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Documentation

Coalition des juristes indépendant∙es | Recommandations pour une protection juridique efficace dans les Centres fédéraux

Actuellement, c’est trop souvent le hasard et la chance qui déterminent si les personnes ont accès ou non à une protection juridique efficace.

Coalition des juristes indépendant·es pour le droit d’asile

Un appel d’offres pour attribuer le mandat de la protection juridique dans le cadre des procédures d’asile a été lancé le 1er mars 2024 par la Confédération, qui ouvre ainsi à nouveau le « marché public » de l’aide juridique, jusqu’ici assurée par diverses oeuvres d’entraide dans les différentes régions de la Suisse. La Coalition des juristes indépendant∙es pour le droit d’asile, constituée d’associations actives dans la défense juridique et non-mandatées jusqu’ici par la Confédération, a publié lundi 18 mars 2024 une liste de recommandations aux autorités d’asile visant à garantir une protection juridique efficace et harmonisée sur toute le territoire helvétique.

Ses recommandations concernent tant le contenu du cahier des charges et des contrats de prestations que l’attribution par le SEM de ces mandats et sa responsabilité dans la mise en oeuvre par ces prestataires externes. Les recommandations sont basées sur l’évaluation externe menée par ces organisations juridiques de la procédure menée depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi en 2019.

Nous listons ci-dessous les principales recommandations qui sont détaillées dans le rapport (à télécharger)

Recommandations de la Coalition des juristes indépendant∙es pour le droit d’asile en vue du nouvel appel d’offres pour la protection juridique dans les centres fédéraux d’asile

18.03.24
La Coalition des juristes indépendant∙es pour le droit d’asile constate que la qualité de la protection juridique mandatée varie considérablement d’une région à l’autre. Il existe non seulement de fortes différences dans la gestion des mandats et les taux de recours, mais aussi une grande variation dans l’information et la communication avec les personnes requérantes d’asile.
Actuellement, c’est trop souvent le hasard et la chance qui déterminent si les personnes ont accès ou non à une protection juridique efficace. Ces différences s’expliquent par des différences régionales quant à l’organisation de la procédure d’asile par le Secrétariat d’État aux migrations (SEM), par exemple en matière de communication avec les différent∙es acteur∙ices ou de flexibilité quant au rythme de la procédure. Elles s’expliquent aussi par des conceptions différentes des prestataires de leur rôle et de leur approche, par un manque de coordination entre les différents prestataires et enfin par le manque de précision du cahier des charges des représentant∙es juridiques, notamment dans les procédures Dublin et accélérées.
La Coalition se prononce donc en faveur d’une définition plus concrète du cahier des charges et demande que soient prises en compte les expériences faites jusqu’à présent, au moment de l’attribution des mandat∙es et de la conception des contrats de prestations. À cet égard, en raison de l’augmentation du nombre de demandes d’asile et de l’incapacité des prestataires à faire face aux fluctuations, le report des demandes de prises en charge sur les organisations membres de la Coalition est de plus en plus fréquent. Et nos organisations sont principalement soutenues par des financements internes, des dons et par le travail bénévole. C’est pourquoi une protection juridique efficace doit être garantie dans toutes les régions d’asile. C’était d’ailleurs la promesse de la nouvelle procédure d’asile au moment de sa mise en œuvre.


Recommandations concernant le cahier des charges des prestataires et les contrats de prestations:

  1. Fixer une durée minimale d’une heure pour les premiers entretiens des personnes requérantes d’asile avec leur représentation juridique (RJ).
  2. Obliger la RJ à être présente à toutes les étapes importantes de la procédure, notamment au premier entretien et lors des entretiens Dublin, ainsi que lors des auditions. S’assurer qu’en cas d’empêchement ou de non-présence de la RJ, les étapes correspondantes de la procédure soient reportées.
  3. Éviter les changements de main : il doit y avoir au maximum deux représentant∙es juridiques par personne requérante d’asile.
  4. Assurer une formation et une sensibilisation approfondies des représentant∙es juridiques par les prestataires ou par des services externes.
  5. Mettre en place les antennes nécessaires dans chaque CFA, même éloigné, afin de garantir un contact personnel avec les personnes requérantes d’asile. Ces démarches doivent être intégrées dans le contrat de prestation et indemnisées.
  6. Garantir que les personnes requérantes d’asile reçoivent immédiatement les notifications (invitation à des rendez-vous ou informations sur la décision). Les notifications doivent être adressées personnellement et leur réception doit être attestée par une déclaration signée par la personne requérante d’asile.
  7. Garantir que les notifications et explications de la décision aux personnes requérantes d’asile soient faites dans les 24 heures suivant la notification de la décision à la RJ. Si ce délai ne peut être respecté, la RJ doit continuer à assurer la défense des intérêts des personnes requérantes d’asile.
  8. Obligation des prestataires de communiquer des critères clairs concernant la résiliation du mandat et de notifier par écrit la résiliation du mandat et ses motifs le jour de la notification de la décision.
  9. Respecter l’obligation prévue à l’article 52e de l’Ordonnance 1 sur l’asile relative à la procédure (OA 1) et assurer la coordination avec les services concernés. En cas de résiliation du mandat, ne pas renvoyer les personnes vers des organisations qui ne proposent pas de prestations juridiques pour le groupe de personnes concernées. En outre, la résiliation d’un mandat ne doit jamais être due à un manque de personnel ou à des difficultés financières. En cas de doute, il faut toujours déposer un recours, d’autant plus que l’examen des chances de succès du procès incombe au Tribunal administratif fédéral (TAF).
  10. Garantir la responsabilité des prestataires même après l’expiration du délai de transfert Dublin.
  11. Obligation pour les prestataires de garantir toutes leurs prestations, même en cas de fluctuation du nombre de personnes requérantes d’asile. Prévoir à cet effet les réserves financières nécessaires pour permettre des augmentations temporaires de ressources en personnel.
  12. Contribuer à l’uniformisation de la protection juridique à un niveau élevé selon l’art.52a OA1 dans toutes les régions par une application uniforme des directives relatives à la protection juridique et une coordination constante avec d’autres prestataires, en particulier les bureaux de consultation juridique agréés dans les cantons lors du passage en procédure étendue.
  13. Obligation de gérer les mandats avec soin et diligence, conformément au code suisse de déontologie des avocat∙es, d’informer les mandant∙es de l’état d’avancement des procédures et de se renseigner systématiquement auprès du SEM en cas de retard dans la procédure.


Recommandations au SEM concernant l’attribution de mandats et l’organisation de la procédure d’asile

  1. Prioriser la qualité de la protection juridique lors de l’attribution des mandats. Revenir à l’objectif déclaré d’atténuer les effets de l’accélération de la procédure par l’introduction d’une représentation juridique gratuite et efficiente, dans l’optique d’une procédure d’asile conforme aux principes de l’État de droit.
  2. Garantir une évaluation externe régulière de la protection juridique et de l’exécution du mandat (en particulier la participation à toutes les étapes de la procédure). Assurer un monitoring et prendre en compte les résultats à chaque mise au concours du mandat. Le point de vue des personnes requérantes d’asile doit impérativement être pris en compte.
  3. Garantir un financement suffisant du travail de la représentation juridique, soit par l’introduction d’une indemnisation − sans plafond − en fonction des dépenses, soit par la fixation de forfaits par cas suffisamment élevés pour que les considérations financières ne constituent pas un obstacle à la défense des intérêts des personnes requérantes d’asile, dépôt d’un recours inclus (cf. explication 2).
  4. Assouplir le rythme ou la cadence de la procédure accélérée, notamment lorsque des clarifications médicales doivent être effectuées (une attention spécifique doit être accordée à l’identification des personnes particulièrement vulnérables en collaboration avec la protection juridique). Garantir une gestion plus flexible des problèmes de surcharge, notamment concernant les délais et la fixation de dates des étapes de procédure, de manière à tenir compte des capacités de la protection juridique (cf. explications 2 et 3).
  5. Notifier la décision d’asile à la fois à la représentation juridique mandatée et à la personne requérante d’asile (avec accusé de réception ou confirmation de la réception par signature), afin que cette dernière soit immédiatement informée et ne doive pas attendre son rendez-vous avec la représentation juridique (cf. explications 6 et 7).
  6. Mettre en œuvre un concept pensé sur le long terme et permettant une meilleure résistance aux fluctua- tions du système d’asile. Ce concept doit comprendre la possibilité d’augmenter les contributions financières aux prestataires en cas de pénurie de personnel ; une augmentation durable des capacités d’hébergement dans les centres fédéraux d’asile, afin de ne pas devoir recourir à des hébergements temporaires ; une indemnisation financière pour les lieux supplémentaires de la représentation juridique, s’il faut malgré tout recourir à des hébergements temporaires (cf. explication 11).
  7. Assurer la tenue d’un procès-verbal lors des entretiens Dublin et reporter les entretiens si la représentation juridique n’est pas présente. À l’expiration du délai de transfert Dublin, entrer en matière d’office et immédiatement sur la demande d’asile (cf. explications 2 et 10).

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