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Documentation

Law Clinic | Santé pour toutes et tous ?

D’après la Convention relative aux droits de l’enfant, celui-ci a le droit de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. En outre, les États ont l’obligation de veiller à ce que ces dernier-ère-s, quel que soit leur statut, bénéficient du même accès aux soins de santé que les ressortissant-e-s nationaux/les. La Law Clinic revient sur la situation nébuleuse en matière de santé des mineur-e-s non accompagné-e-s sans autorisation de séjour (MNA) en Suisse et se demande notamment si les services offerts à Genève sont suffisants « pour assurer un suivi à long terme, en particulier sur le plan psychique ».

La Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables est un projet qui s’insère au sein du Master de droit de l’université de Genève. D’août à octobre le quotidien Le Courrier leur offre une tribune hebdomadaire pour mettre en valeur des aspects spécifiques de leur travail

Ci-dessous, nous reproduisons l’article complet du Courrier du 30.09.20 “La santé pour toutes et tous ?“.  Cet article a été reproduit grâce à l’aimable autorisation du quotidien Le Courrier. L’accès à cet article ne doit pas faire oublier que l’information a un coût et ce sont les abonné-e-s au Courrier qui garantissent son indépendance.

Santé pour toutes et tous?

Jeunes migrant.e.s non accompagné.e.s

«La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain», affirme l’Organisation mondiale de la santé dans sa constitution. Ce droit fondamental à la santé est spécialement reconnu aux mineur-e-s par la Convention relative aux droits de l’enfant, ratifiée par la Suisse en 1997. Selon cette convention, l’enfant a le droit de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation.

Quant aux mineur-e-s non accompagné-e-s, le Comité des droits de l’enfant insiste sur l’obligation des Etats de veiller à ce que ces dernier-ère-s, quel que soit leur statut, bénéficient du même accès aux soins de santé que les ressortissant-e-s nationaux/les. Pour garantir un accès effectif aux soins, le Comité ajoute qu’il est nécessaire de porter une attention particulière aux besoins spécifiques des mineur-e-s non accompagné-e-s. 1
Dans les faits, le constat est que le statut légal peut jouer un rôle en Suisse dans l’accès aux soins. Dans le cadre de l’asile, les autorités doivent mettre en place une couverture d’assurance-maladie permettant aux requérant-e-s mineur-e-s non accompagné-e-s (RMNA) d’avoir accès aux mêmes prestations de soins que toute personne assurée. 2

La situation est, en revanche, plus floue pour les mineur-e-s non accompagné-e-s sans autorisation de séjour (MNA). Sur le plan juridique, ils/elles doivent également avoir une couverture maladie comme toute personne domiciliée en Suisse 3 Etant mineur-e-s, ce sont leurs représentant-e-s légaux/les, notamment les curateurs/trices nommé-e-s, qui sont tenu-e-s de les assurer. Des associations et collectifs de défense ont toutefois dénoncé ces dernières années à maintes reprises l’absence de prise en charge des MNA à Genève. L’accès à l’assurance-maladie et par conséquent aux soins peut s’avérer plus compliqué pour des jeunes souvent isolé-e-s.

Une infirmière raconte: «Lors de l’occupation du Grütli en janvier, j’ai été effrayée par la mauvaise santé des jeunes; on voyait qu’il y avait de l’errance depuis longtemps.» La langue, le manque de moyens et surtout la méconnaissance du réseau de santé sont également des obstacles: «Je me suis aperçue que si j’accompagne la personne, c’est davantage garanti qu’elle ait accès aux soins», continue-t-elle. Pourtant, indépendamment d’une couverture maladie, l’article 12 de la Constitution fédérale assure à tout-e individu-e, quel que soit son statut, le droit à des conditions minimales d’existence. Ce droit garantit la couverture de besoins élémentaires, notamment les soins médicaux de base. Cette garantie ne vise toutefois, selon le Tribunal fédéral, qu’une aide d’urgence dont la mise en œuvre est du ressort des cantons. 4 Des structures telles que la consultation ambulatoire mobile de soins communautaires (CAMSCO) à Genève offrent aux personnes vulnérables et sans assurance-maladie une porte d’entrée aux services de santé. Est-ce suffisant pour assurer un suivi à long terme, en particulier sur le plan psychique, alors que cela semble primordial après un parcours migratoire complexe?

Face à ce constat, rappelons que la Suisse s’est engagée au niveau international à garantir une protection spéciale à tout-e mineur-e sur son territoire sans aucune distinction notamment en raison de son origine ou de sa nationalité. La Suisse doit ainsi garantir que la santé des personnes mineures non accompagnées, qu’elles relèvent de l’asile ou non, soit protégée et qu’elles aient accès à des soins adaptés à leurs besoins.

Notes:
1. Comité des droits de l’enfant (CDE), Observation générale N° 6, 2005.
2. Article 82a de la Loi fédérale sur l’asile (LAsi).
3. Article 3 de la loi fédérale sur l’assurance maladie (LAMal), Arrêt du Tribunal fédéral 125 V 76 consid. 2.a) confirmant que seul le domicile en Suisse est déterminant quant à l’obligation d’assurance-maladie, ceci nonobstant le statut légal de la personne.
4. Voir par exemple: Arrêt du Tribunal fédéral 139 I 272 consid. 3.2.

Les auteures Pauline Monod et Yasmin Batista sont alumnae de la Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables de l’université de Genève.