Parallèlement à la révision de la loi sur l'asile, un arrêté urgent a été adopté le 26 juin 1998 pour faire entrer immédiatement en vigueur de nouvelles clauses de non-entrée en matière, visant notamment les réfugiés sans papiers ou entrés illégalement en Suisse. Ces dispositions, qui conduisent au renvoi immédiat, sont directement inspirées de l'initiative « contre l'immigration clandestine » de l'Union démocratique du centre (UDC). En décembre 1996, le peuple avait pourtant rejeté cette initiative. Que devons-nous penser de cette dérive des politiciens centristes qui finissent par reprendre à leur compte une politique d'asile dictée par l'extrême droite populiste ?
Dans les cas de non-entrée en matière, l'Office fédéral des réfugiés (ODR) n'examine que superficiellement les demandes d'asile, afin de renvoyer les requérants alors qu'ils sont encore retenus au centre d'enregistrement. Le délai de recours n'est plus que de 24 heures.
Exiger que les réfugiés aient des papiers d'identité n'a pas de sens. Sans compter les pays qui ne délivrent plus de papiers d'identité (comme par exemple l'Afghanistan et la Somalie), il n'est pas évident qu'une personne fuyant précipitamment une situation de guerre ou de persécution se munisse de papiers d'identité. Les autorités du pays de provenance peuvent avoir confisqué ces documents (comme pour les Kosovars) ou un bombardement peut les avoir détruits. Il est par ailleurs extrêmement dangereux pour une personne recherchée de voyager sous sa propre identité. D'ailleurs, la majorité des réfugiés ayant obtenu l'asile ces dernières années ne possédaient pas de papiers d'identité à leur arrivée. Avec la nouvelle loi, combien d'entre eux auraient fait l'objet d'une non-entrée en matière et auraient été renvoyés dans un pays où ils risquaient leur vie ?
Les requérants arrivés illégalement en Suisse et interceptées par la police avant d'être arrivés au centre d'enregistrement seront aussi visés par une non-entrée en matière, sous prétexte que leur demande est « tardive ». Or l'expérience montre que l'entrée « légale », c'est-à-dire par un poste frontière, conduit presque immanquablement à un refoulement. Un réfugié ne pourra en outre jamais prouver qu'il vient d'entrer en Suisse et que sa demande n'est pas tardive. Cette disposition ne fait par ailleurs aucune différence entre l'arrestation d'un criminel et le contrôle fortuit d'un clandestin. Les « abus » ne sont donc qu'un prétexte.
Pour les « sans papiers » comme pour les « illégaux », il est certes prévu d'entrer tout de même en matière s'il existe des « indices de persécution ». L'appréciation de ceux-ci est entièrement confiée au seul fonctionnaire de l'ODR. Toute cette procédure se déroulera en quelques jours, alors que les personnes traumatisées ont besoin de temps pour s'expliquer. Il leur sera par ailleurs impossible de recourir en 24 heures contre une décision de renvoi. De telles clauses exposent dangereusement le droit d'asile à la subjectivité et l'arbitraire. Elles constituent de fausses garanties !
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