Editorial | Des faits, rien que des faits
Tous ceux qui sont actifs aux côtés des réfugiés et des immigrés découvrent tôt ou tard une réalité dont ils ne soupçonnaient pas la dureté. Tant de vies gâchées par l’attente d’une décision et la marginalité imposée, tant de destins brisés par une application trop rigoureuse de la loi, quand celle-ci n’est pas en elle-même arbitraire. Connaître ces cas permet de se forger une conviction sans faille. Mais au-delà de ceux qui s’occupent directement des migrants, cette réalité devient floue. Le citoyen moyen qui n’est pas confronté à des exemples concrets se perd vite face aux généralités; beaucoup se laissent encore abuser par des déclarations officielles lénifiantes; et les médias sont plus intéressés à monter en épingle les abus qu’à tendre leurs micros aux requérants d’asile.
La votation du 14 septembre 2006 l’a bien montré, une majorité de notre population n’a pas conscience de la réalité, et persiste à croire naïvement que «les vrais réfugiés seront toujours accueillis dans notre pays» (voir notre article sur les réfugiés irakiens en p. 6). Que cela nous plaise ou non, nos organisations ont échoué jusqu’ici à faire émerger suffisamment de faits concrets à l’appui de nos positions. Dans le canton de Vaud, le mouvement en faveur des «523» a mis en avant d’excellents portraits de déboutés, et il a fait la preuve que c’est bien cette mise en évidence de cas effectifs qui a le plus d’impact. Mais hormis ces cas «humanitaires», bien peu de choses transparaissent de ce que vivent au quotidien les requérants d’asile, et les procédures elles-mêmes sont rarement décrites. C’est pourquoi, la création d’un observatoire du droit d’asile et des migrants est un objectif essentiel.
En s’efforçant de présenter des cas concrets illustrant crûment l’application des lois sur l’asile et les étrangers, l’observatoire veut permettre à ceux qui ne s’occupent pas directement des migrants d’avoir accès à une réalité que seul un petit nombre de personnes, souvent professionnelles, connaissent vraiment. A ceux qui sont au front, souvent surchargés, et qui passent d’un cas à l’autre sans avoir l’occasion de témoigner de ce qu’ils voient, l’observatoire lance un défi. Il faut enfin que les cas criants d’injustice auxquels ils sont confrontés ne restent plus cachés dans l’ombre des dossiers, pour qu’ils puissent servir à une prise de conscience.
D’une certaine façon, c’est à un changement de culture que l’observatoire appelle les praticiens, mandataires, permanents d’associations et autres avocats. Quand des politiques comme celles de l’asile et des étrangers sont à ce point marquées par le débat public, l’intérêt général commande de sortir de la discrétion qui caractérise le plus souvent leur travail, pour permettre que l’information circule.
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