La nouvelle loi sur l'asile prévoit que les personnes venant de pays en guerre seront exclues de la procédure d'asile et cantonnées dans un statut précaire si le Conseil fédéral décide de les admettre provisoirement comme « personnes protégées ». C'est une immense régression par rapport à l'actuelle « admission provisoire collective ». Ne pouvant plus obtenir l'asile, les victimes de tortures et de viols seront en effet arbitrairement privées des mesures de soutien et d'intégration qui caractérisent le statut de réfugié (asile) prévu par la Convention de Genève de 1951.
En pratique, l'art. 69 al. 3 précise que « la procédure d'examen d'une éventuelle demande en reconnaissance de la qualité de réfugié est suspendue » lorsque la protection provisoire est accordée. Seuls les cas d'asile « manifestes » au moment des formalités d'enregistrement pourraient y échapper. Mais il n'y a aucun recours possible sur ce point, et il est rarissime qu'un cas soit considéré dès le départ comme évident.
Prenons l'exemple des réfugiés bosniaques. Mis à part les bénéficiaires de certaines actions spéciales du HCR et du CICR, qui ont obtenu l'asile dès leur arrivée, ils étaient tous couverts par l'admission provisoire collective décidée par le Conseil fédéral. Ceux qui le voulaient pouvaient cependant poursuivre la procédure, et environ 5'000 ont obtenu l'asile après avoir démontré qu'ils avaient été victimes des persécutions les plus graves. Avec la nouvelle loi, l'examen de leur cas aurait été suspendu. Or l'asile est nécessaire à ces persécutés, qui ont besoin de reconstruire leur vie loin des horreurs subies, en bénéficiant d'un statut durable favorisant leur intégration. Le statut provisoire, qui est pratiquement identique à celui des requérants, se limite en effet à un strict minimum et il ne permet par exemple pas d'entreprendre un traitement psycho-social adéquat.
Suspendre la procédure pour empêcher ces réfugiés d'obtenir l'asile est donc extrêmement grave. D'autant plus que l'exemple de la Bosnie montre bien qu'il y a de nombreux réfugiés au sens de la loi (art. 3) et de la Convention parmi les personnes qui fuient un pays en guerre. Les conflits armés favorisent en effet les pires violations des droits de l'homme.
La nouvelle loi ne permet la reprise de la procédure qu'après cinq ans de précarité, ou lorsque le Conseil fédéral mettra fin à la protection provisoire. Mais dans ce cas, les personnes concernées ne seront pas auditionnées. Elles devront s'exprimer par écrit, dans une des trois langues nationales, et faire valoir des motifs qui soient toujours actuels après la fin de la guerre ! Avec les années, les souvenirs seront flous et les moyens de preuve auront disparu, et si l'Office fédéral des réfugiés (ODR) n'est pas convaincu, il pourra prendre une décision de non-entrée en matière.
Cette suspension de la procédure représente un véritable piège pour les personnes les plus gravement touchées, celles-là même qu'on qualifie parfois de « vrais réfugiés ». Rien ne peut justifier de vouloir ainsi priver de l'asile les personnes qui en ont le plus besoin.
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