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Notre regard

Loi sur l’asile | Nouveaux durcissements au DFJP

Le coup de gueule de Christoph Blocher contre l’octroi de l’asile aux déserteurs Erythréens n’était pas passé inaperçu. Depuis lors, une révision de la loi sur l’asile est bel et bien en préparation. Et la surprise, c’est que par la même occasion, le Département fédéral de justice et police (DFJP) de Madame Widmer-Schlumpf pourrait bien viser d’autres objectifs. Dans plusieurs déclarations, depuis le mois d’avril, la nouvelle cheffe du DFJP s’en prend aussi aux admissions provisoires. Une attaque peu commentée jusqu’ici.

Dans le discours qu’elle a tenu après ses 100 premiers jours à la tête du DFJP, Evelyne Widmer-Schlumpf mentionne trois points pour une future révision de la loi.

Limiter l’actroi de l’asile aux déserteurs, comme l’avait annoncé Christoph Blocher face à la hausse des Erythréens dans les statistiques de l’asile. Sanctionner ceux qui militent contre leur pays en Suisse, provoquant ainsi ce qu’on appelle un «motif subjectif postérieur à la fuite». Enfin, modifier les conditions d’examen de l’inexigibilité du renvoi, qui débouche sur l’admission provisoire (permis F). Un point un peu technique, mais qui pourrait avoir des conséquences considérables. La possibilité de demander l’asile à l’étranger, par le truchement d’une ambassade est également en discussion (Neue Zürcher Zeitung, 17.4.08).

Désertion, motif insuffisant

L’affaire des déserteurs Erythréens, arrivés l’an dernier en tête de la statistique des demandes d’asile, a fortement retenu l’attention. Le DFJP a réussi le tour de passe-passe de faire croire qu’ils obtenaient l’asile uniquement du fait de leur désertion. En réalité, c’est parce qu’ils sont

menacés de traitements inhumains que la jurisprudence leur est favorable. Et sur ce point, la marge de manœuvre du DFJP est réduite. La Convention de Genève de 1951 impose en effet d’accorder le statut de réfugié dans un tel cas.

De l’inexigibilité du renvoi

La Suisse est par contre libre d’agir sur l’admission provisoire pour inexigibilité du renvoi, qui ne repose pas sur le droit international. Déjà lors de la dernière révision de la loi, le DFJP avait tenté de limiter drastiquement la définition de

l’inexigibilité en proposant de remplacer le critère du «danger concret» par celui du «danger pour la vie».

Un changement repoussé in extremis lors des débats aux Chambres. Avec une belle constance, le DFJP s’attaque aujourd’hui à l’admission provisoire d’une autre façon.

Fardeau de la preuve

Pour en limiter l’octroi, le DFJP envisagerait d’imposer au requérant le «fardeau de la preuve» de l’inexigibilité de son renvoi. A tout le moins sur ses motifs personnels. La vraisemblance de ses indications ne suffirait plus. Exemple: il incomberait au requérant de «prouver» qu’il n’a plus de famille sur place susceptible d’assurer sa survie, en présentant des certificats de décès. Apparemment raisonnable, cette exigence est en réalité aberrante. Lorsqu’un requérant peut apporter ce genre de preuves, qui sont dans son intérêt, il le fait. Mais il n’est souvent pas possible de disposer de preuves concrètes.

Souvent, ce sont des problèmes de santé qui font obstacle au renvoi, car un traitement approprié ne serait pas possible, de sorte que le rapatriement représenterait une mise en danger. Aujourd’hui, c’est l’ODM qui, en cas de maladie grave, est tenu de démontrer que les soins pourront être administrés dans le pays d’origine. Le requérant qui signale le problème, ne dispose pas, contrairement à l’ODM, d’un appareil documentaire et des possibilités de recherches approfondies pour vérifier si tel traitement est accessible dans telle région du monde.

Accès inégal aux ressources

C’est aussi l’ODM qui doit s’assurer, par une enquête individualisée, que la sécurité des représentants de minorités ethniques au Kosovo est bien garantie, ou de montrer qu’un réseau social pourra prendre en charge un Kurde irakien à son retour.

On voit d’ici les dégâts, si un requérant se voit renvoyé du seul fait qu’il n’a pas réussi par lui-même à rassembler des informations qui impliquent parfois le recours à des réseaux spécialisés ou à des enquêtes d’ambassade hors de sa portée.

Yves Brutsch