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HCR | Fouiller les téléphones portables: menace au droit à la vie privée

Le HCR considère que le droit à la vie privée demeure menacée lors des fouilles des téléphones portables des demandeur·euses d’asile. Ils estiment que l’absence de restriction dans l’accès aux mobiles n’est pas assez régulée. Questionner l’utilité de cette pratique est également nécessaire: un téléphone peut transvaser à travers plusieurs personnes et ne pas forcément être probant dans les résultats d’identification (VE 174/Octobre 2019). Le HCR recommande donc qu’un examen complet de cette loi soit réalisée afin d’y évaluer la conformité avec le droit international et les droits humains.

« Le HCR considère que l’accès complet aux données des téléphones mobiles est une atteinte au droit au respect de la vie privée, protégé par le droit international et la Constitution fédérale. »

Nous reproduisons, ci-dessous, le communiqué annonçant la prise de position du HCR paru le 14 avril dernier.

Fouille des téléphones portables des demandeurs-euses d’asile: le HCR considère que le droit à la vie privée demeure menacé

La réglementation juridique prévue rend possible une ingérence de grande envergure dans la vie privée des demandeurs-euses d’asile. Du point de vue du HCR, les restrictions nécessaires font défaut.

Le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) devrait à l’avenir être autorisé à fouiller les téléphones portables des demandeurs-euses d’asile pour vérifier leur identité. La Commissions des institutions politiques (CIP-N) a élaboré un projet de loi à cet effet. A la suite de la procédure de consultation, elle l’a modifié. Le HCR se félicite du fait que certaines recommandations ont été prises en compte et que des améliorations ont été apportées. Cependant, il existe toujours un risque d’interférence inadmissible avec les droits de l’homme.

En principe, le HCR reconnaît l’intérêt des États à identifier les personnes se trouvant sur leur territoire. Cependant, l’accès complet aux informations personnelles constitue une atteinte importante au droit à la vie privée, protégé tant par le droit international que par la Constitution suisse. Une telle intrusion n’est admissible que dans des conditions particulières. De l’avis du HCR, le projet de loi ne répond pas à ces exigences.

Absence de restriction

Dans le cadre d’une procédure pénale, la fouille des téléphones portables fait l’objet d’une réglementation restrictive. Dans le cas des demandeurs-euses d’asile, en revanche, les règles prévues permettraient aux autorités d’accéder à toutes les données – photos d’ami-e-s, messages à un-e conjoint-e ou localisation passée. Le droit au respect de la vie privée serait ainsi considérablement réduit pour un certain groupe de personnes – les demandeurs-euses d’asile.

Le HCR recommande au Parlement d’adopter des dispositions plus détaillées dans le cadre du processus législatif. Cela doit permettre de prévenir toute ingérence inadmissible dans la vie privée. Par exemple, il faudrait inscrire dans la loi que des mesures moins fortes ont la priorité. En outre, il convient de réglementer précisément quelles données peuvent être collectées et qui y a accès.

L’intention de la Commission des institutions politiques de tenir compte de la proportionnalité doit être saluée. A la suite du processus de consultation, elle a ajouté un amendement: le SEM doit examiner la nécessité et la proportionnalité de la mesure dans chaque cas. Du point de vue du HCR, cependant, cela ne suffit pas. Un organe de contrôle indépendant serait nécessaire pour confirmer la nécessité d’une telle mesure dans chaque situation. C’est également de cette manière que sont traitées les atteintes en matière de droits humains dans les enquêtes pénales. Enfin, le HCR recommande un contrôle judiciaire ou au moins administratif. Toute personne forcée de remettre son téléphone portable devrait pouvoir contester cette mesure immédiatement.

Adapté et efficace?

Pour le HCR, la question se pose également de savoir si le contrôle des téléphones portables est un moyen approprié pour établir l’identité, la nationalité et l’itinéraire des personnes concernées. Les téléphones portables peuvent être utilisés durant la fuite par plusieurs personnes sur une longue période, y compris par les passeurs. Cela peut rendre difficile l’attribution des données à une seule personne. En outre, les preuves électroniques peuvent facilement être modifiées ou détruites. Les évaluations réalisées en Allemagne ont également montré que le bénéfice par rapport à l’effort fourni pour l’examen des données était plutôt faible.

Au cours du processus de consultation, le HCR a recommandé que le projet de loi soit soumis à un examen complet de sa conformité avec le droit international et constitutionnel et que le Préposé fédéral à la protection des données soit associé à la préparation du projet de loi. Il est regrettable que cela n’ait pas été fait.

Le Conseil national va débattre de ce projet de loi le 4 mai.

Vous pouvez trouver la prise de position détaillée du HCR ici (disponible uniquement en allemand).

Bureau du HCR pour la Suisse et le Liechtenstein

A lire également:

Décryptage |Fouiller les téléphones portables des demandeurs d’asile? Contestable, inefficace et forcément coûteux, Orphée Mouthuy/Sophie Malka ( Vivre Ensemble|asile.ch) – La mesure introduite en Allemagne il y a plusieurs années montre qu’elle est inefficace à atteindre le but visé, après évaluation; le coût attendu de la mesure est vraisemblablement sous-évalué par la Commission parlementaire  chargée d’examiner la disposition.

CSP |  Opposés à la fouille des téléphones portables des requérant-e-s d’asile Prise de position des Centres sociaux protestants. Si l’avant-projet devait tout de même être adopté, la fouille du téléphone portable et autres supports de données doit remplir les conditions suivantes:

  1. utilisation lorsque la nécessité de conduire une telle fouille a été établie par écrit, comme dans le droit pénal
  2. utilisation de la fouille après qu’une analyse lingua ait été menée et qu’un doute subsiste, puisque l’analyse lingua porte moins atteinte à la vie privée
  3. prolongation du délai pour que le représentant juridique se prononce sur le projet de décision du SEM à minimum trois jours, afin de préserver le droit d’être entendu du requérant d’asile