Editorial | La xénophobie envahit tout
Le 24 septembre prochain, la population suisse sera appelée à se prononcer sur une nouvelle initiative xénophobe qui veut limiter le nombre des étrangers/ères vivant en Suisse à 18%.
Ceci est devenu malheureusement une tradition dans notre pays: il y a trente ans déjà, l’initiative «Schwartzenbach» proposait aussi de limiter arbitrairement le nombre des étrangers à 10%. Elle n’a été rejetée que de justesse par 54 % des votants. Elle a été suivie par de nombreuses autres, qui ont toutes été battues en votation populaire. En ira-t-il de même avec l’initiative 18%?
Il faut l’espérer. Mais la xénophobie n’aura hélas pas perdu pour autant, car elle imprègne aussi largement la campagne officielle contre l’initiative. Cette xénophobie d’Etat, qui est profondément enracinée dans la «police des étrangers» et la «gestion de l’asile», est même la plus insidieuse, parce qu’elle ne cesse de faire le lit de l’extrême droite à laquelle elle prétend couper l’herbe sous les pieds.
En ce qui concerne l’asile, les objectifs des initiants sont pratiquement déjà réalisés, et il suffit d’examiner le projet de nouvelle loi sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE), récemment mis en consultation, pour voir que l’esprit de fermeture reste dominant au sein de l’administration.
La nouvelle LSEE entend poursuivre la politique discriminatoire et sécuritaire menée jusqu’ici en mettant en place une politique des deux cercles: les Européens, qui ne sont quasiment plus des étrangers, versus le reste du monde plongé dans les ténèbres et dont il faut se protéger à tout prix.
Pire, le projet renforce les dispositions réprimant le travail au noir ou le départ irrégulier de Suisse, alors même que l’Office fédéral des réfugiés (ODR) ne cesse de fabriquer des clandestins par sa politique de rejet et de répression. Il prévoit aussi d’étendre la détention administrative à ceux qui ne collaborent pas «à la production de (leurs) documents d’identité», ainsi que pour la plupart des cas de non-entrée en matière sur la demande d’asile, tout en réduisant le contrôle du juge sur ces mesures de contrainte.
L’extrême-droite semble donc déjà avoir gagné la partie, puisque, sans même que le peuple ne se soit prononcé sur son initiative, elle influence déjà les orientations de la politique officielle ! Plus de répression, plus de détention, des droits réduits par rapport au reste de la population, des permis au compte-gouttes en fonction des uniques besoins de l’économie, les initiateurs peuvent se reconnaître dans la nouvelle LSEE qu’on leur a concoctée, sans parler de la nouvelle révision de la loi sur l’asile qui se prépare…
Ce dont souffre la Suisse, ce n’est pas d’un excès de population étrangère. C’est de l’absence d’une véritable politique d’intégration et d’égalité des droits pour l’ensemble de la population.