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Notre regard

Soudan | Un pays fréquentable?

 

En plus d’être un pays de départ, le Soudan est un pays de transit inévitable pour les migrants originaires d’Afrique de l’Est. Selon le HCR, 125’530 Érythréens et 101’440 Sud-soudanais se trouvaient au Soudan fin 2015. Pour certains, ce pays est une étape vers l’Égypte ou la Libye, à partir desquels certains tenteront de se rendre en Europe. Une perspective qui inquiète les pays européens, dont la Suisse, qui tentent par tous les moyens d’empêcher les migrants et les réfugiés d’approcher de leurs frontières.

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Des projets de coopération pas tout à fait désintéressés

Autrefois mis au ban de la communauté internationale, le Soudan pourrait devenir un partenaire incontournable du processus d’externalisation de la politique migratoire européenne. En avril 2016, Neven Mimica, Commissaire européen à la coopération internationale et au développement, a annoncé un financement spécial de 100 millions d’euros destiné à «combattre l’instabilité et remédier aux causes profondes de la migration irrégulière et des déplacements forcés.» Une rallonge aux 40 millions d’euros du fonds fiduciaire d’urgence débloqué dans le cadre du processus de Khartoum. Celui-ci vise à améliorer la gestion de la migration  dans la région de la Corne de l’Afrique par, entre autres, des campagnes de sensibilisation cherchant à dissuader les candidats à l’exil, le renforcement des capacités de «gestion des frontières», et le renvoi  -sous couvert de « réintégration » - des réfugiés vers les pays d’origine.

En contrepartie, le Soudan a modifié son code pénal pour rehausser les peines de prison applicables pour traite d’êtres humains et a confié aux Forces de soutien rapide (RSF) la mission de surveiller les frontières. Créées en 2013 et placées sous l’autorité des services de renseignements (NISS), ces paramilitaires sont issus des milices janjawids, émanant de groupes nomades arabisés levés par le gouvernement pour combattre l’insurrection antigouvernementale au Darfour. De l’aveu même de l’UE, il existe un risque que l’équipement et les entrainements fournis soient détournés à des fins répressives.

Un pays fréquentable?

De fait, le Soudan refoule régulièrement des réfugiés érythréens vers leur pays d’origine où ils risquent la persécution, la torture ou toutes autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Selon le HCR, au moins 313 Érythréens ont été arrêtés le 6 mai 2016, puis condamnés pour entrée illégale avant d’être expulsés vers l’Érythrée. La coopération Soudan-UE en matière migratoire est d’autant plus problématique que la situation des droits humains au Soudan est catastrophique.

La situation des droits humains au Soudan   

Omar al-Bashir, Sommet de l’Union africaine, 2009. Il est le premier chef d’Etat en exercice à faire l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale. Image: wikimedia.

Le Soudan est dirigé par Omar El-Bechir depuis son coup d’État en 1989. Ce dernier a été réélu en avril 2015 pour un cinquième mandat en dépit du boycott de l’ensemble de l’opposition. Le Darfour, comme les provinces du Kordofan du Sud et du Nil bleu, continuent d’être en proie à des affrontements armés entre différentes forces rebelles et l’armée soudanaise épaulée par les RSF.

Darfour. En 2003 ont eu lieu les premières attaques rebelles contre les forces gouvernementales. Celles-ci ont réagi en s’appuyant notamment sur les milices janjawids. La répression généralisée s’est caractérisée par des violences visant les civils et une politique de destruction systématique de villages. Cette crise a fait plusieurs dizaines de milliers de morts et plus d’un million de déplacés. C’est dans ce contexte qu’Omar El-Bechir est devenu le premier chef d’Etat en exercice à faire l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI). Même si le conflit a diminué en intensité, l’opération « Été décisif » de décembre 2014 menée par les RSF s’est soldée par des opérations punitives contre les populations accusées de soutenir les groupes d’opposition armés.

Liberté d’expression et droit de réunion pacifique. Les Services nationaux de renseignements et de sécurité (NISS) harcèlent régulièrement des universitaires contestataires et censurent de manière arbitraire certains médias. Certains journalistes – ceux dénonçant des cas de corruption et de violations des droits humains ou la situation dans les zones de conflit ‑ ont également fait l’objet de mesures de représailles. En octobre 2016, une manifestation contre les expropriations massives de terres agricoles prévues par le gouvernement a été réprimée par les forces de sécurité dans les environs de Khartoum. Le gouvernement soudanais se fonde aujourd’hui sur une loi relative aux terres non inscrites au cadastre de 1970 pour faciliter l’accaparement de terres pastorales au profit d’investisseurs étrangers.

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Données socio-démographiques

République du Soudan
Capitale: Khartoum
Population: 39,3 millions d’habitants (Banque mondiale)
Langues officielles: arabe et anglais
Religion(s): Islam (96,7%), Christianisme (3%), religions traditionnelles
Groupes ethniques: Arabe (approximativement 70%), Fur, Beja, Nuba, Fallata

Nombre de réfugiés sur le territoire en 2015: 460’000 (HCR)
Nombre de réfugiés soudanais au Tchad en 2015: 377’480 (HCR)
Nombre de déplacés internes: 2’174’000 (HCR)

Statistiques suisses 2015 

Nouvelles demandes: 277
Cas réglés: 183 dont :
Décisions sur le fond:  Asile: 11 – Admissions provisoires: 10 – Rejet: 38
Reconnaissance du besoin de protection après examen sur le fond: 36%
Le Secrétariat d’Etat aux migrations inclut les décisions de Non entrée en matière (NEM) et aboutit à un taux de protection de 13%
Non entrée en matière (NEM): 102 dont 95 NEM Dublin
Renvois vers le Soudan: 5

Alexis Thiry

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