Décisions sur le fond
Évolution des décisions sur le fond
Lorsque le SEM entre en matière sur la demande d’asile (voir non-entrée en matière), il examine si la personne auditionnée a des motifs d’asile en vue de déterminer si elle lui reconnaît un besoin de protection. Une décision sur le fond est alors prononcée.
Nous distinguons trois catégories de décisions sur le fond:
- l’octroi de l’asile (statut de réfugié·e avec asile – permis B),
- l’admission provisoire (permis F ou F réfugié) ou
- le rejet.
Le nombre de cas traités ainsi que le taux de décisions négatives fluctuent à travers les années.
Ces décisions sont des décisions de première instance , qui sont comptabilisées par le SEM même si elles ne sont pas définitives. Elles peuvent en effet être contestées auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF) qui pourra soit rendre une décision de 2ème instance sur la demande d’asile, soit casser la décision et renvoyer le dossier au SEM pour nouvelle décision. Celle-ci sera alors à nouveau comptabilisée comme décision de première instance par le SEM au moment de son traitement.
La répartition des décisions sur le fond
L'évolution du taux de protection et du taux de refus à travers le temps est notamment influencée par la législation nationale en vigueur (pour plus de détails : analyse du graphique "taux de protection et loi sur l'asile en Suisse"), mais aussi le contexte géopolitique européen et mondial.
Au début des années 2000, le taux de protection (octroi de l'asile et admission provisoire) se trouvait à un niveau très bas. Celui-ci a progressivement augmenté depuis 2003. Depuis une dizaine d'années, le taux de rejet tourne autour de 25% des décisions de première instance.
Décisions sur le fond par nationalité
Le taux d'octroi, d'admission provisoire ou de rejet varie considérablement en fonction des nationalités. Ci-dessous, les chiffres pour les dix premières nationalités en terme de nombre de cas traités:
Évolution pour certaines nationalités
Afghanistan
On constate que les autorités suisses ont reconnu le besoin de protection des ressortissant·es afghan·es de façon relativement constante à un très haut niveau depuis 2009. En 2023, le SEM leur a octroyé l'asile ou une admission provisoire dans près de 100% des cas.
La différence du taux de protection Vivre Ensemble de la courbe du SEM vient de l'inclusion, par le SEM, des décisions de non-entrée en matière (NEM) dans les décisions négatives. Or, les décisions NEM Dublin ne disent rien du besoin de protection des personnes puisque celui-ci devra être examiné dans un autre pays ou ultérieurement par la Suisse. Pour des explications détaillées, voir asile.ch/prejuge/tromperie-> Le besoin de protection).
Le graphique des décisions de NEM Dublin ci-dessous offre une courbe quasi inversée de la courbe du taux de protection présentée par le SEM. On le voit, pour les années 2012 et 2015, les statistiques du SEM laissent croire à une baisse de la protection. Or, c'est parce que la Suisse a rendu de nombreuses décisions de NEM Dublin ces années-là, gonflant ainsi le taux de décisions négatives.
Quelle protection?
La protection octroyée aux ressortissant·es afghan·es est majoritairement et de façon constante octroyée sous la forme d'une admission provisoire plutôt que de l'asile, généralement pour inexigibilité du renvoi en raison de la guerre.
Dès 2006, la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral (et de son prédécesseur) estime le renvoi des Afghan·es en principe inexigible, sauf dans de rares cas et sous condition stricte vers les villes de Kaboul, Hérat et Mazaar-i-Sharif. Cette jurisprudence n'a pas toujours été appliquée de façon diligente par le SEM, au point qu'en 2010, le TAF publie un arrêt de principe soulignant que le SEM avait, ce faisant, provoqué des procédures de recours inutiles "en grand nombre". Et sans doute prononcé des décisions négatives injustifiées entrées en force, faute d'accès à une défense juridique susceptible de contester une décision négative.
Pour certains pays la répartition du taux de protection varie considérablement à travers le temps. Tel est le cas pour les ressortissant·es d’origine érythréenne et sri-lankaise.
Sri Lanka
Le nombre de cas traités de demandes d’asile de ressortissant·es sri-lankais·es connaît des variations importantes au fil du temps. Alors que jusqu’en 2009, en raison de la situation de conflit interne, la plupart des Sri-Lankais·es recevaient une protection, majoritairement sous forme d'admission provisoire, la fin des hostilités entre le gouvernement sri-lankais et la minorité tamoule et la décision suisse en 2011 de déclarer les renvois vers le Sri Lanka « exigibles » a été marquée par une hausse des décisions négatives. L'arrestation et l'incarcération par les autorités sri-lankaises de deux personnes expulsées par la Suisse a conduit la Suisse à suspendre les renvois et à réexaminer les dossiers des ressortissant·es sri-lankais·es en 2014. S'en est suivie une augmentation considérable des cas traités et des décisions positives. Depuis 2016 le nombre de cas traité est relativement stable. En 2021, l'ONU a appelé les États à revoir leurs pratiques en matière d'asile suite à la dégradation de la situation consécutive à un nouveau changement de gouvernement fin 2019.
Érythrée
La question érythréenne agite les débats politiques suisses depuis le milieu des années 2000. De nombreux durcissements législatifs ont été introduits dans le but de faire baisser le nombre de demandes d'asile des ressortissant·es érythréen·nes. Le Parlement suisse a ainsi adopté en 2012 des mesures urgentes visant spécifiquement les Érythréen·nes et prévoyant l'exclusion de l'asile pour les personnes déserteuses et objectrices de conscience. Entrée en vigueur en 2012, la mesure conduit à une augmentation relative des décisions d'admission provisoire, donc à une précarisation du statut de séjour. L'effet recherché, à savoir une baisse des demandes d'asile ne sera pas atteint: la hausse se poursuit entre 2012 et 2016, dans un contexte de hausse générale des demandes de protection en Europe et en Suisse. A noter également que ces chiffres cachent la proportion majoritaire de demandes d'asile secondaires (naissances et regroupements familiaux), qui représentent plus de 80% des demandes depuis 2017.
Le Tribunal administratif fédéral, également mis sous pression politique, durcira la jurisprudence par plusieurs arrêts rendus entre 2017 et 2018, faisant de la Suisse l'un des pays les plus restrictifs pour la communauté érythréenne. Le taux de décisions négatives a augmenté entre 2016 et 2018 avant de redescendre. Sur le contexte, lire notamment le rapport actualisé de l'ODAE romand: Durcissements à l'encontre des Érythréen·nes (2020).