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Notre regard

Révision de la loi | Objecteurs et déserteurs dans le viseur des réviseurs

Pourquoi parle-t-on des déserteurs érythréens? Que fuient-ils? Que risquent-ils en cas de renvoi? En 2008, 1847 Erythréens ont déposé une demande d’asile en Suisse, les plaçant en tête de peloton. Pour le DFJP, la faute revient à une décision du Tribunal administratif fédéral (TAF), s’alignant sur un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme. 
La répression frappant les déserteurs érythréens est tellement grave, relevait le TAF, qu’elle justifie de leur accorder l’asile. Comme le DFJP veut faire du chiffre à tout prix 
– passant par pertes et profits les personnes en danger – il propose de changer la loi suisse. Avec cette précision, Convention des réfugiés oblige: «L’exécution du renvoi dût-elle être illicite, du fait que l’intéressé risque de subir des traitements inhumains dans son Etat d’origine, la personne concernée serait alors admise provisoirement en Suisse.» (sic !) 
Bref, un asile au rabais, précarité en prime (réd.).

C’est à la suite d’un arrêté de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CourEDH) du 5 juillet 2005 que la Suisse a modifié sa pratique à l’égard des déserteurs érythréens. Dans sa décision, la CEDH mentionne qu’«un rapport de 2004 sur les pratiques en matière des droits de l’Homme en Erythrée, rendu public par le Département d’Etat américain le 28 février 2005, fait état du recours par le gouvernement érythréen à des barrages routiers, des nettoyages de rue et des fouilles de maisons effectués par la police militaire pour rechercher les déserteurs. Il apparaît donc que les autorités érythréennes mettent tout en œuvre pour garder les effectifs de l’armée au complet.»

Chasse à l’homme

«…Reste à déterminer si le requérant courrait un risque de subir des mauvais traitements s’il retournait chez lui. Dans ce contexte, la Cour prend notamment note de rapports d’Amnesty International décrivant les traitements subis par les déserteurs en Erythrée, qui vont de la détention au secret et d’expositions prolongées au soleil par forte chaleur au ligotage des pieds et des mains dans des positions douloureuses. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit là de traitements inhumains.»

«…Il apparaît aussi que les autorités érythréennes ont enregistré le nom des déserteurs. La Cour considère en conséquence qu’il existe des motifs sérieux de croire que, s’il était actuellement expulsé, le requérant courrait un risque réel de subir des tortures ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Dès lors, la Cour estime que l’expulsion du requérant vers l’Erythrée emporterait violation de l’article 3.»

Détention et traitements inhumains

La décision de principe de la Commission suisse de recours en matière d’asile (ex-TAF) touchant aux déserteurs et réfractaires érythréens n’a fait que confirmer la jurisprudence européenne. «En Erythrée, la peine sanctionnant le refus de servir ou la désertion est démesurément sévère; elle doit être rangée parmi les sanctions motivées par des raisons d’ordre politique («malus absolu»). Les personnes nourrissant une crainte fondée d’être exposées à une telle peine doivent être reconnues comme réfugiées.»

Cet arrêt est resté en travers de la gorge de l’UDC, qui n’a eu de cesse de l’attaquer par de multiples interventions au Parlement.Christoph Blocher, ex-chef du DFJP, avait alors préparé la modification législative aujourd’hui portée par Mme Evelyne Widmer-Schlumpf.

Françoise Jacquemettaz

Déserteurs: 7 ans de taule, une broutille!

Le projet de révision de la loi sur l’asile, qui veut notamment exclure des déserteurs du bénéfice de l’asile, commence déjà à faire des dégâts. Dans un arrêt du 2 février 2009, le Tribunal administratif fédéral (TAF) 
considère, à propos d’un réfractaire Géorgien qui s’est enfui pendant le conflit d’août 2008, «qu’une peine maximale de cinq années d’emprisonnement pour insoumission et de sept années pour désertion, peines prévues par le code pénal géorgien, ne saurait être en soi et indépendamment des circonstances concrètes qualifiée de disproportionnée» (arrêt D-566/2009 – p. 6). Mise à part la peine 
de mort, on se demande ce que le TAF considère encore comme une persécution.

Yves Brutsch