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Service de presse

Service de presse N° 5 - 30 mai 1999

Chère Ruth Metzler, méfiez-vous de vos amis !

Vous n'avez pas eu les 100 jours de grâce qui sont habituellement réservés à ceux qui entrent dans de lourdes fonctions, et on vous a dès les premiers jours poussée sur le front de l'asile. Vous pensiez pouvoir compter sur vos services pour vous préparer des discours (l'ODR sait si bien écrire des modèles de lettres de lecteurs...). Mais voyez-vous, ces gens là vous ont déjà fait dire beaucoup de bêtises, et c'est dommage pour votre crédibilité. Permettez-moi d'en relever ici quelques unes, en m'appuyant sur votre dernier discours.

Votre dévoué conseiller personnel bénévole : Yves BRUTSCH

Loi sur l'asile et Arrêté fédéral sur les mesures d'urgence dans le domaine de l'asile et des étrangers

Exposé de la conseillère fédérale Ruth Metzler-Arnold, cheffe du Département fédéral de justice et police, sur les grandes lignes de ces deux objets
(Association suisse de la presse radicale-démocratique, 25 mai 1999, Zum Äusseren Stand, Berne)


Mesdames et Messieurs,

Les deux objets consacrés au droit d'asile, sur lesquels nous voterons le 13 juin prochain, constituent le fondement indispensable qui nous permettra de perpétuer la politique en matière d'asile et de réfugiés que nous menons avec bonheur depuis de nombreuses années. Dans ce contexte, l'objectif est de garantir une protection à celles et ceux qui en ont besoin, tout en combattant les abus. Toutes les révisions de la loi sur l'asile ont tenu compte dans une mesure identique de ces deux principes; et, lors de l'actuelle révision aussi, le législateur a résolument opté pour le maintien de cet équilibre entre droit libéral et droit répressif. [Je passe sur ces phrases creuses. Mais tout de même, le " bonheur ", pour qualifier une politique d'asile qui passe de crise en crise et d'arrêté urgent en arrété urgent, il fallait oser. Quand à l' " équilibre ", avec un taux d'acceptation des demandes d'asile qui est passé de plus de 90% en 1981 à 10%, cela fait tout de même une jolie pente descendante...].

La nouvelle disposition consacrée à l'octroi de la protection provisoire semble taillée sur mesure pour les personnes qui fuient la guerre au Kosovo et qui arrivent aujourd'hui en grand nombre dans notre pays. Cela peut influencer le cours du scrutin. Mais je souhaite que le corps électoral réalise surtout que, dans les circonstances extraordinaires que nous traversons aujourd'hui, nous avons besoin d'une procédure simplifiée pour surmonter la situation. Et j'espère en la prise de conscience que, plus tard, lorsque sera levée la protection provisoire, il importera que les délais de départ ne soient pas fixés selon 26 pratiques cantonales différentes, comme ce fut le cas lors du rapatriement des personnes chassées par la guerre en Bosnie. L'encouragement des retours s'en trouvera également favorisé. Car nous devons, aujourd'hui déjà, songer aux retours. [Avec l'ancien droit, des milliers de Bosniaques ont pu obtenir l'admission collective en s'adressant directement aux cantons, sans même passer par les centres d'enregistrement, si souvent saturés. Où est le progrès ? Unifier les délais de départ ? J'aimerais bien voir comment on s'y prendra pour faire partir simultanément des dizaines de milliers de Kosovars. La marge de manoeuvre laissée aux cantons a permis d'éviter bien des cas de rigueur. Faites donc un peu confiance au fédéralisme, Madame la Conseillère fédérale].

La nouvelle loi sur l'asile, qui reprend une large partie du droit en vigueur, contient également un certain nombre d'innovations, que je me propose de vous présenter, avant de prendre position sur les points controversés.

Les éléments saillants des trois premiers chapitres de la loi concernent les domaines suivants:

La nouvelle loi tient compte des motifs de fuite spécifiques aux femmes. Ainsi, lorsqu'il y a lieu de présumer qu'une personne demandant l'asile entend invoquer des motifs de persécution liée au sexe, son audition sera confiée à une équipe exclusivement composée de spécialistes du même sexe. [Sans doute n'avez-vous pas encore eu le temps de la lire, Madame la Conseillère fédérale, mais la note juridique rédigée par l'ODR sur ce sujet et datée du 3 février 1998 affirme expressément que la mention consacrée aux femmes ne change rien. Elle ne modifie en effet pas la définitition du réfugié (art. 3 al. 1 LAsi), mais se contente de préciser - par une lapalissade - la notion de graves préjudices (art. 3 al. 2). Ne saviez-vous pas que le viol est un grave préjudice ? Vous finirez par m'inquiéter, Madame. Quand à la procédure, pourquoi diable n'a-t-on pas mis dans la loi cette fameuse garantie d'être interrogée uniquement par des femmes ? Savez-vous que l'article 6 du projet d'ordonnance dit exactement le contraire en expliquant qu'il n'est pas forcément possible d'avoir une interprète femme, et en exigeant des indices concrets (une robe déchirée ? un évanouissement devant le premier auditeur ?) avant de désigner une auditrice ? La venue d'une deuxième femme au Conseil fédéral a été saluée de toutes part, Madame. J'espère que vous vous prendrez garde à l'avenir de ne plus lire sans réfléchir les textes que vous fournit l'état-major machiste de l'ODR].

La réglementation de la procédure à l'aéroport, qui représente un aspect aussi important qu'indispensable de notre droit d'asile, figure également dans la nouvelle loi. L'aéroport ne saurait devenir la porte ouverte de l'immigration en Suisse. C'est pourquoi il se justifie de régler les modalités du déroulement, dans la zone de transit de l'aéroport déjà, de l'examen approfondi de la provenance des requérants d'asile, de l'itinéraire qu'ils ont emprunté ou des dangers auxquels ils sont exposés. [En fait de porte ouverte, Madame, l'aéroport était surtout une zone de non-droit, et les organes de surveillance de la Convention européenne des droits de l'homme ont exigé un contrôle judiciaire sur ce qui s'y passe. C'est bien embêtant ces conventions internationales... Mais vos services ont trouvé la parade. Il y aura bien droit de recours, mais comme la loi a prévu de priver le requérant de son mandataire au moment de la notification d'une décision de renvoi, et qu'il n'y a que 24 heures pour agir, la Commission de recours en matière d'asile (CRA) ne devrait pas être trop souvent sollicitée].

Afin de renforcer l'efficacité de la lutte contre les abus [En fait Madame, il s'agissait surtout de faire face à l'augmentation des demandes d'asile, en hausse rapide au début de 1998 à cause du début de la guerre civile en Kosove. Relisez donc le message du Conseil fédéral], des motifs supplémentaires de non-entrée en matière ont été introduits dans le deuxième chapitre de la nouvelle loi sur l'asile. En adoptant l'arrêté fédéral sur les mesures d'urgence dans le domaine de l'asile et des étrangers, le Parlement a décrété l'entrée en vigueur anticipée de ces dispositions au 1er juillet 1998. Ces normes constituent le deuxième objet mis en votation le 13 juin prochain. Il s'agit pour l'essentiel des trois dispositions suivantes:

1. Les demandes d'asile présentées par des personnes qui dissimulent leurs documents d'identité aux autorités compétentes dans le but de compliquer la vérification de leurs motifs d'asile ou de retarder, voire d'empêcher l'exécution de leur renvoi consécutif à l'issue négative de la procédure d'asile, feront l'objet d'une décision de non-entrée en matière et, partant, d'une procédure simplifiée et accélérée [Non Madame, il y a maldonne. La loi ne dit pas 'celui qui dissimule'. Elle dit celui qui 'ne remet pas ses papiers d'identité'. Et c'est tout le problème. Ne pas avoir de papiers à remettre n'a rien de spécifiquement abusif]. Cette mesure entend inciter les requérants d'asile à remettre les documents en leur possession [Croyez-moi, Madame, c'est là une grande illusion. Monsieur Koller n'a cessé de clamer au Parlement que celui qui n'a pas de papiers ne peut pas être renvoyé, et les médias se sont fait très largement l'écho. Le message a sans doute été reçu 5 sur 5 jusqu'au fin fond de l'Afrique. D'ailleurs, où en sont les statistiques, près d'un an après ? Rien n'a changé. Un arrêté urgent, par définition, devrait pourtant déployer des effets à court terme !]

Cette nouvelle disposition vise exclusivement [vous vous enfoncez, Madame] les requérants d'asile qui dissimulent ou détruisent sciemment leurs pièces d'identité. Car de tels cas existent malheureusement. Ils ne sont pas le fruit de la seule imagination des milieux xénophobes. Les morceaux de passeports déchirés que l'on retrouve à proximité de nos frontières sont une réalité. Ils appartiennent à des requérants d'asile qui, conscients de n'être victimes d'aucune persécution, tentent ainsi de retarder, voire d'empêcher leur renvoi consécutif au rejet de leur demande. Et, comme vous le savez, aucun Etat n'est disposé à réadmettre des requérants d'asile déboutés dont la nationalité n'est pas établie. Nous avons donc absolument besoin de cette disposition pour affronter ce genre de situation [absolument ? mais vous n'avez pas avancé d'un pouce vers le renvoi des requérants abusifs une fois que vous avez refusé d'entrer en matière sur leur demande]. La loi précise cependant qu'une procédure d'asile ordinaire est engagée même si le requérant ne présente pas de pièce d'identité, dans la mesure où il justifie l'absence de documents par des motifs excusables et s'il existe des indices de persécution [mais Madame, il faut entrer en matière pour découvrir ces fameux indices de persécution ! Si vous les recherchez scrupuleusement, votre procédure de non-entrée en matière sera identique à la procédure ordinaire, et si on se contente d'un examen superficiel, pour gagner du temps, on va à coup sûr passer à côté de cas graves. Qui peut croire que les centres d'enregistrement débordés ne privilégieront pas cette dernière solution ?]. Les chiffres montrent que les autorités compétentes en matière d'asile appliquent cette norme dérogatoire conformément à la volonté du législateur. Depuis son entrée en vigueur, l'été dernier, la disposition relative au refus d'entrée en matière pour absence de documents n'a été appliquée que 264 fois. L'exemple des requérants d'asile originaires du Kosovo prouve d'ailleurs bien que les autorités savent aborder avec discernement le problème des personnes dépourvues de papiers. Elles entrent en principe en matière sur les demandes présentées par les requérants originaires du Kosovo, car il est notoire que, lors de leur déportation, ces personnes sont systématiquement dépouillées de tous leurs documents. Les requérants d'asile dépourvus de papiers d'identité conservent donc toutes leurs chances d'accéder à la procédure d'asile ordinaire. Cela apporte un démenti cinglant à ce que l'OSAR (Organisation suisse d'aide aux réfugiés) a tenté de faire croire à ses donatrices et donateurs au moyen de "l'histoire de Nazlie B.", dont la demande d'asile a bel et bien été examinée sur le fond, et ce en vertu même du nouveau droit, qui est en vigueur depuis le 1er juillet 1998 déjà [Les Kosovars vous sont très reconnaissants, Madame, mais ne nous prenez-pas pour des naïfs. Si vos services ont renoncé à les traiter comme des demandeurs abusifs, c'est surtout grâce à la médiatisation du drame qui les frappe, et pour ne pas multiplier les bavures à la veille du scrutin. Mais que se passera-t-il, après la votatation, avec les réfugiés d'Angola, de Somalie, du Kurdistan, d'Afghanistan ou d'Algérie, qui n'ont pas la 'chance' de fuir sous le regard de la presse internationale ?]

2. Le second motif de non-entrée en matière prévu par l'arrêté fédéral urgent trouve plus fréquemment application. Cette disposition sanctionne les personnes qui dissimulent sciemment leur identité. Sous l'ancien droit, seule la comparaison des empreintes digitales était susceptible d'apporter la preuve juridiquement suffisante d'un tel comportement. Dorénavant, d'autres moyens de preuve sont également admis, dans la mesure où, par exemple, il n'est pas possible de démontrer au moyen des empreintes digitales que la nationalité déclarée est fausse. Une usurpation de nationalité peut maintenant être démontrée au moyen de questions relatives aux spécificités du pays déclaré et d'une analyse des tournures idiomatiques employées. Durant les dix premiers mois d'application de ce nouvel article, des décisions de non-entrée en matière ont été rendues dans 1'593 cas, ce qui atteste de la nécessité de cette disposition [Ah ! Madame, gardez-vous de conclusions trop rapides. Les test linguistiques existaient déjà avec le droit actuel, et ils ont souvent conduit à réduire à néant la crédibiilté d'un requérant. En faire un motif de non entrée en matière est cependant problématique car cela implique une décision de renvoi immédiat qui ne peut être contestée que dans les 24 heures, ce qui réduit le droit de recours à peu de choses. Or ces 'expertises' faites par des interpètes formés sur le tas ne sont pas totalement fiables. Identifier quelqu'un sur son accent comporte des risques d'erreurs. Plusieurs cas ont d'ailleurs été recensés où un qualifiait un Kosovar d'Albanais alors que sa parenté, reconnue kosovare, pouvait attester de son origine. Jusqu'à présent, la dissimulation d'identité (et le renvoi immédiat qui s'en suivait), n'a jamais été contestée, parce qu'elle était démontrée par empreinte digitales. Une méthode irréfutable et fiable à 100%. Avec vos 'autres moyens de preuve', vous glissez dans l'a-peu-près, et c'est grave. Vos collaborateurs ne sont pas infaillibles, Madame].

3. Le troisième motif de non-entrée en matière concerne les cas dans lesquels des personnes, découvertes par les autorités après avoir séjourné illégalement en Suisse durant un certain temps, déposent alors une demande d'asile dans le seul but d'empêcher ou, tout au moins, de retarder leur renvoi. Souvent, il arrive aussi que des étrangers dont les activités délictueuses sont démasquées présentent une demande d'asile. Cela ne saurait être toléré et ces personnes doivent être expulsées aussi rapidement que possible [Pour une fois, et s'il s'agit de ceux qui commettent des activités délictueuses, je suis de votre avis, Madame. Hélas, comme vous l'avez vous-même souligné, ce sont TOUS ceux qui risquent un simple renvoi administratif parce qu'ils sont en Suisse sans autorisation de séjour qui sont visés, même s'ils n'ont jamais commis le moindre délit de droit commun. On parle de demande 'tardive', mais le Parlement a supprimé la mention d'un séjour illégal de plus de 5 ou 10 jours. Expliquez-moi Madame ce qui va se passer lorsque la police interceptera un réfugié entré en Suisse la veille ou l'avant veille et qui se dirige sur le centre d'enregistrement ? C'est lui qui devra prouver qu'il vient d'entrer en Suisse. Comment s'y prendra-t-il pour échapper au renvoi immédiat ?].

Concernant la décision de non-entrée en matière, certains adversaires de la nouvelle loi critiquent le fait qu'un recours doive être déposé dans les 24 heures pour éviter un refoulement immédiat. Selon eux, cette condition priverait nombre de requérants d'asile, souvent dépourvus de ressources financières ainsi que de connaissances juridiques et linguistiques, de la possibilité de former décemment un recours. En réponse à cet objection, il convient de relever qu'en pratique des recours sont par exemple très souvent déposés dans le cadre de la procédure à l'aéroport. Les requérants d'asile ont en effet la possibilité de contacter à l'aéroport même les représentants des oeuvres d'entraide qui y travaillent ou d'obtenir l'assistance d'un représentant légal. De plus, les autorités font preuve d'une grande souplesse à l'égard des exigences de forme et de fond. Dans ces conditions, la possibilité de former un recours est donc largement garantie [Vous allez, Madame, faire rougir de plaisir les militants du réseau Elisa, qui ont lancé une souscription à Genève pour rétribuer à temps partiel un conseiller juridique pour les réfugiés bloqués à l'aéroport. Grâce à lui, certains réfugiés ont effectivement pu recourir (et souvent obtenir gain de cause), alors que l'arbitraire régnait en maître jusque là. Mais un mi-temps est loin de suffire à la demande, et à Kloten, quelqu'un n'est disponible que deux après-midi par semaine. Et pour ceux qui ne peuvent communiquer en français, en allemand ou en anglais, c'est tant pis. Il ne fallait pas venir en Suisse. Au début du moins de mai, un arabe à eu le culot de recourir dans sa langue. La Commission de recours lui a demandé (en français) une traduction par retour de courrier. C'est sans doute cela faire preuve d'une 'grande souplesse'. Sur le fond, bien sûr, la Commission de recours est plus souple. Moins le recours est argumenté, plus facilement on peut le rejeter. Cela dit, à côté des aéropoports, où n'arrivent jamais que 2% des requérants, les renvois immédiats seront bien plus nombreux depuis les centre d'enregistrement. Les requérants n'ont le droit d'en sortir que sur autorisation (demandée la veille) entre 9h et 11h et entre 14h et 17h. C'est idéal pour chercher une oeuvre d'entraide en cas d'urgence. Surtout quand on est au centre d'enregistrement de Chiasso (le service juridique le plus proche est à Lugano) ou à Kreuzlingen (voir à St Gall ou à Zurich). Bien sûr le déménagement du centre d'enregistrement de Genève à Vallorbe facilitera grandement l'assistance juridique. A propos Madame, les cadres de l'ODR vous ont-ils dit pourquoi ils ont refusé à l'OSAR, au début de l'année, le droit d'assurer des permanences juridiques dans les centres d'enregistrement ?].

La levée de la suspension des délais prévus par la procédure d'asile durant les jours fériés est un autre point d'achoppement. Au grief, souvent exprimé, selon lequel des garanties découlant de l'Etat de droit seraient supprimées, il convient d'opposer l'opinion unanime de la doctrine qui dénie à la suspension des délais le caractère d'élément essentiel d'une procédure conforme à l'Etat de droit [Voilà enfin, Madame, quelque chose d'exact. Les féries judicaires n'appartiennent pas au noyau dur des droits de procédure. Elles ne sont pas 'essentielles'. Elles sont seulement l'expression d'un minimum de 'fair play'. Les supprimer pour ceux qui ont le plus de peine à se défendre, ce n'est pas anticonstitutionnel. C'est seulement un coup tordu, et il ne grandit guère notre Etat de droit].

La réglementation relative à l'octroi de la protection provisoire, qui figure au chapitre 4 de la nouvelle loi sur l'asile, en est aussi le véritable élément central. Sont considérées comme ayant besoin de protection les personnes qui, bien que n'étant pas persécutées à titre individuel et, partant, ne remplissant pas les conditions liées au statut de réfugié, présentent un besoin de protection en raison de la situation de guerre qui prévaut dans leur pays d'origine. La réglementation de la protection provisoire repose essentiellement sur les trois éléments suivants:

1. Le Conseil fédéral décide s'il y a lieu d'accorder la protection provisoire à des personnes vivant dans une région en crise et, le cas échéant, en fixe le nombre [comme jusqu'à présent].

2. Contrairement à la réglementation applicable aujourd'hui à l'admission provisoire collective, la procédure est conçue de manière à ce que les autorités soient dispensées d'engager de longues et fastidieuses procédures individuelles [c'était déjà le cas avec les réfugiés de la violence enregistrée directement par les cantons]. Les procédures d'asile sont en quelque sorte suspendues ['en quelque sorte' ? Ah ! que cette 'sorte' là est plaisante]. La loi garantit néanmoins aux autorités la possibilité d'accorder l'asile aux personnes concernées lorsque celles-ci remplissent manifestement les conditions liées au statut de réfugié [c'est très bien de 'garantir' des droits aux autorités, plutôt qu'aux réfugiés. Au moins comme cela, l'ODR est sûre de pouvoir faire ce qu'elle veut. De toute façon, en dehors de réfugiés sélectionnés à l'étranger pour faire partie d'une action spéciale type contingent, on n'a jamais vu un cas 'manifeste' avant même qu'on vérifie ses déclarations. Peut-être un Rugova, s'il voulait bien nous faire cet honneur ? Et encore, il semble n'avoir même pas été torturé...]. En d'autres termes: lorsqu'une personne est manifestement victime de persécutions à titre individuel, sa demande peut faire l'objet d'une procédure et déboucher sur une décision positive ['peut faire l'objet´ : les juristes de la couronne raffolent de ces 'Kannvorschriften' qui laissent toute liberté à l'administration. Et puis, vous ne l'avez peut-être pas remarqué, Madame, mais 'l'octroi de la protection provisoire (et donc de la suspension de la procédure d'asile) ne peut pas être attaquée', comme dit l'art. 69 al. 2. C'est sans doute cela la 'sécurité du droit']. Et même ultérieurement, lorsque la protection provisoire est levée, chaque personne concernée par cette mesure bénéficie du droit d'être entendu. S'il s'avère que cette personne remplit les conditions liées au statut de réfugié, l'asile peut lui être accordé. Il est donc faux de prétendre que les réfugiés de la violence n'ont pas accès à la procédure d'asile [oui c'est vrai, ceux qui auront trainé leurs traumatismes pendant des années passées à végéter dans un statut précaire identique à celui des requérants d'asile, pourront se faire 'entendre'. La loi et l'ordonnance d'application les autorisent en effet à écrire (dans une langue officielle suisse, bien sûr), s'ils ont des raisons de s'opposer au renvoi. Imaginez la scène, Madame. Des dizaines de milliers de Kosovars recevront en même temps l'annonce de la fin de la protection collective, avec 30 jours, au mieux, pour formuler leurs objections. Tous ces pauvres bougres, qui n'y comprendront rien, prendront d'assaut les services juridiques déjà surchargés des oeuvres d'entraide. Aucune audition n'aura eu lieu, aucun procès-verbal ne sera disponible. Il faudra en catastrophe repérer dans le tas (à sa bonne mine), celui dont on essayera de reconstituer l'histoire. Bien sûr, sa demande sera ensuite refusée car ses motifs initiaux seront devenus caducs. Et en prime, l'ordonnance d'application prévoit expressément que toute aide au retour sera supprimée pour ceux auront écrit pour s'opposer à un renvoi. Voilà encore une mesure de dissuasion efficace. Vos services ne vous en avaient pas parlé ? Cela figure à l'art. 64 al. 1 let. a de l'OA2, en lien avec l'art. 35 LAsi. C'est fou ce que cette législation a de ressources insoupçonnées].

Les circonstances actuelles montrent bien que les procédures individuelles d'admission prévues par le droit d'asile en vigueur ne permettent pas de faire face à l'afflux des réfugiés [Allons donc, Madame, pourquoi ce soudain pessimisme ? Vous disiez en introduction que tout se passait avec un tel bonheur. N'avez-vous pas encore trouvé dans vos dossiers ce gros manuel de l'ODR sur l'Assistance d'étrangers en quête de protection lors de situations extraordinaires', publié en juillet 1992, qui montre que nous pouvons accueillir jusqu'à 100'000 demandes d'asile dans l'année avant de recourir à l'armée ? Comme on l'a fait pour les Bosniaques, il est d'ailleurs possible, dans le droit actuel, d'enregistrer les réfugiés de la violence dans les cantons. Vos services vous réservent une mauvaise surprise en vous disant que cela ira mieux avec le nouveau droit. A l'avenir, tous les arrivants devront passer par un centre d'enregistrement fédéral].

3. Les personnes qui bénéficient de la protection provisoire doivent retourner dans leur pays d'origine dès que la situation le permet. Le souci principal de l'admission en Suisse de personnes à protéger est non pas le séjour durable, mais bien le retour de ces dernières dans leur pays d'origine le moment venu. C'est dans ce contexte que s'inscrit également l'aide au retour [Ici, Madame, je suis votre homme. Laissez-moi tout de même vous dire qu'il est des traumatismes qui permettent difficilement un retour. Mais comme ceux-ci n'apparaîtront sans doute nulle part, faute d'une procédure individuelle, ce sera ni vu, ni connu. Tout de même, si par exception quelqu'un tente de faire valoir une objection et que sa demande est rejetée, la suppression de toute aide au retour sera problématique].

Il convient de souligner que la nouvelle loi offre de considérables améliorations aux personnes qui ont besoin de protection et sont admises temporairement. Celles-ci auront en effet droit au regroupement familial dès le début de leur séjour en Suisse, à la différence de ce que prévoient les dispositions en vigueur [Voilà Madame qui me rassure. Vous êtes favorable au regroupement familial ? Et bien montrez nous que vous ne vous payez pas de mots et décidez le sans délai. Vos collaborateurs semblent en effet vous l'avoir caché, mais les Bosniaques, soumis au droit acutel, ont bel et bien eu droit au regroupement familial, qui est d'ailleurs prescrit par le droit international humanitaire (Protocoles additionnels I et II aux Conventions de Genève sur la protection des victimes civiles en temps de guerre, art. 74, resp. art. 4 ch. 3, let. b). La mention explicite dans la nouvelle loi est certes une amélioration 'considérable' pour vos juristes, qui n'aiment pas se référer au droit international, mais en pratique, elle ne devrait pas changer grand chose].

Les modifications proposées dans le domaine de l'assistance revêtent également une grande importance. Compte tenu de la précarité des finances publiques, les aspects financiers ont par nature un impact considérable [vous avez raison, Madame. 'Pas d'argent, pas de Suisse'. Il est grand temps de passer aux choses sérieuses]. Dorénavant les dispositions suivantes permettront de réduire les coûts:

D'une part, la nouvelle loi développe le fondement juridique du remboursement forfaitaire des prestations d'assistance [C'est très bien de développer le 'fondement juridique'. Mais attention Madame, les cantons vous attendent au tournant. Car ce qui les intéressent, eux, c'est de développer les forfaits eux-mêmes. Et voyez-vous, pour le citoyen électeur et contribuable que je suis, 'en ces temps de précarité des finances publiques', comme vous dites, que l'argent sorte de la caisse fédérale ou de la caisse cantonale, qu'est-ce que cela change pour les 'finances publiques' ?].

D'autre part, le versement des prestations d'assistance aux réfugiés reconnus relèvera dorénavant de la responsabilité exclusive des cantons, alors qu'aujourd'hui cette compétence incombe aux oeuvres d'entraide reconnues [Ça c'est une économie majeure, Madame : rembourser aux cantons plutôt qu'aux oeuvres d'entraide ! Croyez-vous vraiment que ces dernières, jusque là étroitement contrôlées par l'ODR, s'amusaient à jeter de l'argent par la fenêtre et que les cantons feront mieux à moindre coût ?]. Pour sa part, la Confédération remboursera évidemment aux cantons, sous forme de forfaits, les prestations d'assistance consenties jusqu'au moment où une autorisation d'établissement est délivrée aux personnes concernées. Les oeuvres d'entraide reconnues, qui jusqu'ici assumaient cette tâche, demeurent néanmoins des partenaires de la Confédération, en qualité de participants permanents et institutionnels à l'audition des requérants au sujet de leurs motifs d'asile ['participants permanents et institutionnels', voilà qui est parlé, Madame. A propos, vos services vous ont-ils informé de leur projet de ne plus convoquer les représentants d'oeuvre d'entraide que 24 heures à l'avance, de ne plus leur envoyer copie des pièces essentielles à l'avance pour qu'ils puissent se préparer, et de leur interdire de transmettre leurs notes à un service juridique, étant entendu qu'ils n'ont pas le droit eux-mêmes de prendre la défense du requérant (art. 26 et 27 OA1) ? Et que signifie au juste, du point de vue de la 'permanence institutionnelle' l'art. 27 al. 4 OA1 qui prévoit que 'lorsque le représentant des oeuvres d'entraide est exclu de l'audition, l'audition peut être menée à terme sans sa présence. Elle déploie son plein effet juridique' ?].

Les nouvelles dispositions relatives à la protection des données frappent par leur ampleur. Le chapitre consacré à ce domaine dans la nouvelle loi sur l'asile règle de façon exhaustive la protection et le traitement des données personnelles dans le secteur de l'asile. Ses dispositions établissent les bases légales de la gestion de banques de données informatisées et fixent les principes de l'échange de données avec d'autres autorités [ce chapitre est en effet ample et exhaustif, Madame. Tout ou presque y est autorisé, jusqu'à la transmission de données confidentielles à des Etats tiers et leur consultation par des dizaines de services et des centaines de fonctionnaires. Le Préposé fédéral à la protection des données, qui s'inquiétait, dans son rapport annuel 1993/94 de 'l'extension constante des systèmes de police existants' dans le domaine des étrangers, de 'la création de bases légales permettant de tout justifier' et de 'la mise en place d'un nombre toujours plus impressionnant de liaison en ligne' en a pris pour son grade].

Les quatre derniers chapitres de la nouvelle loi sur l'asile portent sur la protection juridique, la collaboration internationale ainsi que sur les dispositions pénales et transitoires.

Les deux objets concernant le droit d'asile reflètent de façon équilibrée des préoccupations diverses. Du point de vue humanitaire, les personnes victimes de persécutions politiques ou chassées par la guerre trouvent protection dans le cadre d'une procédure aussi simple que possible, mais en même temps aussi fiable que possible [A l'impossible nul n'est tenu, Madame, mais tout de même, si cette fiabilité là est du même niveau que le contenu de cet exposé, la légendaire qualité suisse va en prendre un coup]. Sous l'angle répressif, la loi offre des solutions pour combattre efficacement les abus dans le domaine de l'asile. Dans ce contexte, je tiens à relever encore un point important. Divers milieux [Ah ! ces gauchistes de la NZZ] ont émis l'idée qu'il conviendrait d'apprécier séparément les deux objets consacrés à l'asile dans le scrutin de juin prochain, ce qui pourrait, en fin de compte, déboucher sur une acceptation de la loi, mais sur un rejet de l'arrêté fédéral urgent. Mais un tel résultat aurait de graves conséquences. Il ne serait par exemple plus possible de vérifier au moyen d'analyses scientifiques les présomptions de fausses déclarations concernant la nationalité [ne vous inquiétez pas, Madame, ce genre d'analyses entre tout à fait dans les mesures d'instruction découlant du droit actuel]. La faculté de refuser l'entrée en matière sur des demandes d'asile infondées et présentées après coup serait supprimée. [Une demande infondée, est infondée, Madame, il n'y a pas besoin de passer deux ans à l'étudier] Nous serions ainsi privés d'éléments essentiels de lutte contre les abus dans le domaine de l'asile. Et c'est aussi l'un des deux piliers de notre politique en matière d'asile et de réfugiés qui se trouverait menacé: à savoir, le maintien d'un rapport équilibré entre l'aspect libéral et l'aspect répressif du droit [Je vous l'ai déjà dit, Madame, mais je le répète : votre sens de l'équilibre est merveilleux. Vingt ans après ce subversif de Kurt Furgler qui nous avait fait une loi à 100% libérale, que dis-je, libertaire, il est grand temps que l'on fasse du 100% répressif pour rétablir l'équilibre].

La guerre qui déchire le Kosovo influence la campagne de votation et, partant, le scrutin. Cela est compréhensible et inéluctable. Il est pourtant un élément qu'il s'agit de ne pas perdre de vue: cette loi n'a pas été créée en fonction d'une situation de crise à court terme et n'est donc pas une "lex Kosovo". Il s'agit d'une réglementation conçue pour le long terme. Il est donc indispensable que le peuple approuve l'un et l'autre des deux objets consacrés à l'asile [rassurez-vous, Madame, vos propos, mêmes s'il sont truffés de contre-vérités, ont eu un large écho, alors que mes quelques remarques ont bien peu de chance d'être publiées. Vous avez donc toutes vos chances].

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