Aller au contenu
Notre regard

Érythrée | La guerre, un instrument de répression [2010]

L’Erythrée est le pays le plus militarisé du monde, avec quelque 450’000 soldats. L’histoire de l’ancienne colonie italienne, passée sous la coupe des Britanniques en 1941, a été marquée par la guerre avec l’Ethiopie. En 1952, l’ONU décide de fédérer les deux pays.

 Photo: UNHCR / F.Courbet

Dix ans plus tard, l’empereur éthiopien Haile Selassie annexe l’Erythrée, déclenchant 32 ans de lutte armée. En 1993 le pays obtient son indépendance par référendum. Mais dès 1998, Ethiopie et Erythrée se livrent une guerre frontalière fratricide, avec expulsion et détention de populations «ennemies». Le traité de paix signé fin 2000 sous la houlette de l’Organisation de l’Union africaine fait taire les armes, mais le tracé de la frontière est immédiatement contesté par l’Ethiopie. Une mission de maintien de la paix de l’ONU, chargée du tracé définitif, repart en juillet 2008 sur un constat d’échec. Aujourd’hui, les armées des deux camps se massent des deux côtés de la frontière.

«Le gouvernement de l’Erythrée est en train de transformer le pays en une gigantesque prison». Selon Human Rights Watch, «le gouvernement érythréen se sert d’un large dispositif d’installations de détention officielles et secrètes pour incarcérer des milliers d’Erythréens sans chef d’accusation ni procès. Nombre de prisonniers sont détenus pour leurs opinions politiques ou religieuses, d’autres parce qu’ils ont tenté de se soustraire au service national illimité ou de fuir le pays.»

La dictature militaire du président Isayas Afewerki, déjà aux affaires durant la lutte pour l’indépendance, a tôt fait d’enterrer les rêves d’une société démocratique et d’un Etat de droit: une Constitution (1997) jamais entrée en vigueur; un parti unique; une opposition et des médias durement réprimés en 2001; des libertés démocratiques inexistantes.

L’état d’urgence de 1998, jamais levé, justifie aujourd’hui encore la conscription à vie.

«La torture, les traitements cruels et dégradants et le travail forcé sont monnaie courante pour les conscrits ainsi que pour les détenus», relève HRW. Les conditions de détention sont épouvantables, les prisonniers étant généralement entassés dans des cellules surpeuplées – parfois souterraines – ou dans des containers maritimes qui atteignent des températures brûlantes le jour et glaciales la nuit.

Ceux qui tentent de s’enfuir encourent de lourdes sanctions et le risque d’être abattus en traversant la frontière. Le gouvernement sanctionne aussi les familles de ceux qui se soustraient au service militaire ou désertent, en leur infligeant des amendes exorbitantes ou des peines d’emprisonnement.»

Fin 2008, 12% de la population érythréenne avait fui le pays. D’abord vers l’Ethiopie et le Soudan, puis vers la Libye, l’Egypte et l’Europe. Ceux qui ont été rapatriés de force ont été victimes de détention et de torture à leur retour, prévient HRW, qui rappelle que le HCR déconseille d’expulser qui que ce soit vers l’Erythrée, y compris les personnes dont la demande d’asile a été rejetée.

Selon la directrice de HRW pour l’Afrique, « les Erythréens ne devraient en aucune circonstance être renvoyés en Erythrée, où ils risquent presque à coup sûr la détention et la torture simplement pour s’être enfuis.»

Données socio-démographiques

Capitale: Asmara
Population: 5 millions (UN 2009)
Langue majoritaire: tigrinyia, tigré, arabe, anglais
Religion: Islam, Christianisme

Statistiques des demandes d’asile pour l’Erythrée en 2009

Nouvelles demandes: 1724 (2ème rang)
Dossiers traités en 1ère instance: 2407

  • Octrois de l’asile: 1302
  • Admissions provisoires: 409
  • Décisions négatives: 660 (42 rejets / 618 NEM, dont 566 NEM Dublin)

Situation juridique en Suisse

En 2006, la Commission de recours en matière d’asile (ex-TAF) a rendu une décision de principe faisant jurisprudence:

«En Erythrée, la peine sanctionnant le refus de servir ou la désertion est démesurément sévère; elle doit être rangée parmi les sanctions motivées par des raisons d’ordre politique («malus absolu»).

Les personnes nourrissant une crainte fondée d’être exposées à une telle peine doivent être reconnues comme réfugiées.

Le projet de révision de la loi sur l’asile vise à court-circuiter cette décision.

Sources

Voir aussi

SOPHIE MALKA