Le titre de cet article peut paraître surprenant: asile et humour, n’est-ce pas un couple quelque peu détonnant? Quand on connaît toutes les expériences de détresse vécues par les migrants dans leurs pays d’origine et sur leurs chemins d’exil, tous les rejets que subissent les requérants d’asile et les réfugiés dans leurs pays d’accueil, tous les obstacles, administratifs ou autres, avec lesquels luttent celles et ceux qui les soutiennent et les accompagnent, y a-t-il vraiment de quoi faire de l’humour? Ce sont plutôt des sentiments d’impuissance, de résignation, de révolte et d’amertume qui s’installent. Et pourtant, l’humour pourrait peut-être nous permettre de prendre distance à l’égard de ces sentiments pesants, qui risquent de nous démobiliser, de nous anéantir, à force de nous confronter sans cesse au tragique. De quelqu’un qui a de l’humour, on dit qu’il est spirituel, et on appelle ses plaisanteries des mots d’esprit. Il se pourrait donc qu’il y ait dans l’humour quelque chose comme un esprit, un souffle qui nous porte, envers et contre tout ce qui pèse. Un penseur allemand, Otto Julius Bierbaum, disait: «L’humour, c’est quand on rit malgré tout.» L’humour serait donc comme une force spirituelle de résistance, urgente aujourd’hui dans le domaine de l’asile! Mais le rire, l’humour peuvent aussi être très ambigus: on peut faire beaucoup de mal en riant, comme c’est le cas dans les quolibets, les moqueries, le rire cynique. Il nous faut donc faire un petit détour philosophique pour distinguer deux regards très différents sur l’humour, avant de pouvoir le faire fructifier pour l’asile.