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Documentation

Passeurs d’hospitalité | Vers une pénalisation du franchissement de la frontière

Le 4 août, un exilés soudanais, Abdul Rahman Haroun, a traversé le Tunnel sous la Manche à pied, et a été arrêté côté britannique. Il a été arrêté et placé en détention provisoire en attendant son procès, qui aura lieu le 4 janvier 2016. Il est poursuivi en vertu d’une loi de 1861 réprimant le dommage intentionnel créé par l’obstruction des voies de chemin de fer. Deux autres exilés ont depuis passé la frontière par le même chemin et ont également été arrêtés.

Billet publié sur le blog Passeurs d’hospitalité, le 6 décembre 2015. Cliquez ici pour lire le billet sur le blog Passeurs d’hospitalité.

Côté français de la frontière, les exilé-e-s qui sont arrêté-e-s dans le port peuvent être placé-e-s en retenue administrative, pour vérifier la régularité de leur séjour, avant un éventuel placement en centre de rétention. Les personnes arrêtées dans le périmètre du Tunnel sous la Manche sont par contre placées en garde-à-vue pour le délit de «pénétration ou circulation illicite sur une voie ferrée ou ses dépendances interdites à la circulation du public» (article 2242-4 § 5 du code des transports). Pour l’instant, la garde-à-vue ne débouche pas sur des poursuites pénales, mais sur des placements en rétention.

La direction d’Eurotunnel demande de manière insistante des poursuites pénales, et a fait un coup médiatique autour de la nuit du 2 au 3 octobre, parlant d’assauts massifs, organisés, éventuellement à l’instigation de No Border. Les placements en garde-à-vue au cours de cette nuit-là n’avaient pas débouché sur des poursuites.

http://www.lavoixdunord.fr/region/tunnel-sous-la-manche-trafic-perturbe-apres-ia33b0n3080818

Dans la foulée, la sénatrice et maire de Calais a déclarer vouloir faire passer le fait de pénétrer de manière illicite dans le périmètre du Tunnel sous la Manche sous le coup de l’article 322-3-1 du code pénal, qui prévoit une peine de 7 ans d’emprisonnement et 100’000 € d’amende. Menace assez approximative juridiquement, cet article concernant les dégradations de biens culturels et de lieux de cultes. Comme elle a aussi évoqué le fait de considérer le périmètre du Tunnel comme une installation classifiée défense nationale, il s’agit peut-être de l’article 322-3, la peine étant plus faible, mais qu’importe, l’intention affichée est de pénaliser la tentative de passage.

www.lavoixdunord.fr/region/apres-les-intrusions-de-migrants-au-tunnel-la-maire-de-ia33b48581n3092245

Nouveau pas vers la pénalisation, par un détournement des finalités de l’état d’urgence, la préfète du Pas-de-Calais a pris le 1er décembre un arrêté punissant de 6 mois de prison et 7500 € d’amende le fait d’être à pied sur l’emprise de la rocade qui mène au port de Calais, que longent fréquemment les exilé-e-s, et où ils tentent de monter dans les camions en cas d’embouteillage.

Dans ces différents cas, ce n’est pas le franchissement de la frontière en lui-même qui est réprimé, c’est le fait d’être ou de pénétrer dans un des lieux où on la franchit, ou pour les personnes qui ont traversé le Tunnel à pied, les conséquences en terme de perturbation du trafic.

Rappelons que la Déclaration universelle des droits de l’homme garanti par son article 13 le droit de quitter tout pays y compris le sien, et que la Convention de Genève reconnaît aux réfugié-e-s le droit de franchir toute frontière pour se mettre en sécurité.