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Documentation

InZone et Chahut Média | Les Podcasts « Voix d’Azraq »

Léa Jacquat pour le Journal de l’Unige

13 jeunes d’un camp de réfugié·es en Jordanie ont crée une série documentaire de 8 podcasts. Ils·elles y abordent la morosité du camp et la lutte contre la déprime omniprésente, la Syrie rurale d’avant la guerre et d’autres questionnements profonds. Si la prise de parole était déterminante dans leur réapprivoisement de leur identité, l’apprentissage des outils techniques d’interview, de montage et de son était aussi au coeur du projet. Voix D’Azraq émerge d’une collaboration entre Chahut Media et InZone.

Durant un atelier de formation aux podcast, dans le camp de réfugié-es d’Azraq. Photo: Chahut Média

Les voix d’Azraq

Une équipe d’InZone et de Chahut Média a dispensé une formation de création de podcasts dans un camp de réfugié-es en Jordanie en octobre 2023. Fruit de cet atelier, la série «Voices of Azraq» fait entendre pour la première fois la voix de ces jeunes.

Donner l’opportunité à des jeunes dans un camp de réfugié-es de faire entendre leur voix: tel est l’objectif d’une équipe composée de Lou Pisani et Emma Sebastiani du programme de l’UNIGE InZone, du journaliste David Brun-Lambert et de la productrice Carole Harari du studio de podcast genevois Chahut Média, qui ont organisé une formation de création de podcasts dans le camp de réfugié-es d’Azraq, en Jordanie. La formatrice et le formateur, accompagné-es des deux employé-es d’InZone, ont passé trois jours sur place en octobre 2023 pour transmettre leurs connaissances techniques. Cette aventure a débouché sur la série «Voices of Azraq»: huit épisodes, huit histoires.

Se réapproprier son identité
Le camp de réfugié-es d’Azraq est situé au milieu du désert de Jordanie et héberge près de 40 000 personnes ayant fui le conflit syrien. Il est administré par le Haut-Commissariat pour les réfugiés en coopération avec le gouvernement jordanien. La réinsertion sociale ne faisant pas figure de priorité, les jeunes qui y résident n’ont guère de perspectives d’avenir et aucun canal leur permettant d’exprimer ce qu’ils vivent au quotidien, puisqu’il n’existe ni radio ni journal dans l’enceinte du camp. « La thématique des personnes déplacées est omniprésente dans la sphère médiatique, observe Carole Harari. Elles y apparaissent cependant souvent en tant que catégorie, celle des réfugié-es, et non en tant qu’individus à part entière. »  En échangeant avec les participant-es, les formateurs et formatrices captent d’emblée cette volonté de se réapproprier leur identité. « Tu sais, Alep, c’était New York à l’époque », lance une jeune femme à la productrice.

À travers leurs yeux
En créant leurs podcasts, les 13 jeunes participant au projet ont eu la possibilité de décrire leur réalité à leur façon, avec leurs propres mots. Mais au-delà de cette prise de parole, l’objectif tient surtout dans la transmission d’outils techniques leur permettant de contrôler leur narration durant l’ensemble du processus de création. Technique d’interview, montage, son: l’apprentissage s’est déroulé très rapidement. Maîtrisant la grammaire digitale des réseaux sociaux actuels, les étudiant-es ont en effet absorbé rapidement une large quantité de connaissances. En trois jours, l’atelier donne ainsi naissance à huit podcasts.

Les thèmes qui y sont abordés varient. Maysoon et Batool racontent la morosité du camp et la lutte contre la déprime omniprésente. Abdallah évoque la Syrie rurale d’avant la guerre. Ayham partage sa passion pour la Champions League. Pourtant, un fil rouge se dessine au gré des épisodes, raconte David Brun-Lambert: « Les participant-es partagent tous et toutes le même besoin: celui de dire qu’ils et elles existent. »

Pour nourrir ces témoignages, les participant-es se sont interviewé-es mutuellement, sans le filtre occidental. Les questions abordées sont profondes et le propos d’une authenticité frappante. Face à la richesse de l’exercice, InZone et Chahut Média ont décidé de pousser le projet plus loin.

Former des reporters 
Chahut Média retournera donc en mars à Azraq afin de former des reporters. Quatre étudiant-es suivront un stage de journalisme dans le cadre d’un projet éditorial d’envergure. Leur mission? Raconter l’histoire du camp, qui comptera dix ans d’existence en 2024, à travers une série de podcasts dont la sortie est prévue pour septembre. « Une série documentaire enregistrée depuis l’enceinte même d’un camp de réfugié-es, cela n’a jamais été fait », explique David Brun-Lambert. En recueillant des souvenirs auprès des aîné-es, les stagiaires s’essaieront à un exercice complet mêlant interviews, traduction et production. Le projet vise à faire naître un cercle vertueux dans lequel le savoir-faire lié à la création de podcasts se partagerait au sein de la communauté. Et pourquoi pas voir émerger des productrices et producteurs indépendant-es, racontant à leur façon ce qu’est la vie à l’intérieur d’un camp.

Écouter la série «Voices of Azraq»

Garantir l’accès à l’enseignement supérieur dans des situations de conflit

InZone est un programme de l’UNIGE ayant pour mission d’offrir l’accès à l’éducation à des jeunes dans des situations de conflit. Il est actif dans trois camps de réfugié-es. Sur environ 800 étudiant-es participant au programme, 300 se trouvent à Azraq. C’est dans le cadre d’un cours de communication que le projet «Voices of Azraq» voit le jour. Nourrissant l’ambition d’ajouter un volet créatif et pratique à cet enseignement, InZone expose l’idée d’une formation de podcasts à Chahut Média, qui accepte sans hésitation. Pour les journalistes, c’est un projet concret qui permet de transmettre une histoire invisible à des dizaines de milliers de personnes. Équipée d’un matériel professionnel, l’équipe passe trois jours dans le camp d’Azraq pour partager ses connaissances techniques.