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Notre regard

Cameroun | L’homosexualité persécutée

Données socio-démographiques

Carte_cameroun_francaisPays – Cameroun
Capitale – Yaoundé
Population – 20 millions d’habitants
Langues principales –  français, anglais (langues officielles), langues bantoues, semi-bantoues et sudaniques
Principales religions – christianisme, islam, animisme
Ethnies majeures – Fangs (20%); Bamilekés et Bamoun (19%); Doualas, Loumbous et Bassas (15%); Peuls (10%). Actuellement, le Cameroun accueille environ 100 000 réfugiés provenant de la République centrafricaine, du Nigéria et du Tchad (HCR, 2014).
Produits d’exportation – pétrole brut et produits dérivés, bois, cacao, aluminium, café, coton.
Corruption – 144ème rang sur 177 selon l’Indice de perception de la corruption établi par Transparency International.

Système politique – Le Cameroun est une république de type présidentielle gouvernée par Paul Biya. Même si son organisation politique s’apparente à une démocratie, le parti de Biya a gagné toutes les élections présidentielles depuis 1992, avec 70 à 92% des suffrages. Lors des élections de 2011, les opposants au régime ainsi que les observateurs internationaux ont accusé le gouvernement de fraude électorale.

Droits humains – Bien que l’Etat camerounais ait ratifié six traités internationaux relatifs aux droits humains, les derniers rapports du Conseil des droits de l’homme de l’ONU (2013) et des ONG Amnesty International et Human Rights Watch mettent en évidence la situation problématique des droits humains dans le pays. Des opposants politiques ainsi que des journalistes ont été incarcérés avec de fausses accusations pénales. Les défenseurs des droits humains ne sont pas en reste: certains ont reçu des menaces de mort, sans que les autorités fassent quoi que ce soit pour les protéger. Par ailleurs, les personnes homosexuelles ou soupçonnées de l’être sont poursuivies pénalement, avec des peines de prison parfois très lourdes.

Statistiques suisses des demandes d’asile pour le Cameroun (2013)

Nouvelles demandes d’asile – 82
Dossiers traités en première instance – 90 (6 octrois de l’asile, 12 admissions provisoires*, 13 décisions négatives, 54 non entrées en matière, dont 31 NEM Dublin**)
Renvois sous contrainte – 4 au pays, 15 renvois Dublin

* La Suisse compte les admissions provisoires comme des décisions négatives
** Une NEM Dublin signifie que la demande doit être examinée par un autre Etat signataire de l’Accord de Dublin

LGBTI in Cameroon
Yaoundé, Cameroun, mai 2013: un jeune homme battu et rejeté en raison de son orientation sexuelle. Photo: Amnesty International

L’homosexualité persécutée

76 pays dans le monde et 36 Etats africains criminalisent l’homosexualité (ILGA, 2013). Mais le Cameroun est l’un des rares qui applique son code pénal (art. 347 bis) de manière effective, par des amendes et des peines d’emprisonnement de 6 mois à 5 ans. De 2010 à 2013, 28 condamnations ont été prononcées. Les autorités affirment que seules les relations sexuelles homosexuelles en public sont poursuivies, ce que dément le dossier des 6 personnes condamnées en 2013.

Selon les ONG, de simples dénonciations ou des aveux obtenus sous la torture suffisent à une condamnation. En prison, les personnes LGBTI* sont maltraitées physiquement et psychologiquement par les gardiens et les autres détenus. Leurs familles les rejettent parfois lorsqu’elles en sortent. Passées à tabac dans la rue, elles n’osent pas dénoncer leurs agresseurs. Isolés, discriminés sur le marché du travail et l’accès aux soins, gays et lesbiennes subissent une forte stigmatisation sociale et peuvent se retrouver dans une situation très précaire.

Les activistes pour les droits LGBTI sont également persécutés. En 2013, les avocats Michel Togué et Alice Nkom ont été menacés de mort. Les locaux des ONG Alternatives-Cameroun et de REDHAC ont été vandalisés, des clés USB et des ordinateurs contenant des informations confidentielles volés. Enfin, le journaliste et directeur de la Fondation camerounaise pour le SIDA Eric Ohena Lembembe a été assassiné en juillet. La police a bâclé l’enquête et le gouvernement a affirmé qu’il s’agissait d’un règlement de comptes.

La responsabilité de l’Etat dans ces persécutions est difficile à établir. Selon des témoignages, des personnes en uniforme militaire auraient participé à des agressions contre des homosexuels et des activistes. Dans le meilleur des cas, le manque d’intérêt des autorités favorise un «climat empoisonné dans lequel les acteurs étatiques et non-étatiques croient qu’ils peuvent menacer les droits des personnes LGBTI en toute impunite» (Neela Ghoshal, HRW). Il y a donc violation du principe de non-discrimination.

Selon un récent arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, les personnes homosexuelles ont le droit de bénéficier d’une protection internationale lorsque la législation du pays d’origine punit leur orientation sexuelle avec des peines sévères telles que l’emprisonnement et que cette législation est appliquée de manière effective (affaires C-199/12 à C-201/12).

Nora Bernardi

* Lesbiennes, gays, bi-sexuelles, transgenres, intersexuelles

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