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Documentation

HHC | Violation des droits humains en Hongrie: Frontex aurait fermé les yeux

Le Hungarian Helsinky Commitee (HHC) est un organisme indépendant de contrôle du respect des droits humains en Hongrie. Son comité a publié le 8 janvier un document qui détaille son observation des activités de Frontex, l’Agence européenne pour la protection des frontières, dans ce pays. Leur constat est que Frontex aurait fermé les yeux sur un constat de violation systémique des droits humains des personnes migrantes, ce pour quoi le pays a été condamné en décembre 2020 par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE). De plus, l’examen fait par le HHC des processus de plainte mise en place par Frontex en révèle une déficience grave. Le comité conclue son document par une série de recommandations faites à Frontex afin de remédier à ses manques graves.

Le rapport de Hungarian Helsinky Commitee intitulée “Protecting fundamental rights or shielding fundamental rights violations? Evaluating Frontex’s human rights mechanisms related to Hungary » a été publiée sur leur site en anglais le 8 janvier 2021. Vous pouvez la télécharger ici. Nous vous proposons ci-dessous une traduction de son introduction et des recommandations y figurant.

Protection des droits fondamentaux ou protection des violations des droits fondamentaux ? Évaluation des mécanismes de Frontex relatifs aux droits de l’homme en Hongrie

Introduction

Cette note d’information résume les expériences du HHC avec Frontex et ses mécanismes de respect des droits de l’homme.  En s’appuyant sur les échanges entre le HHC, les différentes parties prenantes de Frontex et son directeur exécutif, nous montrons comment l’Agence a fermé les yeux sur des violations systémiques des droits de l’homme bien documentées aux frontières Schengen de la Hongrie pendant plus de quatre ans. De plus, l’Agence est restée en Hongrie même après que la CJUE ait statué, en décembre 2020, que les refoulements extrajudiciaires à la frontière hongro-serbe enfreignaient le droit européen.  La note examine également le mécanisme de plaintes de Frontex qui est censé remédier aux violations des droits de l’homme liées aux activités de l’Agence. Les preuves, y compris les documents inédits présentés dans ce document, montrent que les mécanismes de respect des droits de l’homme au sein de l’Agence sont scandaleusement inefficaces.  Alors que de graves allégations ont fait surface concernant le rôle et la responsabilité de Frontex dans les violations des droits fondamentaux dans d’autres sections des frontières extérieures de Schengen, les recommandations incluses à la fin visent à renforcer les mécanismes faibles en attendant que des changements soient introduits dans le cadre juridique actuel de Frontex.

[…]

III Recommandations 

Les mécanismes actuels de respect des droits de l’homme sont clairement inefficaces, comme le montrent les cas ci-dessus. Les longues procédures aboutissant au mieux à une liste de violations graves des droits de l’homme commises ou dont l’Agence a été témoin sans tentative de remédier à la situation ne peuvent être qualifiées de mécanisme de plainte. Pour que le responsable des droits fondamentaux puisse agir conformément au mandat de son bureau, des modifications juridiques renforçant les pouvoirs du responsable et du forum consultatif sont nécessaires. En l’absence de telles modifications juridiques, des mesures peuvent toujours être prises pour faire respecter les droits fondamentaux. Les recommandations ci-dessous pourraient renforcer l’efficacité des mécanismes de respect des droits de l’homme au sein de l’Agence sans autre modification juridique.

Pour le responsable des droits fondamentaux de Frontex et le Forum consultatif de Frontex

  • Les rapports de suivi du responsable des droits fondamentaux doivent être publiés, la rédaction réduite au minimum ;
  • En tout état de cause, une liste des violations potentielles des droits identifiées lors des visites de suivi du responsable des droits fondamentaux doit être rendu publique régulièrement
  • Les recommandations formulées dans le cadre de plaintes individuelles doivent être publiées
  • Le responsable des droits fondamentaux doit assurer le suivi des recommandations précédentes et publier régulièrement des rapports d’avancement
  • Dans les cas où la Commission décide de lancer des procédures d’infraction contre un État membre qui sont liées à l’asile de l’UE ou aux accords de Schengen, une évaluation des risques de présence de l’Agence et/ou d’opérations conjointes avec l’État membre concerné doivent être préparées et rendues publiques par le responsable des droits fondamentaux
  • Le mécanisme de plainte doit être modifié de manière à ce que le plaignant puisse répondre aux demandes formulées par les autorités, y compris l’Agence, avant de clore le dossier
  • Les ressources humaines et autres disponibles pour le bureau du responsable des droits fondamentaux étant manifestement insuffisantes, il convient de prévoir un financement nettement plus important
  • Le bureau élargi du responsable des droits fondamentaux doit disposer d’un agent de liaison qui consulte régulièrement un réseau d’experts indépendants et d’organisations de la société civile fournissant des informations sur les activités de l’Agence du point de vue des droits de l’homme
  • Le mécanisme de plaintes doit être rendu plus efficace en introduisant des délais plus stricts pour l’examen des plaintes reçues
  • Lorsque des plaintes systématiques arrivent d’une certaine section frontalière, l’Agence doit s’assurer que son personnel est formé de manière adéquate afin d’éviter la complicité de violations des droits de l’homme
  • Lors de la réforme du mécanisme de plaintes, le responsable des droits fondamentaux doit utiliser l’expertise du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) pour mettre en place des plaintes efficaces contre les mauvais traitements.

Pour le directeur exécutif de Frontex

  • De sa propre initiative, le directeur exécutif doit faire un rapport chaque année au Parlement européen sur la mise en œuvre des recommandations formulées par le délégué aux droits fondamentaux et le forum consultatif.

Pour le Parlement européen

  • Le Parlement doit ouvrir une enquête, soit en créant une commission spéciale, soit en constituant une commission d’enquête, pour évaluer le respect des droits fondamentaux par l’Agence. L’enquête doit évaluer spécifiquement : l’efficacité du mécanisme de plainte, la qualité et la rapidité des informations fournies par l’Agence aux demandes formulées par le délégué aux droits fondamentaux et le forum consultatif, les mécanismes internes en place (le cas échéant) pour évaluer les violations systémiques potentielles des droits liés aux activités de l’Agence des autorités nationales avec lesquelles l’Agence coopère, les changements législatifs nécessaires pour renforcer les mécanismes internes et externes existants de contrôle des droits de l’homme liés aux opérations de l’Agence.
  • Au cours de l’enquête, le Parlement invite également le Médiateur européen ainsi que les parties prenantes concernées des États membres à fournir des avis d’experts et, le cas échéant, des déclarations et des témoignages sur le bilan de l’Agence en matière de respect des droits de l’homme.