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Documentation

Conseil de l’Europe | Méditerranée: « une situation déplorable »

« La situation en Méditeranée reste déplorable sur le plan des droits de l’homme » déclare Dunja Mijatović, Commissaire aux droits de l’homme, au travers d’un rapport de suivi. Elle déplore un renforcement des dispositifs des États empêchant les ONGs d’intervenir en Mer et une intensification des activités de coopération avec les pays tiers, en dépits des preuves irréfutables de violation des droits humains. Des mesures concrètes sont recommandées afin de permettre aux pays européens d’avoir une approche respectueuse face aux traversées de la grande bleue.

Crédits photos : 1-8, 10-12, 14,16-19 ©Santi Palacios & 9, 13, 15 ©Giorgos Moutafis

Nous reproduisons, ci-dessous, la communication du rapport de suivi de la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. En accompagnement de l’article, vous pouvez également visionner leur vidéo.

Les pays européens doivent changer d’urgence leurs politiques migratoires car elles mettent en danger les réfugiés et les migrants qui traversent la Méditerranée

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Strasbourg 09/03/2021

« Les pays européens ne protègent pas les réfugiés et les migrants qui tentent de rejoindre l’Europe en traversant la Méditerranée. Ce recul dans la protection des vies et des droits des réfugiés et des migrants s’aggrave et cause chaque année des milliers de morts qui pourraient être évitées », a déclaré aujourd’hui Dunja Mijatović, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, en rendant public un rapport intitulé « Un appel de détresse pour les droits de l’homme. Des migrants de moins en moins protégés en Méditerranée ».

Le rapport dresse le bilan de la mise en œuvre, par les États membres, de la recommandation sur le sauvetage des migrants en mer publiée par la Commissaire en 2019. Il présente aussi un ensemble de mesures concrètes que les pays européens devraient prendre d’urgence pour adopter une approche respectueuse des droits de l’homme face aux traversées de la Méditerranée. Le rapport rend compte des développements survenus entre juillet 2019 et décembre 2020 dans cinq grands domaines : des opérations de recherche et de sauvetage efficaces ; le débarquement sûr et rapide des personnes secourues ; la coopération avec les organisations non gouvernementales ; la coopération avec des pays tiers ; et des voies sûres et légales. Il s’intéresse à ces aspects principalement en ce qui concerne la route de la Méditerranée centrale. Cependant, nombre des mesures requises décrites dans le document s’appliquent aussi à toutes les autres routes migratoires principales de la Méditerranée et aux traversées de l’Atlantique, entre l’Afrique de l’Ouest et l’Espagne.

Le rapport souligne que, malgré quelques progrès limités, la situation en Méditerranée reste déplorable sur le plan des droits de l’homme. Les naufrages, qui continuent à se produire régulièrement, ont coûté la vie à plus de 2 400 personnes durant la période considérée, selon les chiffres officiels, qui pourraient être bien en deçà de la réalité. Le retrait progressif des navires d’État de la Méditerranée et les dispositions prises pour entraver les opérations de sauvetage des ONG, ainsi que les décisions visant à retarder les débarquements et l’absence de ports sûrs désignés, sont autant d’éléments qui portent atteinte à l’intégrité du système de recherche et de sauvetage. Les activités de coopération avec des pays tiers se sont intensifiées, en dépit de preuves irréfutables des graves violations des droits de l’homme qui y sont perpétrées, et sans mise en œuvre de garanties du respect des droits de l’homme ni application des principes de transparence et de responsabilité. « Le long de la route de la Méditerranée centrale, tout particulièrement, nombre de mesures prises récemment semblent viser à institutionnaliser une pratique consistant à laisser aux garde-côtes libyens la voie libre pour intercepter les personnes qui se trouvent en mer, ce qui a donné lieu à près de 20 000 retours en Libye, où les personnes sont exposées à de graves violations des droits de l’homme », écrit la Commissaire. La pandémie de covid-19 a par ailleurs entraîné l’adoption de mesures plus restrictives, ce qui a des répercussions négatives directes sur les droits des migrants.

En vue d’enrayer la baisse de la protection des réfugiés et des migrants qui traversent la Méditerranée et d’inverser la tendance, la Commissaire appelle une nouvelle fois les États membres du Conseil de l’Europe à appliquer rapidement ses recommandations destinées à préserver la vie et à protéger les droits des personnes en détresse en mer. Elle recommande en particulier de garantir la présence en mer de moyens étatiques appropriés et suffisants pour la recherche et le sauvetage ; d’assurer un débarquement sûr et rapide des personnes secourues ; de permettre aux ONG de mener des opérations de recherche et de sauvetage ou des activités de contrôle du respect des droits de l’homme ; de mettre fin aux refoulements et aux autres mesures qui entraînent le retour des réfugiés et des migrants vers des lieux où ils sont exposés à de graves violations des droits de l’homme ; et de développer des voies de migration sûres et légales.

« Il est grand temps que les pays européens mettent fin à cette tragédie honteuse et adoptent des politiques migratoires respectueuses des droits de l’homme. C’est maintenant que les États membres doivent agir pour sauver des vies. Il s’agit là d’une question de vie ou de mort – mais aussi de la crédibilité de l’engagement des pays européens à l’égard des droits de l’homme », conclut la Commissaire.