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Notre regard

Protection | Une plateforme pour protéger les victimes de traite des êtres humains

À l’occasion de la journée européenne de lutte contre la traite des êtres humains (18 octobre), quatre organisations non gouvernementales[1], basées dans les trois régions linguistiques de la Suisse, ont organisé un événement de lancement d’une nouvelle plateforme dédiée à la lutte contre la traite des êtres humains en Suisse[2]. À cette occasion, des histoires inspirées de situations réelles ont été lues aux participant·e·s afin de transmettre les sentiments qui animent les victimes de traite et les difficultés auxquelles elles sont confrontées en Suisse.

Les organisations fondatrices de la « Plateforme Traite » connaissent trop bien ces obstacles. De par le nombre de victimes assistées, environ 400 rien qu’en 2019, elles sont inlassablement confrontées à des situations humaines dramatiques sans qu’une protection, à laquelle ces hommes et femmes devraient pouvoir prétendre, leur soit accordée. Par une coopération continue et un échange d’infor­mations approfondi, la plateforme entend renforcer le respect de leurs droits.

La Secrétaire exécutive de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains a salué la création de la plateforme. Petya Nestorova y voit l’opportunité pour les « ONG spécialisées de parler d’une seule voix, au profit d’une meil­leure protection des victimes de la traite. »

L’événement de lancement a également été l’occasion de transmettre aux autorités fédérales des recommandations en vue du respect des engagements pris par la Suisse au titre de la Convention du Conseil de l’Europe contre la traite des êtres humains (ci-après : « Convention TEH »). Près de dix ans après sa ratification, les droits garantis aux victimes de traite ne sont pas toujours assurés, en particulier lorsque les personnes sont en procédure d’asile.

Clause de souveraineté

Parmi les recommandations principales visant à protéger les victimes de traite rele­vant de l’asile, il a été demandé aux autorités suisses d’appliquer la clause de souveraineté dans le cadre des procédures communément appelées procédure Dublin[3]. Les observations du terrain montrent que le risque, en cas de transfert Dublin, d’être de nouveau retrouvé par les trafiquants est considérable. La Suisse ne peut simplement présumer que la sécurité d’une victime est garantie du seul engagement d’un État européen à un traité international, sans réaliser un examen plus approfondi de la situation propre à la personne. D’autant que les associations sont toutes parvenues à la même conclusion : les victimes de traite des êtres humains sont une catégorie de personnes très vulnérables. Elles ont besoin et doivent pouvoir prétendre au plus vite à une assistance adéquate, par un hébergement au sein d’une structure spécialisée, à des conseils et à des soins médicaux en particulier sur le plan psy­chosomatique. Cela ne peut pas être garanti dans le cadre d’une procédure accélérée où le seul souci des autorités fédérales et cantonales est un transfert vers un autre État européen.

Il est lieu de rappeler que ces droits sont les droits primaires des victimes de traite des êtres humains, dès l’instant où il existe des soupçons de tels actes et cela indépendamment du lieu de la commission de l’infraction (art. 12 Convention TEH). À ce sujet, il a été rappelé que le nombre de victimes identifiées laisse présa­ger une réalité certainement bien supérieure et que les associations spécialisées devraient être incluses au stade de l’identification, tel que cela est d’ailleurs suggéré par la Convention TEH (art. 10 al.1). Par ailleurs, la loi sur l’aide aux victimes (LAVI) qui devrait pouvoir assurer les mesures d’assistance dans le cadre du délai de réflexion et de rétablissement, première phase de protection cruciale des victimes, n’est pas prévue pour des victimes ayant été exploitées en dehors de la Suisse, ce qui est également décrié et en violation des engagements pris au titre de la Convention TEH. Les victimes ne devraient pas subir de traitement différencié.

Avec une approche centrée sur la victime et son besoin de protection, la plateforme compte s’engager pour le respect des droits de chacun·e.

SIBEL CAN-UZUN
Secteur d’assistance aux victimes de traite
des êtres humains CSP Genève et

ANNA SCHMID
Coordinatrice de la plateforme

[1] Antenna MayDay Ticino, ASTRÉE, Centre social protestant Genève et FIZ Centre d’assistance aux migrantes et aux victimes de la traite des femmes.

[2] www.plateforme-traite.ch

[3] Lorsqu’une personne s’est précédemment trouvée sur le territoire d’un État signataire du Règlement Dublin, la personne peut y être transférée en vue de l’examen de sa demande d’asile. La Suisse peut, pour des raisons humanitaires, renoncer à ce transfert et examiner elle-même la demande de protection en activant la « clause de souveraineté ».

D’autres recommandations politiques ainsi que des informations générales sur la traite des êtres humains peuvent être trouvées sur le site internet de la plateforme :
https://plateforme-traite.ch/themes/une-meilleure-protection-des-victimes-de-la-traite-des-etres-humains-dans-le-systeme-dasile/