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Amnesty | Sri Lanka: répressions politiques et obstructions de la justice

Arrestations, restrictions de la liberté de la société civile ou obstructions de la justice, le gouvernement sri lankais mène une nouvelle campagne contre les contestations. Amnesty International demande au conseil des droits de l’homme, qui se réunira du 22 février au 23 mars, de faire le nécessaire afin d’en finir avec cette impunité.

Nous publions ci-dessous le communiqué de presse publié par Amnesty International le 18 février dernier basé sur leur rapport intitulé « Old ghosts in new garb: sri lanka’s return to fear ».

Répression de la contestation et obstruction à la justice

Communiqué de presse publié le 18 février 2021, Londres – Berne. Contact du service de presse

Le gouvernement sri-lankais mène une nouvelle campagne de répression contre la contestation, en restreignant fortement les libertés de la société civile. Et il entrave les efforts déployés afin que justice soit rendue pour les crimes de droit international commis durant le conflit.

© Illustration de la couverture du rapport par Colin Foo

Ce rapport, intitulé «Old ghosts in new garb: Sri Lanka’s return to fear», montre comment le gouvernement sri-lankais s’en prend à des organisations de défense des droits humains, des médias, des avocat·e·s, des opposant·e·s politiques et des responsables de l’application des lois, dans le but de museler la contestation et de gêner le processus de justice de transition pour les crimes commis durant le conflit armé.

L’arrestation d’une employée de l’ambassade suisse quelques jours seulement après la victoire électorale de Rajapakse a été un moment clé de la nouvelle vague de répression. L’employée de l’ambassade a été enlevée et interrogée après avoir délivré un visa à un policier de haut rang qui enquêtait sur plusieurs affaires impliquant le clan des Rajapaksa et d’enlèvements et d’assassinats de journalistes.

«Des personnes de tous les horizons ont été menacées, intimidées, harcelées et incarcérées pour avoir simplement exprimé leur opinion ou effectué leur travail d’une manière qui a déplu aux autorités.» David Griffiths, directeur du Bureau du secrétaire général à Amnesty International

«Au cours de l’année écoulée, le gouvernement sri-lankais a radicalement transformé l’espace civique du pays, désormais caractérisé par une hostilité et une intolérance croissantes à l’égard des voix discordantes», a déclaré David Griffiths, directeur du Bureau du secrétaire général à Amnesty International. «Des personnes de tous les horizons ont été menacées, intimidées, harcelées et incarcérées pour avoir simplement exprimé leur opinion ou effectué leur travail d’une manière qui a déplu aux autorités.»

Depuis que le Sri Lanka s’est retiré, en février 2020, du processus de Justice et réconciliation mené sous l’égide du Conseil des droits de l’homme des Nations unies en relation avec les crimes commis durant le conflit, les autorités ont sévi contre les personnes réclamant justice. Amnesty International demande au Conseil des droits de l’homme, lorsque celui-ci se réunira du 22 février au 23 mars, de faire le nécessaire afin d’en finir avec l’impunité, en amenant le gouvernement sri-lankais à rendre pleinement compte de ses agissements, et en lançant un nouveau processus de justice approuvé à l’échelon international.

Justice et obligation de rendre des comptes

Les résultats des recherches d’Amnesty International mettent en évidence des violations systématiques à l’égard de personnes ayant enquêté, recueilli des informations, lancé des procédures ou fait des signalements sur des violations des droits humains, défendu des victimes, notamment dans au moins six cas dans lesquels des avocat·e·s ont été pris pour cible.

La loi draconienne relative à la prévention du terrorisme a été utilisée, entre autres, contre Hejaaz Hizbullah, un défenseur et avocat de renom spécialisé dans les droits des minorités, qui est maintenu en détention depuis 10 mois, sans qu’aucun élément attestant un acte répréhensible n’ait été produit devant un tribunal. L’avocate Achala Senevirathne, qui a représenté des familles de victimes dans un cas de disparitions forcées, a été menacée de violences et d’agressions sexuelles non seulement sur les réseaux sociaux, mais également par des représentants de l’État accusés dans l’affaire. Des enquêteurs œuvrant afin que justice soit faite pour des crimes de droit international sont également sur la sellette.

Des responsables militaires qui assuraient le commandement lors de la dernière phase du conflit, époque à laquelle les allégations d’atteintes aux droits humains et au droit humanitaire se multipliaient, sont montés en grade et ont obtenu des postes de pouvoir – notamment des postes civils – à titre de récompense sous le nouveau gouvernement. Cela a eu un effet paralysant sur les victimes qui réclamaient justice. Le rapport explique aussi que des modifications apportées à la législation par le gouvernement ont compromis tout accès aux voies légales crédibles dans le pays, et que des commissions d’enquête désignées par le président essaient actuellement de revenir sur l’obligation de rendre des comptes pour les auteurs de violations des droits humains.

Attaques contre l’espace civique 

Des acteurs étatiques ont mené des campagnes de dénigrement contre des organisations non gouvernementales (ONG) et des organisations de défense des droits humains, tandis que des journalistes ont reçu des menaces de mort et été convoqués dans le cadre d’enquêtes et pour des interrogatoires, après qu’ils ont dénoncé des atteintes aux droits humains.

Le nombre de visites de membres des forces de sécurité dans les bureaux d’ONG de défense des droit humains a augmenté ces 14 derniers mois. Amnesty International a enregistré 18 visites de ce type pour cette période, durant laquelle des fonctionnaires ont demandé des renseignements sur les données d’enregistrement de l’organisation, le personnel et les coordonnées bancaires des donateurs. Des membres du personnel ont même reçu des visites de ce type à leur domicile.

Certaines lois sont par ailleurs utilisées de manière abusive, dans le but de bafouer la liberté d’expression, en particulier la Loi sur le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, invoquée afin d’arrêter Ramzy Razeek et de l’incarcérer pendant plus de cinq mois sans l’avoir inculpé ni lui avoir donné la possibilité de bénéficier des services d’un avocat. Dans une publication sur Facebook, cet homme avait critiqué la crémation obligatoire de victimes de la pandémie de COVID-19, et appelé de ses vœux un combat idéologique utilisant pour toute arme un stylo ou un clavier.

Complément d’information 

Le rapport de la haut-commissaire aux droits de l’homme, publié le 27 janvier 2021, peut être téléchargé à cette adresse. Le Conseil des droits de l’homme se réunira pour sa 46e session, du 22 février au 23 mars. À cette occasion, il est prévu que l’Allemagne, le Canada, la Macédoine du Nord, le Monténégro et le Royaume-Uni – le principal groupe d’États travaillant actuellement sur le Sri Lanka – présentent une résolution faisant suite au rapport de la haut-commissaire.

En janvier 2021, Amnesty International a diffusé une évaluation de la situation au Sri Lanka, fixant des attentes claires, à l’adresse du Conseil des droits de l’homme, concernant les mesures à prendre.