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Notre regard

Turquie | Dérive autoritaire [2016]

Capitale : Ankara

Langue officielle : Turc

Population : 77 824 800 habitants

Président : Recep Tayyip Erdogan

Premier Ministre : Binali Yildirim

Nombre de réfugiés syriens en Turquie selon le HCR : 2,75 millions (mai 2016)

Statistiques suisses 2015 concernant les demandes d’asile de ressortissants turcs

Nouvelles demandes : 424
Cas réglés : 513, dont:
Décisions positives:
Octroi asile : 213 – Admissions provisoires : 59
Décisions Négatives (rejet) : 136
Non entrée en matière (NEM) : 74 (dont 71 NEM Dublin)
Renvoi vers pays d’origine : 57

Droit d’asile en Turquie

Lorsqu’elle signe la Convention de Genève en 1967, la Turquie limite son application aux réfugiés venant d’Europe. Les demandeurs d’asile non-européens, autrement dit l’immense majorité, peuvent obtenir un statut de réfugié conditionnel (s’ils remplissent les critères de la Convention de 1951) ou une protection subsidiaire (similaire à la protection subsidiaire européenne) n’offrant que des droits restreints et peu de perspective d’intégration. La Turquie accorde par ailleurs une protection temporaire aux personnes fuyant la Syrie qui leur garantit un droit de séjour et l’accès à certains droits et services, notamment aux soins de santé gratuits. En dehors des ressortissants syriens renvoyés des îles grecques après le 20 mars (accord UE-Turquie), aucun réfugié n’a la garantie de retrouver le statut qu’il avait en Turquie avant de la quitter. Ces deux types de statuts sont précaires et temporaires.

Turquie: dérive autoritaire

istanbul
Photo: Alberto Campi

Fondé en 2001 par Erdogan, le Parti de la justice et du développement (AKP) accède au pouvoir l’année suivante. Erdogan devient premier ministre en 2003. Il le reste durant trois mandats, jusqu’en 2014 où il est élu président. En juin 2015, les élections législatives retirent à l’AKP la majorité au Parlement. Habitué à gouverner sans opposition, le parti convoque de nouvelles élections et emporte la majorité. L’actuel projet de modification de la constitution, soutenu par Erdogan, cherche à étendre les pouvoirs d’un président habitué à gouverner sans contre-pouvoir. Ces dernières années ont été émaillées d‘actes témoignant d’un autoritarisme croissant visant l’armée, le monde académique, les tribunaux, la presse.

UNIVERSITAIRES Des poursuites judiciaires pour « terrorisme » ont été menées à l’encontre des 1128 signataires d’une pétition appelant l’État à cesser les violences envers les Kurdes. Quatre enseignants ont été arrêtés, 33 licenciés. Sous la menace, une vingtaine de chercheurs en ont retiré leur nom et plusieurs se sont exilés. Un projet de loi vise à museler les milieux académiques.

QUESTION KURDE Alors qu’un processus de paix fragile entre les autorités turques et le mouvement kurde se maintenait depuis 2013, une nouvelle flambée de violence frappe la région depuis l’été 2015. La répression de l’État envers le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, interdit par le gouvernement) s’est renforcée. La Turquie a également durci le ton à l’égard de l’État islamique. Un mouvement avec lequel elle fut accusée d’ambiguïté et de complaisance, et en qui elle aurait pu voir un allié favorable à la chute du régime Assad ainsi qu’un opposant aux forces kurdes.

LIBERTÉ DE LA PRESSE Des ambiguïtés difficiles à mettre en lumière pour des journalistes mis au pas par le gouvernement. Plusieurs chaînes ont été retirées du réseau satellite. Des opérations policières musclées dans nombre de rédactions ont été menées pour y installer des éléments pro-régime, faisant reculer la Turquie au 151e rang (sur 180) dans le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières. Mi-avril, alors que l’UE négociait avec la Turquie son fameux accord, Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, constatait: «Le respect des droits de l’homme s’est détérioré à une vitesse alarmante ces derniers mois dans le contexte de la lutte contre le terrorisme en Turquie.»

ANOUK PIRAUD

 

A lire aussi dans le numéro 158 de notre revue:

Accord UE-Turquie | Un parfum de peau de chagrin

Pour en savoir plus :

– Amnesty International, Rapport 2015/2016, chapitre Turquie

– Human Rights Watch, communiqués sur l’accord et ses conséquences ici et ici, notamment, vidéos de réfugiés syriens tués à la frontière turque, mars-mai 2016

– HCR, communiqués sur l’accord et ses conséquences, considérations légales, mars-mai 2016

– ECRE: «The DCR/ECRE desk research on application of a safe third country and a first country of asylum concepts to Turkey», mai 2016

– Asylum Information database (AIDA): Asylum Context in Turkey, 2016