24 % des recours contre des décisions prises dans le cadre d’une procédure accélérée par le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) ont été remportés devant le Tribunal administratif fédéral (TAF). Un tiers des recours gagnés ont été déposés par des juristes indépendants parce que la représentation juridique officielle (mandatée par le SEM) les avait jugés « dénués de chance de succès ». Le bilan chiffré établi par une Coalition de juristes indépendant·e·s à l’égard de la nouvelle procédure d’asile accélérée – censée être « rapide, juste et équitable » – est cinglant. (Lire Nouvelle procédure d’asile | Trop rapide, de mauvaise qualité. Bilan sévère des juristes indépendant·e·s)
Mais ce n’est pas pour ébranler le SEM, dont la ligne de défense laisse pantois. Interviewée par la RTS [1], sa porte-parole affirme que « c’est la preuve que ça fonctionne ». Mais qu’est-ce qui fonctionne exactement lorsque plus de 1168 décisions sont ainsi contestées devant la justice ?
« Le SEM n’a ni clarifié les faits d’une manière juridiquement correcte ni procédé à une évaluation suffisante des preuves », juge le TAF dans un arrêt mentionné par la RTS où témoigne l’une des victimes réhabilitées. On peut citer des dizaines de jugements similaires et très sévères face au manque de diligence des fonctionnaires du SEM[2], dont le tout récent arrêt de principe date du 9 juin 2020.
Si la porte-parole du SEM se défausse derrière des erreurs de jeunesse qui auraient été réglées depuis décembre 2019, on peine à croire sur parole une institution qui n’a cessé de communiquer sur le bilan « positif » de l’accélération des procédures. Aldo Brina, chargé d’information au secteur réfugiés du Centre social protestant Genève, qui a participé à l’élaboration du rapport, évoque pour sa part des dysfonctionnements systémiques (lire ci-contre). Et rappelle quelques-unes des revendications de la coalition, dont l’objectif, rappelons-le, est de favoriser une procédure d’asile qui ne joue pas avec la vie des gens à la légère. Car l’enjeu est là.
La poursuite d’un travail d’observation indépendant s’avère donc plus que nécessaire.
SOPHIE MALKA
[1] RTS, 19 h 30, 7.10.20 et Forum, 11.10.20.
[2] Vivre Ensemble, « Fact-checking. Les ratés de l’accélération des procédures », VE 176, février 2020.
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