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Notre regard

Sinaï (Egypte) | Trafic d’êtres humains

Données socio-démographiques

Pays: Egypte
Superficie: 61000 km2
Population: 500 000 personnes environ
Langues: arabe égyptien et dialectes bédouins
Villes: Charm-el-Cheikh et Taba

Les migrants africains à travers les Sinaï

Depuis 2008, une nouvelle route migratoire s’est développée entre l’Afrique de l’Est et le Moyen-Orient. Selon certaines sources, le Traité d’amitié entre l’Italie et la Libye de 2009 a conduit une partie des migrants et réfugiés à chercher à fuir vers Israël, en passant par le Sinaï.

Environ 60’000 migrants africains - majoritairement d’Erythrée et du Soudan - sont arrivés en Israël à travers le Sinaï depuis 2008. Il n’y a pas d’estimations précises quant au flux total de personnes traversant le désert du Sinaï, ni du nombre d‘otages. Mais selon l’ONG «Physicians for Human Rights», 52% d’entre-eux ont été sujets à des violences et d’autres formes de torture dans le Sinaï. Les survivants y ont été gardés en otage en moyenne pendant 140 jours et ont payé jusqu’à 40’000 dollars pour être libérés. Plus de la moitié de ces rescapés sont des femmes, et plus de la moitié des femmes affirment avoir été violées.

Dès 2009-2010 des témoignages ont commencé à circuler sur des prises d’otages et trafics de réfugiés érythréens à la frontière érythréenne, dans des camps de réfugiés du Soudan ou lors de la traversée du Sinaï, en Egypte. Les réfugiés sont soit enlevés par les trafiquants directement dans les camps, soit vendus par les passeurs aux trafiquants bédouins qui opèrent dans le Sinaï. La tribu Rashaida, une population arabe et nomade avec des liens dans l’Est du Soudan et en Egypte, est impliquée dans l’enlèvement, le transport et la vente de réfugiés érythréens. Selon le UN Monitory group on Somalia and Eritrea le gouvernement érythréen joue forcément un rôle dans ce trafic, par ses liens avec la tribu Rashaida. Ces mêmes réseaux sont activés pour passer des armes dans la bande de Gaza.

Les trafiquants battent et torturent les réfugiés jusqu’à obtenir de juteuses rançons. Les prisonniers sont brûlés, battus, soumis à des chocs électriques alors qu’ils sont au téléphone avec leurs familles. Objectif : terroriser celles-ci afin qu’elles transfèrent immédiatement l’argent de la libération. Selon le Haut Commissaire aux Réfugiés, Antonio Guterres, les otages dont la rançon n’a pas été payée sont parfois tués et leurs organes vendus. Il y a un an, la presse israélienne s’est faite l’écho de l’existence de camps de torture dans le Sinaï où étaient retenus des centaines de réfugiés.

La péninsule égyptienne du Sinaï est semi-autonome, avec un pouvoir politique et légal limité. Elle est restée sous le contrôle des Bédouins, les forces égyptiennes n’étant pas en mesure ou ne voulant pas intervenir pour faire appliquer la loi. La chute de Moubarak en février 2011 a destabilisé la région. Suite à des attaques armées, les troupes militaires égyptiennes se sont redéployées dans la péninsule. Mais plutôt que de poursuivre les trafiquants - sanctionnés par des peines légères, voire libérés -  elles s’en sont prises aux réfugiés. Des Soudanais et des centaines d’Erythréens victimes de trafic ou de torture ont ainsi été refoulés.

Lorsqu’ils arrivent à échapper à leurs ravisseurs, les réfugiés se trouvent face à un nouveau défi : l’entrée en Israël.  (à suivre dans notre prochaine édition)

Theodore Baird

Sources de l’article:

Dossier réalisé par Theodore Baird, post-doctorant à l’Université VU d’Amsterdam. Durant l’été 2012 il a effectué des recherches sur le trafic d’êtres humains depuis l’Afrique de l’Est.

Voir aussi: