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Notre regard

Poursuite des procédures | Un bilan critique et indépendant est indispensable

Novembre 2020, le SEM dresse un bref bilan de la gestion de la pandémie au sein des centres fédéraux durant le printemps. Il informe que tout a été mis en place mis en place pour que les procédures d’asile puissent continuer. Sophie Malka, dans la revue Vivre Ensemble d’octobre, questionnait déjà les conditions effectives de ces auditions et l’impact pour les personnes réfugiées des décisions qui sont intervenues durant le semi-confinement. Elle en appelle de ses vœux à un « regard critique et indépendant sur l’action du SEM durant cette période ».

Les nombreux appels à suspendre les procédures d’asile provenant des milieux associatifs, juridiques ou médicaux durant la période de semi-confinement ont été totalement ignorés par le Conseil fédéral. Celui-ci recommandait pourtant d’éviter les transports publics et les déplacements et les réunions de plus de cinq personnes. Durant cette période, de nombreux bureaux de consultation juridique privilégiant le télétravail fonctionnaient au ralenti ou étaient fermés. La disponibilité des interprètes était réduite. Les cabinets médicaux avaient été appelés à reporter les gestes non essentiels, rendant impossible l’établissement de certificats médicaux déterminants dans l’examen des demandes d’asile ou des recours. Psychiatres et psychologues étaient également en télétravail. Les communications au sens large étaient donc compliquées. Or, sans accès à ces différents accompagnements, d’autant plus indispensables pour une personne étrangère au système juridique suisse, comment garantir une procédure d’examen équitable?

Le HCR a bien plaidé pour que les procédures puissent se poursuivre[1] afin d’éviter un engorgement des services au sortir de la pandémie, mais avec des garde-fous et recommandations sanitaires pour éviter la transmission du virus d’une part (distance sociale, mesure d’hygiène, contrôle médical) et assurer les garanties procédurales. L’agence de l’ONU insiste sur le fait que le recours aux auditions par visioconférences ne devrait être qu’une alternative au présentiel et n’est pas adapté à toutes les demandes d’asile. L’autorité doit reporter ou suspendre l’audition lorsqu’il s’avère que l’aide juridique ou la traduction requiert la présence des intervenants dans la même pièce. La qualité des visioconférences devrait idéalement déjà avoir été éprouvée.

Quant à la poursuite des procédures, le HCR préconisait également de prioriser le traitement des cas manifestement bien-fondés ainsi que ceux requérant une protection urgente. Qu’en a-t-il été? Pour l’heure, difficile de faire un vrai bilan de cette période. Mais ce qu’indiquent les statistiques du Secrétariat d’État aux migrations (SEM), c’est que les autorités ont rendu des décisions négatives assorties de décisions de renvoi dans une proportion importante tout au long du semi-confinement.

Or, ce que les bureaux de consultation juridique (BCJ) craignent, c’est que des personnes ayant reçu de telles décisions n’aient pas osé sortir de chez elles pour requérir une aide afin de comprendre ladite décision et éventuellement les suites juridiques à y apporter. Ceci, d’autant que l’asile est le seul domaine juridique où les délais de recours n’ont jamais été suspendus tout au long du confinement…

Était-ce si urgent et nécessaire de prononcer ces renvois? Là encore, il s’agira de porter un regard critique et indépendant sur l’action du SEM durant cette période.

SOPHIE MALKA

[1] UNHCR, Practical Recommendations and Good Practice to Address Protection Concerns in the Context of the COVID-19 Pandemic, 15 avril 2020. Voir également les recommandations pour la Suisse sur unhcr.org