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Notre regard

Hongrie | Porte d’entrée dans l’espace Schengen

Données socio-démographiques

Capitale: Budapest
Superficie totale: 93’000 km2
Population: 10 millions
Langue officielle: Hongrois
Autorité en charge de l’asile: Bureau de l’Immigration et de la Nationalité (Ministère de l’Intérieur)
Année d’adoption de la Convention sur le Statut des réfugiés: 1989
Année d’adhésion à l’UE: 2004
Année d’adhésion à l’Espace Schengen: 2007
Gouvernement: coalition centre-gauche (2002-2010). Depuis 2010: victoire du Fidesz-Union civique hongroise de Viktor Orban et du Parti populaire démocrate-chrétien (KDPN)

Chiffres de l’asile en Hongrie (statistiques Eurostat)

Total demandes d’asile traitée:  2157  (2’320 pour le premier trimestre 2013)
Statut de réfugie: 68
Protection subsidiaire: 240
Protection humanitaire: 42

Porte d’entrée dans l’Espace Schengen

Kiskunhalas Detention Center
Demandeurs d’asile dans le centre de détention de Kiskunhalas. UNHCR/ B. Szandelszky/ juin 2008

Malgré les transformations législatives de 2004 visant à promouvoir les principes de l’égalité de traitement et des chances, la discrimination et la xénophobie demeurent des phénomènes prédominants dans la société hongroise. En 2010, la coalition conservatrice remporte les élections et entame des modifications législatives controversées, visant à renforcer le pouvoir de l’Etat et à diminuer les libertés civiles.

En matière d’asile, la loi adoptée en juin 2007 a connu plusieurs transformations. En décembre 2010, un premier amendement a renforcé les pratiques de détention des demandeurs d’asile et a restreint l’accès à la procédure d’asile. Les pressions du HCR et de la Commission européenne ont permis d’importants amendements législatifs, entrés en vigueur le 1er janvier 2013, limitant la détention automatique des demandeurs d’asile et permettant un meilleur accès aux procédures, notamment pour les personnes relevant du Règlement Dublin. Dénoncés comme problématiques, les refoulements vers la Serbie ne sont plus systématiques, ce pays n’étant plus considéré comme «Etat tiers sûr».

Nouveau revirement en juillet 2013 avec une loi réduisant les acquis précédents: l’extension des motifs de détention, largement susceptibles à interprétation, rend son application quasi-systématique pour les demandeurs d’asile, sans évaluation individuelle adéquate, relève le Hugarian Helsinki Comittee (1). La légalité de la détention peut être contestée au bout de 60 jours, mais les dernières années, ces recours ont été inefficaces dans 99% des cas. La période de détention peut être renouvelée jusqu’à 6 mois maximum. La loi interdit la détention des mineurs non accompagnés (MNA), mais prévoit celle des mineurs accompagnés jusqu’à 30 jours. Aucune autre catégorie de personne vulnérable n’est exclue de la possibilité de détention.

Le délai de recours contre une décision négative sur le fond est réduit à 8 jours, ce qui limite considérablement l’accès à un recours effectif. En pratique, lorsque les conditions de détention sont remplies, les demandeurs d’asile sont placés dans des centres de détention spécifiques. Une procédure de renvoi est initiée à l’encontre de ceux qui sont sur le territoire de manière illégale – par exemple lorsqu’une demande n’a pas été déposée immédiatement à l’arrivée. Ils sont alors placés dans des centres de détention pour migrants irréguliers. Il existe également quatre centres d’accueil ouverts aux conditions de vie proches du système carcéral. Dans un arrêt de principe du 9 octobre 2013, le Tribunal administratif fédéral relève:

«S’agissant des conditions de détention des requérants d’asile, il convient également de rappeler que, par le passé, les observateurs – et notamment le HCR – avaient fait état, en particulier, de carences importantes en matière d’hygiène dans certains centres de détention, d’administration systématique de tranquillisants, de violences commises par les gardiens, de l’utilisation de menottes lors des trajets pour les auditions ».

Une situation aggravée par l’arrivée de nouveaux réfugiés en provenance de la Syrie auxquels la Hongrie peine à faire face. Seules des structures provisoires (tentes, établissements militaires) ont été aménagées durant l’été. Quant aux personnes relevant du Règlement Dublin, y compris des personnes vulnérables, elles ne sont pas exclues d’une décision de détention ou de mauvais traitements. C’est pourquoi, depuis les modifications législatives de juillet 2013, plusieurs pays de l’Union européenne ont fait usage de la clause de souveraineté inscrite dans le Règlement Dublin pour suspendre des renvois vers la Hongrie. Ainsi, dans son ordonnance du 29 août 2013, le Conseil d’Etat français a interdit le renvoi d’une famille kosovare en Hongrie et plusieurs tribunaux allemands, ainsi que le tribunal autrichien (deux cas), ont suspendu provisoirement les renvois vers la Hongrie. Quant à la Suisse, le TAF n’exige qu’un examen individualisé et prononce encore régulièrement des décisions de renvoi vers la Hongrie.

La question des renvois Dublin

En 2013, 97 personnes ont été transférées de Suisse vers la Hongrie en vertu du Règlement Dublin. Pourtant, la situation sur place démontre des défaillances majeures dans le système d’asile hongrois. C’est pourquoi certains tribunaux européens ont suspendu les renvois vers la Hongrie. Et le TAF, dans un arrêt à cinq juges, appelle les autorités à un examen attentif de la situation(2).

En 2012, l’OSAR réclamait l’arrêt immédiat des renvois, précisant: «les rapports des organisations de défense des droits humains sont clairs: les requérants d’asile renvoyés en Hongrie sont systématiquement emprisonnés et maltraités» (3). Suite aux nouveaux durcissements législatifs hongrois en matière d’asile en juillet 2013, ainsi qu’à l’arrivée importante de nouveaux réfugiés syriens, le Tribunal administratif fédéral a indiqué que les transferts vers la Hongrie ne pouvaient plus être exécutés de manière automatique. Un examen «individualisé» doit préalablement être effectué, afin de définir l’existence d’un «risque réel d’être soumis en Hongrie à un mauvais traitement ou à un refoulement contraire à la CEDH ou à la Convention sur les réfugiés», notamment pour des personnes «en situation de vulnérabilité». Dans cette jurisprudence, il estime que «la renonciation au transfert pourra s’imposer en particulier dans les cas où il est probable que des personnes vulnérables remplissent les conditions d’un placement en détention.»

Hongrie prison
Hungarian Helsinki Committee: A Look at the Life of Prison

Quelle sera la pratique de l’ODM? 2013 a connu le plus fort taux de renvoi en trois ans, avec 97 renvois, contre 49 personnes en 2012, et 62 en 2011. Quant aux décisions NEM Dublin prises en 2013 concernant la Hongrie, les chiffres ne sont pas indiqués dans les statistiques de l’ODM. Celui-ci précise «si l’on regarde le ratio des nombres de décisions de NEM Dublin totales (7’078) sur le nombre de requêtes faites auprès de la Hongrie – dites Procédure out (9’679), nous arrivons à 73% de décisions NEM. Nous pouvons donc estimer environ 400 décisions NEM Dublin (548 * 73%) pour la Hongrie.» Ainsi quelques centaines de décisions devront être exécutées prochainement. L’ODM tiendra-t-il compte de la jurisprudence du TAF en 2014?

Affaire à suivre.


Notes:

(1)    Hungarian Helsinki Committee, «Asile en Hongrie», 2013
(2)   Tribunal Administratif Fédéral, Arrêt du 9 octobre 2013 (E-2093/2012)
(3)   OSAR, communiqué de presse du 4 septembre 2012

Angèle Bilemjian

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