Dans l’affaire R.R. et autres c. Hongrie, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la Hongrie. Elle a conclu à la violation de l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants et du droit à la liberté et à la sûreté. L’affaire concernait le confinement des requérants, une famille irano-afghane de demandeurs d’asile, dans la zone de transit de Röszke, pendant toute la durée de sa procédure, en avril-août 2017.
L’article “The European Court of Human Rights rules that placement in the transit zones following the legal changes of 2017 qualify as unlawful detention” a été publié le 02.03.2021 sur le site du Comité d’Helsinki hongrois, une ONG qui protège la dignité humaine et le respect de l’Etat de droit. Nous vous en proposons une traduction française.
La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a publié le 02.03.2021 un communiqué de presse sur ce jugement sur son site.
La CEDH statue que -suite aux changements de loi de 2017- le placement dans des zones de transit sont qualifiés de “détention illégale”
Le 2 mars 2021, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu son jugement dans le cas d’une famille irano-afghane qui a été retenue dans la zone de transit pendant toute la durée de sa procédure d’asile en 2017 et n’a été libérée qu’après avoir obtenu une protection internationale.
La Cour s’est jointe au large consensus concernant la nature du placement dans les zones de transit hongroises et a conclu que la famille avait été détenue illégalement. La Cour a également estimé que les conditions dans lesquelles la famille a dû subir sa procédure d’asile, notamment le fait que le père n’ait pas reçu de repas, étaient contraires à l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants. Les demandeurs étaient représentés par le Comité d’Helsinki hongrois.
Suite à l’arrêt de la Grande Chambre (GC) de la CEDH dans l’affaire Ilias et Ahmed c. Hongrie du 21 novembre 2019, il s’agit du premier arrêt de la Cour qui traite de la prétendue détention de demandeurs d’asile dans les deux zones de transit de la frontière terrestre hongroise. Les faits de l’arrêt et le cadre juridique applicable, qui a changé après le 28 mars 2017, sont cependant radicalement différents, ce qui justifie la décision de la Cour qui arrive à une conclusion différente sur la nature du placement dans la zone de transit et qui constate que les demandeurs ont été privés de leur liberté au sens de l’article 5.
L’affaire concerne le traitement inhumain et la détention illégale d’une famille irano-afghane vulnérable, souffrant de graves problèmes médicaux, dans la zone de transit. Le père iranien qui n’a reçu aucune nourriture pendant des mois, seulement un abri, sa femme, survivante de tortures, mère afghane de trois enfants mineurs et enceinte de six mois du quatrième, ont tous été retenus derrière la clôture de barbelés de la zone de transit de Röszke à la frontière hongro-serbe. La famille a passé 3 mois et 26 jours dans la zone de transit.
Les requérants se sont plaints que leur placement dans la zone de transit de Röszke équivalait à une détention illégale et que les conditions qu’ils devaient y subir étaient inhumaines et dégradantes, inacceptables pour des enfants en bas âge. Ils n’avaient pas accès à un recours effectif contre cette situation, ce qui constituait une violation de l’article 5, paragraphes 1 et 4, ainsi que des articles 3 et 13 de la Convention.
Compte tenu des conditions de détention très inadéquates et des souffrances prolongées de la famille, la HHC s’est déjà adressée à la Cour européenne des droits de l’homme à deux reprises pour demander des mesures provisoires alors que la famille était détenue dans la zone de transit. Dans ces mesures provisoires, la Cour a demandé au gouvernement de placer les requérants dans un environnement adéquat pour les enfants et la mère enceinte, ainsi que de fournir des repas au père et un service d’interprétation à la mère lors des examens médicaux. Le gouvernement n’a rien fait pour améliorer la situation des requérants, à part donner de la nourriture au père. Les demandeurs n’ont été libérés des zones de transit qu’en raison de la décision rendue sur leur demande d’asile, lorsque la Hongrie a finalement reconnu leur besoin de protection internationale.
Les zones de transit ont été fermées en mai 2020, suite à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui qualifiait le placement dans la zone de transit de détention. Cet arrêt s’inscrit dans le large consensus professionnel entre les principaux organismes de défense des droits de l’homme, qui ont tous conclu que le placement dans les deux zones de transit frontalières terrestres en Hongrie constituait une privation de liberté. La Cour européenne des droits de l’homme a finalement rejoint ce consensus international aujourd’hui.
Le Comité Helsinki hongrois se félicite de l’arrêt de la Cour qui a reconnu les réalités factuelles et juridiques de l’affaire et est parvenu à une conclusion différente de celle d’Ilias et d’Ahmed et qui n’est pas en contradiction avec les normes du droit de l’UE reprises dans l’arrêt de la CJUE du 14 mai 2020 établissant clairement que ce type de placement en zone de transit est qualifié de détention.
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