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ECRE | The Pact, Moria and Beyond: Five Reasons Why

Catherine Woollard, directrice du European Council on Refugees and Exiles (ECRE), livre une analyse qui explicite les raisons de la situation dramatique qui se joue dans les hotspots grecs aujourd’hui. En cinq points, elle démontre comment les enjeux sont devenus davantage politiques qu’humanitaires et comment la souffrance est devenue un instrument de dissuasion. Depuis longtemps ECRE mène des actions en justice et développe des efforts de sensibilisation, car il existe selon sa directrice « peu de domaines où les droits communautaires sont aussi régulièrement bafoués ». Elle exhorte à se positionner face au Pacte européen sur les migrations et l’asile qui ne ferait qu’appliquer une logique similaire à l’antérieure dont les principes, comme elle le montre dans son article, sont défaillants.

L’éditorial de ECRE Weekly BulletinThe Pact, Moria and Beyond: Five Reasons Why” a été rédigé par Catherine Woollard le 11 septembre 2020. Nous vous proposons ci-dessous un résumé succinct, en français, du contenu de son article rédigé en anglais qui se trouve sur le site d’ECRE.

Dans son éditorial, Catherine Woollard montre qu’à partir de l’analyse des bases de données AIDA, portant sur la mise en œuvre de la gestion de l’asile par les pays européens, deux tendances principales se dessinent: le manque de mise en œuvre des normes européennes et internationales et le recours à des politiques brutales à court terme pour dissuader ou prévenir les arrivées. Selon elle, la situation dans les îles grecques suscite à juste titre une indignation particulière : elle est le résultat direct de la politique de l’UE – qui est considérée comme un succès. Elle propose d’essayer de décrypter les raisons pour lesquelles on a laissé cette situation se poursuivre, alors qu’il est évident pour quiconque s’y est rendu que cela ne devrait pas se produire, pour pouvoir notamment s’opposer au Pacte. La directrice d’ECRE évoque cinq raisons.

La mise en œuvre : Tout repose sur l’accord UE-Turquie qui est basé sur une prémisse erronée selon laquelle la Turquie est un pays sûr au regard du droit européen et international sur l’asile et les droits des réfugiés. Ceci est faux mais peut s’expliquer. La Turquie a non seulement beaucoup à assumer car elle accueille plus de réfugiés que tout autre pays au monde et plus que le reste de l’Europe réuni. De plus, l’enjeu de l’accueil des réfugié.e.s est devenu un instrument politique, ce qui entrave beaucoup d’opérations. Selon ECRE, par conséquent, comme le renvoi vers la Turquie ne se fait pas, il n’est pas nécessaire de contenir les gens sur les îles pour les renvoyer. Il faut y mettre fin.

La dissuasion : L’invocation de l’outil de la dissuasion est similaire à l’argument du facteur d’attraction, qui est régulièrement utilisé par les dirigeant.e.s politiques en Europe. Non seulement les gens doivent être confinés sur des îles, mais ils doivent y souffrir réellement. Se crée alors une force de dissuasion et personne d’autre n’arrivera. Mais -selon l’analyse de Catherine Woollard- les personnes réfugiées continueront à venir donc il n’y a pas de dissuasion, seulement de la souffrance.

Le partage de solidarité : L’une des objections des gouvernements centraux pour la répartition des personnes réfugiées est qu’ils ne veulent pas agir seuls ; tous les États membres devraient faire preuve de solidarité. Ce raisonnement d’absence de solidarité est un argument du « tout ou rien » : il n’est pas possible de faire agir tout le monde, donc personne ne doit agir. Selon la directrice d’ECRE, probablement que la tâche sera laissée à quelques-uns, mais ils doivent agir, en faisant abstraction de l’inaction des autres, et avec le soutien de la Commission afin que l’initiative soit marquée du sceau de la collectivité et de l’UE. La société civile attend de pouvoir apporter son aide.

Seule la Grèce peut agir : Imposer une réponse européenne à un pays tel que la Grèce, en proie à une grave crise économique, avec un ressentiment généralisé contre des mesures considérées – à tort ou à raison – comme sévères et punitives, basées sur un modèle qu’aucun autre pays n’est prêt à accepter, ne pouvait être que voué à l’échec. Par ailleurs, la situation en Grèce et à ses frontières est aggravée par les politiques anti-asile sévères du gouvernement actuel, qui frisent parfois la cruauté, mais qui semblent mieux acceptées par les dirigeants européens que la passivité du gouvernement précédent.

La fin justifie les moyens : Malheureusement, la principale raison pour laquelle la situation dans les îles grecques a persisté, avec toutes les souffrances et les risques qu’elle comporte, est qu’elle est considérée comme un prix à payer. C’est un « mal nécessaire » ou un moyen valable pour atteindre deux buts : mettre un terme aux mouvements secondaires et empêcher à tout prix que les personnes exilées arrivent en Europe. C’est notre psychose collective, dit Catherine Woollard.

Pour toutes ces raisons, selon elle, il faut réagir au Pacte européen sur les migrations et l’asile qui est sur le point d’être discuté au sein de l’Union européenne. En effet, il est basé sur la même logique que la gestion des hotspots grecs. Il ne changera rien et ne répond pas uniquement à des changements d’ordre « technique », comme certain.e.s le suggèrent. Son application en tant que tel pourrait continuer à contraindre des milliers de personnes à rester « coincées » aux frontières. ECRE a rédigé un plaidoyer pour qu’une autre approche soit privilégiée et va lancer une campagne : « Human Rights Compliance – Hardly Rocket Science » qui sensibilise à ce plaidoyer.