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Notre regard

Solidarité | « Personne ne voudrait vivre à Chiasso ! » Vraiment ?

Daniela Cavadini

Des difficultés rencontrées par des habitant·es du sud du Tessin face à l’arrivée de personnes migrantes et réfugiées ont été abondamment rapportées dans les médias. Un groupe de citoyen·nes de la région s’est questionné sur le bien-fondé de cette avalanche de faits négatifs. Et se mobilise. Daniela Cavadini a participé à cette réflexion.

Sara Ashrafi

Depuis cet été, Chiasso fait parler d’elle. En cause: la présence d’exilé·es engendrant un problème de cohabitation décrit comme grave et menaçant pour les habitant·es de la ville, particulièrement depuis l’annonce de l’accueil de 600 personnes dans les trois centres fédéraux (CFA) de la région. « Beaucoup trop ! » notamment pour Chiasso, où fait rage depuis des mois une propagande politique, dure et discriminatoire envers les demandeur·euses d’asile alors que ce sont elles et eux qui devront vivre dans ces centres, dans des conditions difficiles entre surpeuplement et isolement.

Des infractions ont eu lieu au centre-ville ainsi que plusieurs interventions de la police liées à la présence de personnes migrantes. Sur ces faits, les émissions et les articles se sont succédés dans les médias pour dépeindre une situation explosive et décrire les requérants d’asile comme des criminels, des voleurs… et des faux réfugiés. Les habitant·es de Chiasso se sentiraient maintenant en danger, auraient peur de sortir le soir, les mamans craindraient de fréquenter les parcs de jeux avec leurs enfants…

Précisons que ce battage médiatique avait lieu au moment où la campagne aux élections fédérales battait son plein et que la question de la migration était largement instrumentalisée par certains partis. Des politicien·nes ont même affirmé qu’à cause de la présence de (trop) nombreux réfugié·es, « Personne ne voudrait vivre à Chiasso !» Dans les faits, seule une vingtaine de requérant·es est présente chaque jour au centre-ville.

Un groupe d’ami·es, indigné·es et choqué·es par cette surenchère, s’est alors réuni pour donner une réponse autre que le rejet et la haine. Mais également, vérifier et comprendre ce qui se passe réellement pour ensuite proposer des initiatives sociales, humaines et communautaires favorisant l’intégration et le vivre ensemble. Au contraire des modèles répressifs qui préconisent davantage de police, de contrôles et des lois plus sévères.

La première idée a été de procéder à une enquête sociologique. L’intérêt de cette démarche était d’aller vers les gens, s’intéresser à leur opinion, les écouter, dialoguer autour d’une réflexion et d’entendre leurs propositions pour améliorer la situation. Ce fut une expérience intéressante à laquelle j’ai moi-même participé.

L’analyse des résultats est encore en cours, mais certains éléments peuvent déjà être avancés. La plupart des personnes interviewées ne sont pas en contact direct avec les personnes migrantes. Très peu parmi elles ont réellement peur ou se sentent en danger. Il en ressort que l’influence des médias a été déterminante pour la création de ce climat de méfiance et d’angoisse.

Entre temps, le petit groupe de départ s’est élargi. Il se nomme maintenant « Mendrisiotto regione aperta (MRA) » et se constituera le 12 décembre en association.

Des habitant·es agissent pour un accueil digne

Plusieurs initiatives ont déjà été mises en place:

  • une manifestation dans les rues de Chiasso organisée avec le Collectif R-Esistiamo et Il Molino revendiquant de meilleures conditions d’accueil pour les réfugié·es;
  • des rencontres et moments d’échanges avec les requérants devant le CFA de Chiasso;
  • des rencontres sportives entre personnes migrantes et clubs sportifs de la région;
  • un débat public avec Don Giusto, curé de Ribbio, paroisse italienne qui accueille les exilé·es dont de nombreuses et nombreux mineur·es non accompagné·es en procédure d’asile (RMNA);
  • une soirée avec Sumaila, écrivain malien qui a raconté son parcours de migrant;
  • des prises de contact avec les responsables des CFA pour envisager des collaborations, notamment des cours et des activités pour les jeunes RMNA;
  • le 6 novembre 2023, une délégation de Mendrisio regione aperta a remis à la Conseillère fédérale Élisabeth Baume- Schneider une lettre dénonçant les conditions d’accueil des CFA, demandant davantage de personnel qualifié apte à suivre avec sensibilité et empathie les personnes hébergées ainsi qu’une meilleure transparence sur ce qui se passe à l’intérieur;
  • en réponse à la lettre remise à Madame Baume-Schneider, le coordinateur de MRA est invité à la prochaine réunion du Groupe d’accompagnement qui réunit les communes de Chiasso, Balerna et Novazzano (sur le territoire desquelles se trouvent les CFA), les représentant·es du SEM et des cantons. Lors de ces rencontres sont traitées les questions concernant le fonctionnement des CFA et la sécurité. Il serait nécessaire d’élargir la participation à toutes les communes de la région ainsi qu’aux représentant·es de la société et des associations.

D’autres projets sont en cours: interventions dans les écoles, collaborations avec les communes pour proposer des travaux d’utilité publics…

MRA souhaite développer son action afin d’offrir des conditions de vie dignes et un meilleur accompagnement aux personnes migrantes. Leur présence dans le Mendrisiotto n’est pas uniquement un problème d’ordre public, mais concerne justement la politique d’accueil et leur intégration sociale.

Personne de contact pour MRA

Willy Lubrini, willy.lubrini@me.com