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Emploi

SINGA. L’entrepreneuriat, une alternative à explorer

ELODY DE BRITO
Directrice de SINGA Suisse

Face aux difficultés d’accès à un emploi stable rencontré par de nombreuses personnes réfugiées en Suisse, lancer sa propre entreprise peut être une voie offrant des perspectives d’inclusion socioprofessionnelle durables, estime Elody de Brito, directrice de l’association SINGA Suisse. Celle-ci gère un incubateur soutenant l’entrepreneuriat des personnes concernées, parfois en les recalibrant et en les adaptant aux réalités économiques locales. [réd.]

De nombreuses personnes réfugiées en Suisse ont des difficultés à trouver leur place sur le marché du travail. Et pour cause: entre l’apprentissage de la langue locale, le manque de reconnaissance des diplômes, la confiance professionnelle à reconstruire et leur statut d’asile, décrocher un emploi est un vrai parcours du combattant. À fin novembre 2023, 70% des réfugié·es et 50% des titulaires d’une admission provisoire étaient sans activité lucrative. Selon les cantons, ce taux est encore plus bas. Le taux d’emploi des personnes réfugiées (permis B et F confondus) en âge de travailler à Genève est même le plus bas de Suisse avec 80% de personnes sans emploi (SEM, 2023).

« Pour les personnes formées ou hautement qualifiées issues de l’asile, les opportunités existantes restent rares et ne sont souvent pas à la hauteur de leurs expériences passées ou ambitions. Créer son entreprise permet donc de valoriser ses compétences, reprendre confiance et développer un réseau professionnel. Pour certain·es, cela représente la seule manière de devenir indépendant financièrement face à un marché du travail rigide et encore mal informé quant à l’emploi des personnes réfugiées. »

SINGA soutient les personnes réfugiées et migrantes qui souhaitent développer leur idée d’entreprise en Suisse depuis 2017 à travers plusieurs programmes innovants. Une quarantaine d’entreprises ont déjà été fondées. SINGA connecte les entrepreneurs avec un réseau de plus de 400 experts, facilitateurs d’ateliers et mentors issus de grandes entreprises telles que Deloitte et Simon & Kucher, mais aussi des PME et des entrepreneurs locaux.

Ces contacts avec l’équipe de SINGA et avec ces professionnel·les permettent le développement d’un savoir-faire et un transfert de compétences dans certains domaines pointus… Parfois, la personne réévalue son projet, voire y renonce. Deux personnes sur dix trouvent chaque année un emploi durant leur participation à l’incubateur, qui est désormais reconnu comme programme d’importance nationale par le Secrétariat d’État aux migrations. Les emplois décrochés sont d’ailleurs souvent à la hauteur des compétences de la personne et plus qualifiés que les postes auxquels elles pouvaient prétendre précédemment.

Pour participer à l’incubateur SINGA, les personnes issues de l’asile intéressées doivent avoir un permis F, B réfugié ou statut S, avoir une connaissance du français et/ou de l’anglais de niveau B1, un projet et le temps à disposition pour la mettre en place. Sur trois mois, il faut compter plus de 15h par semaine entre les ateliers, le mentorat et l’étude de marché.

TÉMOIGNAGES

Pour Vithursan Sivapalan, Davut Okcu et Georgia Al Zahr, créer leur entreprise a été un moyen de gagner leur indépendance financière, de reprendre confiance et d’ouvrir leur réseau professionnel, mais aussi d’apporter leur contribution à la société (lire ci-dessous). Tous trois étaient à l’aide sociale lorsqu’ils ont participé à l’incubateur de SINGA.

Par Elody de Brito, Directrice de SINGA Suisse

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Vithursan Sivapalan a rejoint SINGA en 2022 pour créer sa propre entreprise de cadeaux personnalisés SIVA à Genève. Pendant son étude de marché, il a trouvé du travail dans son domaine de compétences (employé de commerce). Cela faisait plusieurs années qu’il cherchait un emploi. Il continue parallèlement à s’investir dans le développement de son propre projet.

Quel a été ton parcours avec SINGA ? Qu’as-tu le plus apprécié dans cette collaboration ?

Lors des sessions avec SINGA, j’ai beaucoup appris des conseils d’experts: comment créer une entreprise en Suisse, les formes juridiques et des outils comme le business plan ou comment faire un prévisionnel financier. Le mentorat est ce que j’ai le plus apprécié: avec mon mentor on se voyait une fois par semaine. Cela m’a donné envie d’avancer, encouragé à mettre en place quelque chose de nouveau entre chaque séance. Ses conseils m’ont aussi été utiles lorsque j’ai eu des difficultés à prendre une décision. Sans SINGA, j’aurais sûrement laissé tomber mon idée.

Où en es-tu aujourd’hui? Quelles sont les prochaines étapes ?

Je continue à avancer sur mon projet d’entreprise: grâce à mon salaire, j’ai rapidement pu acheter deux découpes laser et une machine de sublimation pour réaliser des cadeaux personnalisés pour mes premiers clients. Je suis actuellement en train de préparer un nouveau catalogue et d’acheter des matières premières, essentiellement du bois et de l’acrylique. Début 2024, je vais publier mon site internet, démarcher des clients commerciaux (B2B) et inscrire mon entreprise au registre de commerce.

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Davut Okcu a rejoint l’incubateur SINGA en 2022 à Zurich avant de fonder son entreprise Altech la même année. Altech fournit des cadres en aluminium de haute qualité en provenance de Turquie à des usines situées en Suisse, en Allemagne et en Autriche. Elle fournit tous les services localement, de la préparation de la commande à la livraison. En 2023, il a commencé à faire du chiffre d’affaires.

Comment as-tu décidé de créer ton entreprise et quel a été ton parcours avec SINGA?

J’étudiais /je travaillais dans l’une des meilleures universités techniques de Turquie, mais j’ai dû fuir mon pays avec ma famille parce que nous ne pouvions pas exprimer librement nos opinions. Je suis reconnaissant à la Suisse de nous avoir accueillis. En tant que réfugié, j’ai dû démarrer une nouvelle vie. Dès que j’ai obtenu mon permis de séjour en 2020, mon but a été de gagner mon indépendance financière.

En tant qu’ingénieur, je voulais évoluer dans le secteur de l’aluminium. Alors que j’essayais de trouver comment réaliser mon idée, j’ai rencontré SINGA. Une étape importante car pour la première fois, j’ai compris que mon idée pouvait être réalisée, et cela a tout changé. J’ai beaucoup appris sur l’entrepreneuriat lors des ateliers (le marketing, la segmentation, les assurances, le parcours client, les ventes, les aspects juridiques…) J’ai ensuite créé ma propre entreprise fin 2022.

Où en es-tu aujourd’hui?

Dans la vie, tout ne se passe pas comme prévu et il y a des moments difficiles. Il faut du temps et faire de grands efforts pour gagner de nouveaux clients dans l’industrie. Cependant, mon entreprise m’a permis de devenir indépendant. Je suis heureux d’apporter une petite contribution à l’économie suisse. 

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En 2022, Georgia Al Zahr a reçu le SINGA Award pour l’idée la plus prometteuse. Pendant sa participation à l’incubateur SINGA, elle a commencé à travailler dans le secteur de la gastronomie chez Cuisine Lab en tant que Catering Manager et est désormais sur le point de fonder sa propre entreprise, Georgia’s Bread.

Peux-tu nous en dire plus sur ton entreprise Georgia’s Bread et son histoire?

Georgia’s Brad offre des gâteaux équilibrés sur le plan nutritionnel, fabriqués à partir d’ingrédients de saison, sans sucre ajouté. Ils sont inspirés de recettes familiales, en particulier celles de ma mère. L’idée est née de mon besoin d’une vraie nourriture après mes entraînements de sport – et de nourrir mon envie de sucré sans me sentir coupable ! Mes recettes ont non seulement satisfait mes envies, mais ont également reçu des commentaires positifs de la part de mes amis. J’ai ensuite gagné en popularité, avec de premières ventes dans des salles de sport, des cafés et chez des particuliers.

Qu’est-ce que cela signifie pour toi de créer ta propre entreprise? Quels ont été tes plus grands obstacles ?

Créer ma propre entreprise en Suisse, c’est avoir le sentiment d’être reconnue et l’occasion d’apporter une valeur ajoutée. C’est contribuer de manière significative à la société et me présenter à travers un projet inspirant. La transition entre le statut d’admission provisoire (permis F) et l’obtention d’un permis B a été un défi important, plein d’incertitudes et d’instabilité, qui a affecté mes aspirations entrepreneuriales à la fois de manière négative et positive. Atteindre l’indépendance financière a été un autre obstacle, avec le coût élevé de la vie en Suisse. Malgré tout, l’expérience a été marquée par la croissance, la résilience et la volonté d’avoir un impact positif.

Qu’as-tu le plus apprécié dans ta collaboration avec SINGA ?

Le soutien mental et pratique qu’ils m’ont apporté dans tous les aspects liés à mon entreprise. Le fait que l’équipe croit en mon idée a renforcé ma confiance et mon énergie. J’ai beaucoup profité de leurs ateliers, qui couvraient de nombreux aspects tels que la gestion de projet, l’image de marque et l’étude de marché. L’accès que j’ai eu à un réseau diversifié m’a permis d’apprendre et de grandir progressivement. Dans les moments difficiles, SINGA m’a offert un soutien essentiel, en me procurant la force nécessaire pour surmonter les obstacles et finalement réussir.

D’autres histoires sont à découvrir sur le site de Singa .

Rejoignez le mouvement SINGA en 2024! Pour s’engager ou soutenir l’association, ou pour participer au prochain cycle d’incubateur, qui démarre en mars 2023, c’est ici :

www.singaswitzerland.ch / geneva@singaswitzerland.ch / Whatsapp au +41 77 526 31 78

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