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Documentation

Law Clinic | L’ école pour toutes et tous

Le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit est garanti par le Constitution suisse (art. 19 Cst). A Genève, il existe des espaces d’accueil et d’accompagnement socio-éducatif proposés par des associations aux mineur.e.s non accompagné.e.s qui peinent à être intégrer au système scolaire classique. Toutefois, ces derniers ne permettent pas selon la Law Clinic de remplir les obligations étatiques en matière de droit à l’éducation car « les cours offerts par l’association devraient constituer un enseignement au moins équivalent à l’éducation donnée à l’école obligatoire », ce qui n’est généralement pas le cas. L’État doit donc faire face à ses responsabilités en remplissant ses tâches régaliennes en matière de droit d’accès à l’éducation, et ce indépendamment du statut légal du mineur. 

La Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables est un projet qui s’insère au sein du Master de droit de l’université de Genève. D’août à octobre le quotidien Le Courrier leur offre une tribune hebdomadaire pour mettre en valeur des aspects spécifiques de leur travail

Ci-dessous, nous reproduisons l’article complet du Courrier du 23.09.20 “L’école pour toutes et tous“.  Cet article a été reproduit grâce à l’aimable autorisation du quotidien Le Courrier. L’accès à cet article ne doit pas faire oublier que l’information a un coût et ce sont les abonné-e-s au Courrier qui garantissent son indépendance.

L’école pour toutes et tous

Le COURRIER, mercredi 23 septembre 2020 LAW CLINIC GENÈVE
Jeunes migrant.e.s non accompagné.e.s

«La plupart du temps, ces jeunes ne parviennent pas à s’insérer dans le cadre scolaire habituel.»1 C’est ce que déclarait notamment la conseillère d’Etat genevoise en charge du Département de l’instruction publique, Anne Emery-Torracinta, en ce début d’année 2020 au sujet des mineur-e-s non accompagné-e-s (MNA). Pour mémoire, l’acronyme MNA désigne les personnes mineures ne relevant pas de l’asile, il s’agit donc d’enfants sans statut légal.

Cet argument est utilisé pour justifier notamment que certain-e-s jeunes passent la totalité d’une année scolaire, voire plus, à l’association Païdos plutôt qu’à l’école. Païdos offre des espaces et des projets d’intégration, de réinsertion et de prévention aux enfants et aux adolescent-e-s en situation de vulnérabilité à Genève. Via son programme CAP, l’association offre un accueil psychopédagogique aux mineur-e-s non accompagné-e-s ne relevant pas de l’asile. Dans ce cadre, elle reçoit une quinzaine de jeunes durant la journée et propose plusieurs activités, dont des ateliers de dessin, de cuisine, de maths et de français.

Depuis janvier 2020, le Département de l’instruction publique considère que ces ateliers répondent à l’obligation de formation à Genève2. Or, pour répondre à cette obligation, les cours offerts par Païdos devraient constituer un enseignement au moins équivalent à l’éducation donnée à l’école obligatoire. Ce qui n’est pas le cas: l’espace d’accueil et d’accompagnement socio-éducatif proposés par l’association ne permettent pas de remplir les obligations étatiques en matière de droit à l’éducation.

La Constitution fédérale prévoit pourtant que «le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit est garanti» et ce, indépendamment du statut de séjour. L’enseignement doit être approprié et adapté à chacun-e et suffire à préparer les écolier-ère-s à une vie responsable et autonome. De plus, à Genève, la formation est obligatoire jusqu’à l’âge de 18 ans au moins, voire 20 ans pour les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers. Une personne peut en effet avoir besoin d’une aide spéciale pour différentes raisons, comme des difficultés à apprendre, à se concentrer, parler ou comprendre le français, ceci en raison de sa situation familiale ou d’un handicap.

L’élève a ainsi droit à des aménagements de la part de l’école. De ce fait, et afin que le droit à la formation puisse être garanti à tous les enfants, c’est bien à l’école de s’adapter aux élèves et non aux élèves de s’adapter au système scolaire. Le Tribunal fédéral a d’ailleurs récemment rappelé qu’il faut prioriser une éducation intégrative car «il ne serait pas compatible avec [la Constitution] de prévoir un enseignement séparé ou inférieur pour les enfants étrangers»3.

De plus, l’école étant obligatoire, le ou la représentant-e légal-e de l’enfant (qui, pour les MNA à Genève, est souvent un-e curateur-rice du Service de la protection des mineurs) a l’obligation de l’inscrire à l’école sous peine d’une sanction administrative, voire pénale.

Il est ainsi important que toutes les personnes mineures non accompagnées puissent être scolarisées, qu’elles relèvent de l’asile ou qu’elles soient sans statut légal, afin que leur droit fondamental à l’éducation puisse être garanti.

Notes :
1. «Au Grütli, les migrants mineurs en sursis», Le Temps, 23 janvier 2020, disponible sous: www.emery-torracinta.ch/mon-action/enfance-et-jeunesse/mineurs-non-accompagnes/
2. Communiqué de presse du Conseil d’Etat: prise en charge des jeunes mineurs non accompagnés à Genève, du 22 janvier 2020, disponible sous: www.ge.ch/document/point-presse-du-conseil-etat-du-22-janvier-2020
3. Arrêt du Tribunal fédéral 2C_893/2018 du 6 mai 2019, consid. 6.1 ; Arrêt du Tribunal Fédéral 2C_892/2018 du 6 mai 2019, consid. 6.1 et les références citées.

Les auteures, Sarah Alborzi, Mounia Habra et Sofia Vegas, sont alumnae de la Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables de l’université de Genève.