FIZ) et par Terre des Femmes Suisse. Le droit et l’accès à un soutien spécialisé à partir de l’arrivée en Suisse doivent s’appliquer à toutes les victimes de violences – indépendamment du lieu du crime et du statut de séjour.

L’ODAE-Suisse a publié sur son site le 16 juillet 2020  « Victimes de la traite des êtres humains » à partir du cas numéro 356 (en allemand)

Victimes de la traite des êtres humains : protection insuffisante

Au travers du cas de « Zola », l’ODAE-Suisse montre les difficultés que rencontrent les victimes de la traite des êtres humains dans les procédures d’asile.

La traite des êtres humains correspond au cas où une personne est recrutée, entremise par le biais d’intermédiaires et exploitée par la violence, la tromperie, la menace ou la contrainte. Les victimes de la traite des êtres humains se retrouvent pour des raisons différentes dans des procédures d’asile, mais ne sont pas toujours reconnues comme une catégorie à part. Le cas de « Zola » illustre certaines difficultés (voir cas numéro 356 en allemand) :

Après la mort de son mari, « Zola » a rencontré des difficultés financières dans son pays. Elle n’était plus en mesure de rembourser un crédit pour subvenir à ses besoins et fut emprisonnée. Elle fut abusée et violentée par un gardien. A sa sortie de prison en 2013, elle a décidé de quitter son pays d’Afrique de l’Est pour partir à l’étranger et gagner de l’argent afin de subvenir aux besoins de sa famille. Une agence de placement lui a fourni un travail dans un pays arabe, en échange d’une considérable somme d’argent. Pour payer cette somme, toute sa famille s’est endettée. Une fois arrivée dans ce pays arabe, « Zola » a été emmenée avec d’autres femmes recrutées et amenée au bureau de l’agence de placement locale. Là, son passeport et son téléphone lui furent confisqués. Contrairement à ses attentes, elle s’est retrouvée dans une situation de travail forcé et devait, comme domestique, être à disposition jour et nuit de son employeur-euse. « Zola » a été exploitée, humiliée et régulièrement maltraitée. De son maigre salaire lui furent encore soustraits d’autres frais de placement.

Des indices clairs de traite des êtres humains sont ignorés

Lors d’un séjour en Suisse avec la famille qui l’employait, « Zola » a réussi à fuir et à déposer une demande d’asile en juillet 2015. Lors de la première brève audition relative à la procédure d’asile, « Zola » a raconté des événements qui laissaient supposer un cas de traite des êtres humains et d’exploitation. Après avoir manqué son entretien pour une audition approfondie, sa demande d’asile a été refusée en novembre 2015 par le Secrétariat d’Etat aux Migrations (SEM). Le SEM a justifié cette décision par le fait qu’elle aurait gravement violé son obligation de collaborer (Art. 8, al. 3bis LAsi) en ne se présentant pas à l’entretien fixé. En l’absence d’obstacles à l’exécution de cette décision, elle devait quitter la Suisse. « Zola » a tout essayé pour que les raisons de sa demande d’asile soient entendues. Un premier recours a été approuvé par le tribunal administratif fédéral (TAF), alors que le deuxième a été refusé. Suite à ce refus, la décision de renvoi est devenue exécutoire. Pratiquement en même temps, « Zola » a appris que ces enfants et sa mère ont avaient été assassiné-es dans son pays d’origine. Cette nouvelle a déclenché chez elle une crise psychologique grave. Avec l’aide d’un‑e représentant‑e juridique, elle a soumis une deuxième demande d’asile à la fin de l’année 2016. Plus de 3 ans plus tard, le SEM a statué sur sa demande et a décidé de l’admettre provisoirement en mars 2020.

L’ODAE-Suisse considère préoccupant que le SEM n’ait pas reconnu les indices clairs de traite des êtres humains durant la première audition et n’ait pas agi en conséquence. Ces indices étaient notamment : un agent de placement dans le pays de « Zola » qui a exigé d’elle une forte somme d’argent ; le fait qu’elle ait travaillé comme domestique et non, comme promis, dans un autre secteur ; un salaire plusieurs fois inférieur à celui qui avait été promis ; les conditions de travail difficiles et l’obligation de devoir rembourser les frais de placement élevés. Pour l’ODAE-Suisse, il est inadmissible que le SEM ait refusé la première demande d’asile de « Zola » et la protection qui lui était due pour le seul motif d’avoir manqué un rendez-vous. Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure d’asile, le nombre de cas où il existe de forts soupçons de traite des êtres humains a augmenté. Ceci est dû, entre autres, au travail de conseil juridique. L’ODAE-Suisse considère que des formations régulières et détaillées pour les collaborateurs-trices du SEM ainsi que pour les autres acteurs-trices du secteur sont urgemment nécessaires, pour que dans le futur, les victimes de trafic des êtres humains soient reconnues comme telles.

Loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions : principe de territorialité

L’identification de victimes de traite des êtres humains dans la procédure d’asile représente le premier obstacle. D’autres difficultés existent dans le domaine de la protection des victimes : toute personne victime de traite des êtres humains en Suisse, a le droit de bénéficier de l’aide aux victimes, selon la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions. Cependant, comme le principe de territorialité vaut dans la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions, les personnes victimes de traite des êtres humains à l’étranger ne sont pas couvertes par cette loi, si, au moment du crime, elles ne possèdent pas de domicile en Suisse. Cette disposition va à l’encontre de la Convention Européenne contre la traite des êtres humains, qui est entrée en vigueur en Suisse le 1 avril 2013 et qui prévoit 6 mesures d’assistance minimale (Art. 12, al. 1 EKM). En se basant sur la loi fédérale sur l’assurance-maladie et sur l’aide d’urgence selon l’article 12 de la Constitution, les victimes de traite des êtres humains ne peuvent actuellement revendiquer que 3 prestations minimales : soins médicaux d’urgences, soutien psychologique et aide matérielle. Pour les 3 autres prestations minimales – hébergement adapté, services de conseil et services de traduction – les victimes de traite des êtres humains n’ont aucun droit, en l’absence d’une base légale (pour plus d’informations, c.f. rapport réalisé pour le compte de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS), 2018).

Comme le cas de « Zola » et la description de son déroulement le démontrent, les victimes de la traite des êtres humains sont trop peu protégées dans le processus d’asile. L’ODAE-Suisse soutient ainsi les revendications de l’Appel qui a été lancé en octobre 2019 par le Centre d’assistance aux migrantes et aux victimes de la traite des femmes (FIZ) et par Terre des Femmes Suisse. Le droit et l’accès à un soutien spécialisé à partir de l’arrivée en Suisse doivent s’appliquer à toutes les victimes de violences – indépendamment du lieu du crime et du statut de séjour.