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Notre regard

Vivre Ensemble s’associe à l’Observatoire en création: Inventorier les dérapages

Vivre Ensemble a souvent publié des exemples concrets illustrant les excès de la pratique officielle. C’est donc très naturellement que nous nous associons au projet d’Observatoire national du droit d’asile et des étrangers, qui est né dans le prolongement de la campagne de votation. A l’évidence, la pratique des autorités doit être mise sous haute surveillance, pour en signaler les excès et rappeler les promesses qui ont été faites avant le 24 septembre. Les contours de ce projet sont encore flous. Un petit groupe d’initiateurs s’est réuni à Berne le 14 novembre, et un projet expérimental devrait démarrer à Genève d’ici la fin de l’année. Vivre Ensemble, de son côté, mettra son réseau de contacts en Suisse romande à disposition pour signaler des cas à l’Observatoire, et publiera régulièrement certaines informations significatives.

Voici quelques exemples de situations qui nous ont été signalées, et qui mériteraient sans doute d’être traitées par le futur Observatoire:

Du cynisme à la banalisation

Dans un courrier du 8 mai, faisant suite à une demande de réexamen invoquant, entre autres, la tentative de suicide d’un adolescent, menacé de renvoi avec toute sa famille, l’Office fédéral des migrations (ODM) croit bon d’affirmer, pour écarter l’argument: «c’est précisément en Suisse que l’on compte l’un des plus forts taux de suicide chez les jeunes». Dans le même dossier, l’ODM croit pouvoir banaliser la situation de la mère, elle-même suicidaire, en écrivant le 30 septembre:

«Le fait que le certificat médical du 12 juin 2006 a été établi à la demande de l’intéressée permet de considérer que celle-ci jouissait d’une relative lucidité à ce moment-là, soit quatre jours seulement après l’abus médicamenteux signalé».

Qui est dangereux, la Suisse ou l’ODM? (Information du Centre sociale protestant – GE)

Une Suisse irresponsable?

L’association Elisa se bat actuellement pour éviter le renvoi d’une Camerounaise qui souffre de graves traumatismes psychiques suite à des brutalités policières subies… à Zurich ! Le cas est tellement clair, que le centre officiel de consultation pour victimes d’infractions (LAVI) à Genève a pris en charge un appui psychothérapeutique prolongé. Mais la Commission de recours en matière d’asile (CRA) a estimé le 24 juillet que le traitement peut se poursuivre au Cameroun, malgré sa spécificité. Est-il bien normal que la Suisse n’assume pas jusqu’au bout les conséquences de ses dérapages policiers ? (Information du Réseau Elisa)

Enquêtes d’ambassade aberrantes

Le 7 septembre 2006, une décision de la CRA a enfin donné l’asile à un requérant d’origine africaine qui se battait depuis plus de cinq ans contre les informations erronées utilisées par l’ODM suite à des enquêtes d’ambassade (voir Vivre Ensemble, n°85 et 86). Ce cas a fait l’objet d’une présentation le 22 novembre, lors d’une conférence de presse tenue à Lausanne par la Conférence romande des permanences pour requérants d’asile (COPERA) pour souligner les difficultés auxquelles se heurte la défense des réfugiés, compte tenu du peu de moyens dont disposent les services de consultation qui les aident.

Un rapport fantaisiste

En l’occurrence, sans le travail acharné de sa mandataire de Caritas à Neuchâtel, jamais la décision négative prise par l’Office fédéral des migrations le 3 mai 2001 n’aurait pu être renversée. Pensez donc. Selon les informations transmises par l’ambassade de Suisse dans son pays d’origine, la prison mentionnée par le requérant n’existait même pas! Mais voilà: Caritas Neuchâtel obtient par la suite, coup sur coup, des confirmations d’Amnesty International et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) corrigeant les informations recueillies par l’ambassade. Malgré cela, la Commission de recours en matière d’asile considéra le recours comme «dénué de chance de succès» et réclama une avance de frais. Suite à de nouveaux éléments, l’ODM finira pourtant par annuler sa première décision et reprendre l’instruction du cas

Enfin l’asile!

Une nouvelle enquête d’ambassade est menée, dont le rapport admet cette fois-ci l’existence de la prison, mais nie tout le reste. Les témoins qui avaient aidé le requérant à s’évader déclaraient en effet ne pas le connaître. Plutôt que d’y voir une réaction d’élémentaire prudence, l’ODM rejette à nouveau la demande d’asile le 7 mai 2002! Il faudra de nouvelles attestations et une débauche d’efforts de la mandataire (qui aura effectué dans cette affaire 2 recours, 30 courriers et 19 entretiens téléphoniques) pour que l’intéressé, suite à un deuxième recours, se voie accorder l’asile.

Cela fait vingt ans que certaines ambassades livrent des rapports fantaisistes, en s’appuyant sur des collaborateurs anonymes, dont la fiabilité est plus que douteuse (voir Vivre Ensemble, n°8, 32, 58,…). Jusqu’à quand?

Rédaction