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Préjugés

3. Quelques chiffres et leur interprétation

3.1. Statistiques liées au monde du travail

Le taux d’emploi des personnes relevant du domaine de l’asile en Suisse

Les statistiques montrent qu’au bout de 10 ans de séjour en Suisse, le taux d’emploi des personnes admises provisoirement atteint 25%, celui des réfugiés statutaires 48%, et celui des cas de rigueur* 61% (Conseil fédéral, « Asile. Statistique des autorisations de séjour pour cas de rigueur« , Rapport du Conseil fédéral en réponse au postulat du groupe libéral-radical du 24 septembre 2013, 30.06.2014, p. 6).

* Cas de rigueur: délivrance d’une autorisation de séjour dans les cas individuels d’une extrême gravité (autorisation de séjour pour cas de rigueur). Afin d’octroyer une autorisation de séjour pour cas de rigueur, l’autorité tient compte de l’intégration du requérant; de son respect de l’ordre juridique suisse; de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité de ses éventuels enfants; de sa situation financière de même que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation; de la durée de sa présence en Suisse; de son état de santé et, enfin, des possibilités de réintégration dans l’Etat de provenance. (source:Asile. Statistique des autorisations de séjour pour cas de rigueur)

Une étude, mandatée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2012, montre que, en Suisse, alors que « les personnes qui ont immigré pour des raisons humanitaires ont en général un niveau d’instruction plus faible que les autres migrants, elles enregistrent néanmoins un taux d’activité relativement élevé, en particulier lorsqu’elles sont peu instruites » (v. graphique ci-dessous):

(Source: Liebig, et al., 2012,"L’intégration des immigrés et de leurs enfants sur le marché du travail en Suisse", Documents de travail de l’OCDE sur les affaires sociales, l’emploi et les migrations, n° 128, Éditions de l’OCDE, p.47)
(Source: Liebig, et al., 2012, »L’intégration des immigrés et de leurs enfants sur le marché du travail en Suisse », Documents de travail de l’OCDE sur les affaires sociales, l’emploi et les migrations, n° 128, Éditions de l’OCDE, p.47)

Selon cette étude de l’OCDE, un des principaux problèmes que les personnes venues en Suisse pour des raisons humanitaires rencontrent dans le monde du travail est « l’importance du chômage de longue durée et le fait qu’ils occupent souvent des postes pour lesquels ils sont surqualifiés ». Une personne sur deux seraint dans ce dernier cas de figure. Pour ce groupe de groupes de personnes se posent donc la question de la possibilité de transférer et de faire reconnaître les qualifications acquises à l’étranger est fondamentale (Liebig, T. et al., 2012, »L’intégration des immigrés et de leurs enfants sur le marché du travail en Suisse« , Documents de travail de l’OCDE sur les affaires sociales, l’emploi et les migrations, n° 128, Éditions de l’OCDE).

En général, « les emplois des requérants d’asile sont faiblement rémunérés. Ils fournissent le travail que d’autres ne seraient pas prêts à effectuer, compte tenu de leur précarité » (source: Daniel Eskenazi, « L’asile rapporte 1 milliard à l’économie suisse« , Bilan, 01.05.2003).

Une émission du Magazine télévisé Carrefours a été consacré à l’insertion professionnelle des réfugiés (16.09.2014), vous pouvez la visionner sur YouTube en cliquant ici.

Ces mesures et projets s’ajoutent à un autre instrument, introduit en Suisse en 2008, les « forfaits d’intégration« , régis par l’Ordonnance sur l’intégration des étrangers. Il s’agit de mesure non-spécifiques aux personnes relevant du domaine de l’asile, mais dont ces dernières peuvent bénéficier. Depuis 2008, l’État fédéral octroie aux cantons un forfait d’intégration de 6000 CHF par réfugié reconnu ou personne admise à titre provisoire, affecté à « l’insertion professionnelle et à l’acquisition d’une langue nationale ». Les cantons utilisent ces fonds, d’une part pour apporter un soutien général aux programmes et mesures et, d’autre part, pour prendre en charge les frais de participation des bénéficiaires individuels. Le budget fédéral consacré au forfait d’intégration s’est élevé à 31 millions CHF en 2009 et à 56 millions CHF en 2010 (Liebig, T. et al. (2012), »L’intégration des immigrés et de leurs enfants sur le marché du travail en Suisse« , Documents de travail de l’OCDE sur les affaires sociales, l’emploi et les migrations, n° 128, Éditions de l’OCDE, p.48).

Disparités cantonales

Un article écrit par Selina Stucki et publié sur swissinfo.ch en juin 2014 met en avant le fait que les stastiques de l’asile montrent « qu’il existe des différences frappantes selon les cantons en ce qui concerne l’autorisation d’accès des requérants au marché du travail. Alors qu’un requérant apte au travail sur trois exerce une activité dans les Grisons, cette proportion n’est plus que d’un sur cinquante à Berne et à Bâle et même totalement nulle dans le canton du Jura ».(Selina Stucki, « Pas tous égaux devant le droit de travailler« , swissinfo.ch, 01.06.2014)

Stucki met en avant le fait que les cantons utilisent de façon différente la marge de manoeuve qui leur est laissée par la législation suisse en la matière. En effet, comme elle le souligne, il existe en Suisse une préférence nationale à l’embauche stipulant qu’il faut donner la priorité à des personnes venant de Suisse ou d’un pays membre de l’Union européenne ou de l’Association européenne de libre-échange. Et si cela est pris à la lettre par les cantons, il devient presque impossible pour un requérant d’asile de trouver un travail.

D’autres éléments peuvent entraver l’insertion professionnelle des personnes relevant du domaine de l’asile:

  • Les cantons peuvent également prolonger l’interdiction de travail initiale de trois mois supplémentaires;
  • Des embûches indirectes, comme de longs délais pour l’octroi d’une autorisation de travail, des autorisations valables uniquement dans certaines branches ou encore des retenues salariales contractuelles sont aussi des moyens de rendre l’accès au marché du travail plus difficile.

(Selina Stucki, « Pas tous égaux devant le droit de travailler« , swissinfo.ch, 01.06.2014)

Ce que l’intégration dans le monde du travail des réfugiés rapporte à l’économie suisse

Une étude datant de 2003 menée par Daniel Eskenazi et publiée dans le journal Bilan a mis en avant les bénéfices que l’économie suisse tire des réfugiés qui ont obtenu un droit de travailler. Nous vous proposons de lire ci-dessous un extrait de l’article:

« La Confédération, et les Suisses indirectement ou directement, tire de réels bénéfices de la part des requérants, plus particulièrement des demandeurs qui ont obtenu provisoirement le droit de travailler. De la masse salariale globale de ces derniers, qui représente un montant annuel de 468 millions de francs, l’Etat en prélève déjà près de 30 millions à titre d’impôts à la source. Toujours de cette masse salariale, il en retire encore 23,6 millions pour l’AVS, l’AI et l’assurance perte de gains. Une retenue qui ne profite, en réalité, qu’à la population suisse. Les requérants d’asile n’ont pas le réflexe de récupérer leurs cotisations. Le départ de Suisse doit être confirmé. De plus, le remboursement ne s’effectue qu’à la condition que leur pays d’origine ne soit pas lié à la Suisse par une convention de sécurité sociale. Globalement, les requérants d’asile sont rentables au niveau des assurances sociales, explique Beatrix de Cupis, cheffe de secteur a l’Office fédéral des assurances sociales. Autre exemple de profit par défaut: les surplus payés par les requérants pour couvrir leurs frais d’assistance. Des frais pour lesquels la Confédération retient 10% sur leurs salaires, soit 46,8 millions de francs. Comme la plupart des demandeurs d’asile quittent la Suisse sans laisser d’adresse, ces montants dorment dans les comptes de l’Etat. Et la somme n’est pas minime. Selon Yves Brutsch, porte-parole du secteur réfugiés du Centre social protestant a Genève, ce sont 234 millions qui n’ont pas été récupérés jusqu’en juin 2001. Et rien n’indique que la situation a évolué depuis. Ce n’est pas tout. L’assurance chômage a aussi prélevé sa part, 5,8 millions. Et les entreprises privées ont également perçu la leur, 17,5 millions, pour leurs caisses de pension. Une somme que la plupart des requérants ne pensent pas non plus a reprendre quand ils sortent du pays. Ainsi, la Confédération a perçu un montant total de 106,2 millions de francs d’assurances sociales et d’impôts à la source sur les salaires des requérants d’asile actifs ». (Daniel Eskenazi, « L’asile rapporte 1 milliard à l’économie suisse« , Bilan, 01.05.2003).

Les suites de la votation du 9 février 2015

Dernièrement, suite également aux résultats des votations du 9 février 2014 dans lesquelles les citoyennes et citoyens suisses ont voté pour l’initiative lancée par l’UDC « contre l’immigration de masse« , des initiatives ont été prises pour favoriser l’intégration dans le marché du travail des personnes relevant du domaine de l’asile.

Dialogue CTA integrationEn janvier 2015, la Conférence tripartite sur les agglomérations (CTA) sur l’intégration « Travailler – Donner sa chance, saisir sa chance » ont annoncé leur volonté de renforcer le recrutement de main-d’œuvre indigène, en y incluant la population migrante vivant déjà en Suisse. La meilleure intégration de réfugiés et de personnes admises à titre provisoire sur le marché du travail est l’un des deux axes prioritaires identifiés par la CTA (communiqué de presse du Secrétariat d’Etat aux migrations du 26 janvier 2015 et Bilan intermédiaire 2013-2014 et axes de travail 2015-2016).

Dans ce sens, l’Office fédéral des migrations et l’Union suisse des paysans ont lancé un projet-pilote de trois ans (2015-2018) visant l’intégration de réfugiés dans le monde du travail de l’agriculture. A l’heure actuelle, dix exploitations y participent dans toute la Suisse. Le projet doit permettre de définir en trois ans les conditions cadre nécessaires et les facteurs de succès à réunir pour toutes les parties prenantes (exploitations, réfugiés, autorités cantonales). Le salaire brut versé le premier mois s’élève à 2300 francs suisses. A partir du deuxième mois de travail, les employeurs versent aux réfugiés le salaire minimum fixé dans le contrat-type de travail, qui se monte à 3200 francs dans la plupart des cantons. Les exploitations pilotes reçoivent 200 francs par mois à titre de dédommagement pour les démarches administratives supplémentaires liées à l’évaluation du projet. A cela s’ajoute une indemnisation forfaitaire de 200 francs réservée aux exploitations où la main-d’œuvre est nourrie et logée sur place.

La presse a également relayé des informations à ce sujet:

Début 2015, la Croix-Rouge suisse a également lancé un projet, appuyé par l’ODM, dans le cadre de la formation au métier d’auxiliaire de santé qu’elle propose. Elle entend, par ce biais, intégrer sur le marché du travail les migrants déjà établis en Suisse, et notamment les réfugiés reconnus et les personnes admises à titre provisoire.