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Notre regard

Côte d’Ivoire | Dix ans de lutte pour le pouvoir

Le 21 mai 2011, Alassane Ouattara a officiellement été investi président de la Côte d’Ivoire, au terme de 6 mois de crise liée à la contestation des résultats électoraux par Laurent Gbagbo, chef d’Etat sortant. Fin avril, des miliciens pro-Gbagbo déposaient symboliquement les armes. Ouattara hérite d’un pays profondément divisé par dix années de guerre civile. Réunifier le pays, le désarmer, le réconcilier. La tâche est immense. Et Alassane Ouattara sait que sans véritable justice, point de réconciliation. Or l’impunité a été une composante de la crise du pays. Ses concitoyens se méfient d’une justice pliée aux desiderata des politiques.

Données socio-démographiques


République de Côte d’Ivoire

Capitale: Yamoussoukro (Abidjan est la capitale économique)

Population: 21.6 millions (ONU, 2010)

Langue: français (langue officielle), 60 langues ethniques

Ethnies: 60 ethnies cohabitent, dont Akan, peuples voltaïques et Gur, Mandé, Krou, Baoulé, Bété, Krou, Dioula…

Religions : Islam, Christianisme, croyances indigènes

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Dix ans de lutte pour le pouvoir

La décision du nouveau président de nommer une commission mixte «Vérité, réconciliation et dialogue» pour enquêter et juger les crimes passés et plus récents, sanctionner leurs auteurs – y compris ceux de son propre camp -, et de faire appel à la Cour pénale internationale pour juger Gbagbo et les crimes les plus graves des six derniers mois, constitue pour la Côte d’Ivoire une lueur d’espoir.

La période post-électorale a en effet été marquée par des exactions, certaines qualifiées de crimes de guerre. Si les forces pro-Gbagbo sont en cause, des massacres et des viols à l’encontre de l’ethnie guéré, soupçonnée pro-Gbagbo, dans l’ouest du pays, sont imputés aux Forces républicaines de Côte d’ivoire (FRCI), pro-Ouattara. Fin mars, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU annonçait la mise en place d’une commission d’enquête indépendante pour enquêter sur ces événements.

Longtemps connue comme un havre de paix et de prospérité en Afrique, la Côte d’Ivoire ne s’est jamais vraiment relevée de la mort de son premier président Félix Houphouët-Boigny, en 1993. Troisième puissance économique en Afrique, leader mondial de cacao, de café, le pays a attiré une forte main-d’œuvre de ses voisins, extrêmement pauvres. Sa politique ouverte d’intégration des migrants contribuait à sa stabilité et à sa cohésion.

Dans les années 80, l’effondrement du cours du cacao et du café frappe la Côte d’Ivoire. La dette explose. Pour masquer la gravité de la crise, les successeurs d’Houphouët-Boigny, Henri Bédié (1995) puis Robert Guéi, inventent la notion d’ivoirité. Un discours ethno-nationaliste qui stigmatise 30% de la population et exacerbe les disparités entre un nord pauvre, musulman, et une côte sud prospère, chrétienne. En 2000, l’ivoirité devient argument électoral et permet d’écarter l’ex-Premier ministre d’Houphouët-Boigny, Alassane Ouattara, étiqueté «burkinabé», de la course à la présidence. Laurent Gbagbo est élu.

Il sera immédiatement contesté et ne cessera de s’accrocher au pouvoir. Dès 2002, la rébellion marche sur Abidjan et exige des élections non-truquées et non-fondées sur l’ivoirité. Le pays se divise entre un Nord contrôlé par les Forces Nouvelles et le Sud par les forces pro-gouvernementales. Une zone tampon est assurée par l’ONU. Puis les accords politiques se succèdent, visant au désarmement et à la réunification du pays. Les élections, promises par Gbagbo en 2007 (accord de Ouagadougou), sont reportées à six reprises.

Le pays en a payé un lourd tribut.

«L’échec du gouvernement à restaurer l’État de droit dans l’ouest -la région la plus touchée par le conflit et avec la plus forte concentration d’armes- a permis à des bandes d’anciens combattants armés de gagner leur vie en se livrant au banditisme et à d’autres formes de criminalité.» (Human rights watch, octobre 2010).

L’insécurité se dispute à l’impunité. Les Ivoiriens sont pris en otage. L’accès à la justice fait défaut et lorsque celle-ci est saisie, la corruption prévient toute sanction. Aucune région n’est épargnée:

«Les gangs criminels, les policiers, les gendarmes et les forces rebelles infligent à la population un flux incessant d’exactions, notamment des actes de banditisme, des agressions, des extorsions et le viol de femmes, de filles et même de bébés.» (HRW)

Aujourd’hui les tensions restent vivaces. Selon le HCR, 200’000 personnes sont déplacées dans l’ouest ivoirien, 150’000 réfugiées au Libéria, dans l’attente d’une sécurité suffisante pour rentrer chez elles.

SOPHIE MALKA

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